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La Courneuve propose un plan à 10 milliards pour lutter contre les inégalités territoriales

La Courneuve, capitale des inégalités territoriales de France ? Elle semble y prétendre. Cette commune de Seine-Saint-Denis, qui cumule les statistiques marqueurs d'inégalités, tente de rassembler d'autres territoires, urbains et ruraux, autour de 18 propositions à destination des pouvoirs publics. Un plan qu'elle chiffre à 10 milliards d'euros par an.

Un taux de pauvreté à 43 %, un taux de chômage à 27 %, 26% des professeurs ont moins de 30 ans, la DGF a baissé de 3,6 millions d'euros en 5 ans, on compte 23 policiers pour 10.000 habitants quand la France en compte 29 en moyenne, et 21 professionnels de santé pour 10.000 habitants contre 57 France entière… "Si cela se passait à Neuilly-sur-Seine ou sur la côte d’Azur, personne n’accepterait cet état de fait. Pourtant, pour nos quartiers, cela ne choque plus", commente Gilles Poux, maire (PCF) de La Courneuve, la ville qui cumule ces sombres statistiques. Elles sont répertoriées et commentées dans "L'Atlas des inégalités territoriales", un document de 55 pages publié le 15 avril 2019, et réalisé avec le cabinet d'étude Eneis/KPMG.
Parce que Gilles Poux considère que "le déclassement de populations a toujours été le résultat de choix politiques", il formule 18 propositions à destination des pouvoirs publics. Ces propositions ne concernent pas uniquement sa ville mais la France entière. Elles sont estimées à 10 milliards d’euros par an.  

18 propositions

Il suggère d'abord un moratoire "sur tout dispositif visant à réduire les moyens de l’État à l’échelle du territoire national". On pense à l'annonce que le président de la République devrait faire sur les écoles rurales (voir notre article du 17 avril 2019), et plus largement aux hôpitaux, maternités, tribunaux… 
Pour mieux appréhender les réalités de terrain, il demande que les données brutes des services publics déployés par l’État soient mises à disposition, "notamment celles relatives aux moyens économiques et humains alloués à chaque service public, territoire par territoire". 
Sans surprise, le maire communiste est favorable à une refonte de la péréquation pour "une redistribution plus juste des richesses entre les territoires favorisés et les territoires populaires". 

Un droit à la garde d'enfant opposable

Gilles Poux remet sur le tapis l'idée, proche de la "Cour d'équité des territoires" du plan Borloo, d'"une autorité? administrative indépendante (AAI) pour l’égalité? républicaine" qui serait placée sous l’autorité d’un défenseur des territoires et dotée de moyens d’investigation et de pouvoirs juridiques. Il propose de supprimer les contrats de ville et de créer un "fonds d’égalité territoriale" commun aux villes éligibles à la dotation de solidarité? urbaine (DSU) et à la dotation de solidarité rurale (DSR). Ce fonds serait financé par le fléchage de 1% de la TVA collectée à l’échelle départementale. 
Il suggère la création d’un service public de la petite enfance et un "droit opposable" en la matière. Il propose d'étendre le dédoublement des classes, à l'échelle nationale, pour les classes de sixième et seconde, au moment du changement d’établissement, et d'instaurer un plan national de lutte contre l’illettrisme.

Des contrats de missions pour fonctionnaires expérimentés

Il propose de mettre en place des "contrats incitatifs à destination des fonctionnaires expérimentés pour les encourager à exercer au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)". Ces "contrats de missions" seraient à destination des agents des trois fonctions publiques. De même, il suggère la création d’un "fonds d’incitation à l’installation de médecins en zones déficitaires" pour lutter contre les "déserts médicaux".
Le maire de La Courneuve verrait bien aussi un "service national citoyen" de deux mois, pour tous les résidents de 18 ans, et pas seulement ceux de nationalité française, avec comme objectif la "refondation du lien social et du vivre-ensemble (éducation civique, orientation, santé, etc.)". 
Il propose la création d'un statut de citoyen bénévole, le déploiement de dispositifs expérimentaux d’éducation artistique et culturelle (EAC). 

Une prime aux territoires bâtisseurs écoresponsables

Il suggère de créer "une prime aux territoires bâtisseurs écoresponsables", de rendre gratuits les transports en commun et de créer un "fonds de réparation environnemental" visant à "compenser les aménagements du territoire imposés par l’État" (pollution liée aux infrastructures routières, proximité? avec un équipement incommodant...)
Sur le volet économique, il propose de remplacer les clauses sociales d'insertion par un dispositif d'"emplois réussite" au sein des grandes entreprises, le développement de la part des TPE/PME dans les marchés publics relatifs aux grands projets avec obligation de recrutement local. 

Vers des propositions "transposables à l'ensemble des territoires discriminés" ?

Gilles Poux n'en est pas à son coup d'essai. En 2009, le maire de La Courneuve avait porté plainte pour "discrimination territoriale" auprès de la Halde (aujourd'hui Défenseur des droits). 
Aujourd'hui, son Atlas sous le coude, il va entreprendre un tour de France pour enrichir ses propositions auprès d'associations, ONG, acteurs de terrain… et les rendre "parfaitement transposables à l’ensemble des territoires discriminés". Il donne d'ores et déjà rendez-vous le 13 juin dans sa ville, pour "une grande rencontre, lors de laquelle des actions fortes pour rétablir l’égalité républicaine dans les territoires seront annoncées".

Sept maires de Seine-Saint-Denis signent une tribune contre la loi Blanquer

Les maires de sept villes de Seine-Saint-Denis (La Courneuve, Stains, Montreuil, Aubervilliers, l’Île-Saint-Denis, Villetaneuse, Saint-Denis) dénoncent dans une tribune publiée le 18 avril par Libération "un projet de loi qui instaurera une école à plusieurs vitesses" et qui s'ajoute au "manque de moyens humains et financiers de (leurs) établissements scolaires (...) : tout le long de leur scolarité, les enfants de Seine-Saint-Denis perdent une année d’enseignement par manque de professeur·e·s ou de remplaçant·e·s ; il en est de même de la médecine scolaire, dont 50% des postes ne sont pas pourvus dans le département". Les élus dénoncent de plus "la logique du ministre qui, au nom de l’apprentissage des fondamentaux, purge l’éducation dans les milieux populaires des apprentissages et découvertes artistiques, culturels, sportifs…"
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