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Cour des comptes - L’utilité des chambres consulaires remise en question

Dans son rapport annuel publié le 18 mars 2021, la Cour des comptes remet en question l’utilité des chambres consulaires. L’institution propose une évaluation "complète et sans tabou" pour vérifier la légitimité du maintien du financement public qui leur est accordé. Pour CCI France, le rapport est à charge.

Les réformes engagées par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) et par les chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) "demeurent inabouties" et leur succès "est loin d’être garanti", selon la Cour des comptes. Dans son rapport annuel, publié le 18 mars 2021, elle estime indispensable une évaluation complète et sans tabou de l’utilité des réseaux consulaires pour les entreprises. Evaluation qui devrait permettre de vérifier la légitimité du maintien du financement public qui leur est accordé.

En effet, soulignant la pression financière à laquelle ces structures, et particulièrement les CCI, ont dû faire face ces dernières années, le rapport remet en question le principe même des taxes qui leur sont affectées. Des taxes qui s’apparentent aujourd’hui davantage à une dotation fixée par l’Etat qu’à une ressource décidée par les représentants des entreprises et gérée par eux. "La numérisation croissante de l’économie conduit à s’interroger sur le bien-fondé d’une fiscalité affectée pesant pour l’essentiel sur les actifs physiques des entreprises, plaçant par exemple le commerce traditionnel dans une situation concurrentielle défavorable par rapport au commerce en ligne", insiste la Cour des comptes, proposant d’étudier d’autres solutions de financement : un basculement sur le budget général, une contribution volontaire obligatoire (CVO) ou le financement au cas par cas dans le cadre de commandes publiques.

"Si les progrès sont réels, ils restent insuffisants"

Le rapport reconnaît aussi les efforts faits par les CCI en matière de réduction d’effectifs avec une diminution de 27,8%, entre 2012 et 2018 mais il souligne le manque d’avancées sur les mutualisations de certaines fonctions, les fonctions "support et institutionnelles" en premier lieu, qui à l’inverse se sont accrues, provoquant un alourdissement des frais de structure. "Les restructurations auraient dû se traduire par une refonte de la carte nationale des établissements, insiste le document, depuis 2010, le législateur encourage les chambres consulaires à se regrouper en établissements régionaux. Si les progrès sont réels, ils restent insuffisants et surtout très hétérogènes d’une région à l’autre" : de 165 établissements publics en 2010 à 103 en 2020, avec le passage en 2017 de 22 CCIR en métropole à 13 pour s’adapter à la réforme de la carte des régions. "Pour autant, l’organisation reste peu lisible, avec une minorité d’établissements uniques en région disposant de la surface financière nécessaire et une majorité de CCIR aux marges plus restreintes et gérant des réseaux constitués de CCIT hétérogènes dont certaines n’ont plus de viabilité économique", souligne le document, qui plaide pour l’instauration d’établissements régionaux uniques. Une perspective pour le moment rejeté par CCI France et que les CMA doivent suivre depuis le 1er janvier 2021 en vertu de la loi Pacte de 2019.

Le pari de cette loi, de maintenir les chambres en les incitant à développer des prestations payantes est "loin d’être gagné" assure la Cour, qui pointe la connaissance "superficielle" dans la plupart des cas des besoins des entreprises à satisfaire. Le rapport critique au passage le rôle des CCI et des CMA dans la crise sanitaire. Un rôle qui "a principalement consisté à donner gratuitement de l’information" et qui "apparaît marginal aux yeux des entreprises".

Un rapport "à charge" selon CCI France

Pour CCI France, le rapport "à charge" de la Cour des comptes n’intègre pas les transformations profondes opérées au sein du réseau au cours des dernières années - et particulièrement les avancées réalisées suite à la loi Pacte, puisque l’analyse s’arrête à l’année 2019 -, ni la mise en oeuvre du contrat d’objectifs et de performance et des conventions d’objectifs et de moyens. Quant à l’utilité des CCI, Pierre Goguet se dit confiant. "Tous les acteurs ont été témoins de notre engagement dès le premier confinement il y a exactement un an", détaille-t-il en allusion à la période de crise Covid-19, "les enquêtes de satisfaction auprès des entreprises sont toutes positives". Le président de CCI France indique que le financement par le seul produit de leurs activités est impossible. Un produit qui est aussi garant d’une redistribution en faveur des TPE et PME qui sont celles qui bénéficient le plus des services des chambres.

Du côté des CMA, on met aussi en avant l’utilité des chambres durant la crise. "Les témoignages à ce sujet sont unanimes, aussi bien en provenance des artisans, des acteurs économiques que des élus locaux ou des parlementaires", assure ainsi Joël Fourny, président de CMA France, dans un communiqué du 18 mars.
 

  • Les chambres d’agriculture incitées à aller au bout de leur régionalisation

Dans son rapport annuel publié le 18 mars 2021, la Cour des comptes se penche sur les évolutions des chambres d’agriculture, insistant sur la diminution du nombre d’établissements (103 en octobre 2020 contre 114 en 2010) liée à la montée en puissance de l’échelon régional. Une réduction "sans commune mesure, toutes choses égales par ailleurs, avec celle des chambres de commerce et d’industrie et même celle des chambres des métiers et de l’artisanat", signale le document. "Pourtant les chambres d’agriculture de Corse, au nombre de trois pour une activité restreinte, pourraient envisager la création d’une unique chambre d’agriculture de région." La Cour estime par ailleurs que l’État doit définir sa vision stratégique pour le réseau, en adéquation avec les ambitions affichées dans le plan de relance présenté en septembre 2020, à travers notamment la signature au plus tard en 2021 du contrat d’objectifs et de performance.
Parmi les autres recommandations de la Cour : encourager la fusion des chambres départementales, transférer la compétence fiscale du niveau départemental au niveau régional et négocier l’évolution du statut des personnels du réseau en cohérence avec le droit du travail pour aboutir à une réforme avant 2024.
Partageant la plupart des constats de la Cour concernant la fusion des chambres départementales, les chambres d’agriculture (APCA) estiment toutefois, dans un communiqué du 19 mars, que l’institution minimise l’importance des enjeux de proximité, et notamment l’accompagnement des exploitants dans les transformations de l’agriculture. Les chambres sont aussi défavorables au transfert de la compétence fiscale du niveau départemental au niveau régional.