La feuille de route énergétique de la France "n'est pas écrite à l'avance" assure François Bayrou au Sénat

La prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) "n'est pas écrite à l'avance", a assuré ce 6 mai François Bayrou devant le Sénat, promettant aux parlementaires de les "écouter attentivement" avant la publication d'un décret à l'été. Le Premier ministre a aussi confirmé que le gouvernement allait présenter en juin des mesures pour développer la géothermie.

Une semaine après les députés (lire notre article), les sénateurs étaient invités à participer, ce 6 mai, à un débat sans vote sur "la souveraineté énergétique de la France", proposé par le gouvernement à la demande des parlementaires. "Aujourd'hui, nous sommes en situation de dépendance : 60% de l'énergie que nous consommons provient des énergies fossiles que nous importons - 40% du pétrole, 20% du gaz, a rappelé d’emblée François Bayrou. Cela pose un problème géopolitique, d'abord, en entraînant une dépendance et une vulnérabilité stratégiques vis-à-vis de pays producteurs comme l'Arabie saoudite, la Russie et les États-Unis. Un problème écologique, ensuite, car ces 1.000 térawattheures (TWh) émettent 280 millions de tonnes de CO2, ce qui entre en contradiction avec nos engagements à atteindre la neutralité carbone en 2050. Un problème financier, enfin : notre déficit commercial s'élève à 100 milliards d'euros, dont la moitié pour les hydrocarbures." "Nous sommes dans un état d'urgence énergétique", a souligné le Premier ministre avant de détailler la prochaine feuille de route en la matière.

Convergence de vues sur le nucléaire

"Cette programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) n'est pas écrite à l'avance. Toutes les analyses seront prises en compte avant sa rédaction finale", a-t-il assuré devant un hémicycle dominé par une alliance droite-centristes qui le soutient et plaide de longue date pour une relance plus affirmée du nucléaire dans le pays.

Le chef du gouvernement a de nouveau décliné les objectifs gouvernementaux pour la période 2025-2035, qui doit mettre le pays sur la voie de la neutralité carbone en 2050. Il a surtout assuré que le décret définissant cette PPE 2025-2035, un temps attendu au printemps, ne serait publié qu'après l'examen par l'Assemblée nationale d'une proposition de loi du sénateur Les Républicains Daniel Gremillet, adoptée à l’automne 2024 au Palais du Luxembourg. Le texte devrait être examiné par les députés en commission des affaires économiques le 4 juin puis la semaine du 16 juin en séance.

Le Premier ministre en a profité pour dire tout le bien qu'il pensait de la proposition de loi sénatoriale, "qui porte une programmation ambitieuse mais réaliste pour notre pays". Il a notamment salué une "convergence" majeure entre gouvernement et Sénat : le "socle de notre mix électrique doit être la production d'énergie nucléaire", a-t-il dit. "C’est la voix de la représentation nationale que le gouvernement souhaite désormais écouter", a insisté François Bayrou, avant de préciser que "le gouvernement s’engage à prendre en compte et à analyser chaque avis formulé". Ses prédécesseurs Gabriel Attal puis Michel Barnier, s’étaient refusés à présenter une loi de programmation énergie-climat, comme le mentionnait le code de l’énergie, faute de majorité politique sur ces sujets à l’Assemblée nationale selon eux.

La géothermie, un nouvel eldorado

Le projet de planification vise une baisse de la consommation en énergie finale de 38 TWh par an sur la période 2024-2030. Il prévoit aussi de ramener la part des énergies fossiles dans la consommation énergétique d'environ 60% en 2023 à 42% en 2030, puis 30% en 2035. En rupture avec la précédente PPE, qui prévoyait de fermer des réacteurs, le nouveau texte acte une relance de l'atome, avec la construction de six nouveaux EPR2. L'ambition du rythme de déploiement des renouvelables est confirmée, en particulier pour l'éolien en mer.

Le Premier ministre a aussi confirmé que le gouvernement souhaitait développer la géothermie, "gisement inépuisable et potentiellement gratuit à terme, qui permet d'économiser 80% pour le chauffage et 90% pour la climatisation", a-t-il souligné, en citant le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui estime à 100 TWh annuels le potentiel d'économies de gaz grâce à la géothermie de surface, "soit environ 20% de la production de nos centrales nucléaires". 

"Le gouvernement formulera en juin des propositions pour soutenir la filière française de forage - nous ne formons pas assez de foreurs -, de production et d'installation des pompes à chaleur", a-t-il précisé. "Il faut aussi trouver des modèles de financement efficaces facilitant l'installation des pompes à chaleur dans les foyers français, à des coûts moins prohibitifs."

Soutien sous conditions du sénateur Daniel Grémillet

Invité à s’exprimer après le Premier ministre, le sénateur Daniel Gremillet a salué la reprise de sa proposition de loi à l’Assemblée nationale. "Il est heureux que la PPE soit de nouveau à l’agenda. […] Je me réjouis que le gouvernement ait clairement choisi la voie parlementaire", a-t-il déclaré, avant d’appeler à "choisir les options les moins créatrices de normes".

Tout en jugeant "positif" le projet de décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie proposé par le gouvernement au début du printemps, le sénateur, chargé d’un groupe de travail sur ce texte au côté du député Antoine Armand (EPR), s’est dit prêt à accorder son "soutien" "à deux conditions" : "qu’il soit conforté par la proposition de loi" à l’Assemblée nationale et que des "ajustements" aient lieu.

Les prévisions en matière de nouveau nucléaire doivent ainsi être révisées à la hausse pour "atteindre le scénario N03, le plus nucléarisé, de RTE", soutient-il. Ce scénario repose sur la mise en service de quatorze nouveaux EPR et sur le développement d’autres types de réacteurs tels que les petits réacteurs modulaires pour atteindre 27 GW de nouveau nucléaire afin d’obtenir en 2050 un mix électrique composé de 50% de nucléaire et de 50% d’énergies renouvelables.

En outre, le décret sur la PPE évoque 600.000 rénovations énergétiques par an d'ici 2030 et 825 TWh d'économies par an d'ici à 2026, contre 900.000 et 1.250 TWH respectivement dans la proposition de loi sénatoriale, a rappelé Daniel Grémillet. Selon lui, "il faut une plus grande cohérence et une plus grande ambition".

 

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