La géothermie peine toujours à sortir de terre

En dépit de ses atouts, la géothermie, sous ses différentes formes, peine toujours à se déployer en France. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) continuent à en vanter les mérites, escomptant sur le soutien appuyé du Premier ministre pour donner un réel coup de fouet à cette énergie parée de toutes les vertus. François Bayrou devrait annoncer de nouvelles mesures à l'automne, "ciblées collectivités".

"Drill, baby, drill ! (Fore, chéri, fore !)". Le slogan cher à Donald Trump, a la cote au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Sauf qu'à Orléans (Loiret), siège de l'établissement, c'est la chaleur – ou le froid ! – de la Terre que l'on recherche, précisément pour remplacer les énergies fossiles. "La géothermie est une énergie non intermittente, inépuisable, quasi décarbonée, à l'exploitation peu coûteuse et qui engendre peu de nuisances", vante Catherine Lagneau, à la tête du BRGM, à l'occasion d'un voyage de presse organisé conjointement avec le Syndicat des énergies renouvelables (SER), le 3 juillet dernier. "Souveraine et plus acceptable socialement", ajoute la préfète de la région Centre–Val de Loire, préfète du Loiret, Sophie Brocas.

Des technologiques "largement sous-utilisées"

En dépit de ces multiples atours, cette source d'énergie peine à se déployer. "On n'avance toujours pas", déplore Jules Nyssen, reconduit le 8 juillet dernier à la présidence du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Pis, David Coutelle, directeur des métiers chez Ginger Burgeap et président de la commission Géothermies du SER, décèle même une "tendance défavorable depuis la crise financière de 2008". Il met en exergue une division par 7 des installations annuelles de PAC [pompes à chaleur, ndlr] géothermiques dans le secteur individuel, notamment due à "la chute de la construction neuve" et à "l'émergence des PAC aérothermiques, moins coûteuses à l'achat". "Malgré le fort potentiel du sous-sol de notre région, la géothermie reste largement sous-utilisée", déplore la préfète Sophie Brocas. Le président du conseil régional, François Bonneau, y voit plusieurs raisons, parmi lesquelles l'échec de la première génération des pompes à chaleur : "Ça vous empoisonne pendant des décennies", juge-t-il. Il y ajoute les "fausses images" sur la géothermie – "Il ne faut pas éliminer la géothermie de surface au regard du caractère exigeant de la géothermie profonde", plaide-t-il au passage –, "le manque d'un réseau d'acteurs" ou encore "des qualifications insuffisamment développées". Le tout faisant que "la confiance est insuffisamment établie". 

"Promesses de papier"

Pour inverser la tendance, la région Centre–Val de Loire et l'État ont lancé une "feuille de route régionale géothermie 2025-2030" qui vise à soutenir ces technologies – "Il faut parler des géothermies, c'est un ensemble de solutions", insiste David Coutelle –, notamment en les vulgarisant. Communiquer sur les projets existants et sur le potentiel régional, favoriser l'émergence de projets démonstrateurs en géothermie profonde, inciter à l'installation de PAC géothermiques dans le résidentiel, accompagner les projets de géothermie de surface pour les bâtiments publics ou d'entreprises… sont autant d'actions listées dans cette feuille de route, sans oublier le développement d'offres de formation. "On peut avoir des débats passionnés, on peut voter toutes les PPE [programmations pluriannuelles de l'énergie, ndlr] qu'on veut [quand on les vote, ndlr], on peut mettre beaucoup d'argent, quand derrière on n'a pas des maires, des entrepreneurs, des habitants qui s'engagent, tout cela reste des promesses de papier", souligne Sophie Brocas.

Un sujet "porté politiquement"

Motif d'espoir, "le sujet est porté politiquement" par l'actuel Premier ministre, souligne Jules Nyssen, en faisant observer que "Pau [son agglomération] dispose de la seule école de formation de foreurs" du pays à ce jour. Également rappelé, le fait que le haut-commissariat au plan, alors présidé par le Palois, avait consacré en 2022 un rapport à la géothermie de surface, intitulé "Une arme puissante". À Matignon, l'intérêt de François Bayrou pour la géothermie ne s'est pas démenti. Le Premier ministre en a même fait un "axe essentiel" de la transition écologique dans son discours de politique générale (lire notre article du 14 janvier). Une énergie qu'il a encore promue devant les parlementaires lors de débats sans vote sur la souveraineté énergétique de la France (lire notre article du 7 mai). Et comme promis (lire notre article du 29 avril), le chef du gouvernement a, le 19 juin dernier, lors des journées de la géothermie 2025 organisées à Biarritz, fait quelques annonces pour la promouvoir (lire notre article du 19 juin), saluées par la profession : travail avec le système bancaire français, notamment la Banque des Territoires, pour faciliter le financement de l'installation initiale pour les particuliers, rehaussement du seuil de puissance (de 500 kW à 2GW) permettant à une installation de géothermie de surface sur sonde de bénéficier de la procédure accélérée d'autorisation du régime dit de "géothermie de minime importance" – "une très bonne nouvelle", estime David Coutelle – ou encore renforcement des formations de foreurs, en citant l'ouverture prochaine d'écoles à Beauvais (Oise) et à Marseille (Bouches-du-Rhône). Jules Nyssen salue également le "renforcement du réseau des animateurs territoriaux et le lancement d'actions de communication auprès des collectivités" annoncés par le Premier ministre, la pédagogie étant selon lui l'une des "conditions de réussite" des géothermies en France, avec l'allègement du cadre réglementaire, le développement de la formation et celui du financement. En l'espèce, il insiste sur la "pérennisation indispensable" du fonds Chaleur, qui "ne représente pas des sommes gigantesques". À tel point, note David Coutelle, que "la moitié des demandes d'aides formulées ont reçu une réponse négative, car les fonds sont déjà consommés". Témoignant ainsi de l'"insuffisance" de la dotation, dénoncée, parmi d'autres, par Amorce (lire notre article du 12 février).

Nouvelle salve de mesures attendues à l'automne

Des annonces que le Premier ministre devrait compléter par de nouvelles mesures à la rentrée, "ciblées sur les collectivités", indique-t-on. Lesquelles seront sans doute elles-mêmes renforcées par le "plan d'action à court terme, de 1 à 3 ans" qu'est chargée d'élaborer la "mission commando géothermie" mise en place par François Bayrou en avril dernier, conduite par le député Vincent Thiébaut (Bas-Rhin, Horizons). Ce dernier, qui avait piloté l'an passé à l'Assemblée une mission d'information flash sur les conséquences de la géothermie profonde – mise en question après les séismes strasbourgeois de 2020 (lire notre article du 8 décembre 2020) –, précise que "la mission n'a pas vocation à remplacer le plan national géothermie mais bien de s'articuler avec [ce dernier]". Un plan – lancé le 2 février 2023 par Agnès Pannier-Runacher, aux côtés de… François Bayrou (lire notre article du 2 février) – qui peine jusqu'ici à porter ses fruits. Ainsi, alors qu'il ambitionnait de doubler le nombre d'installations de pompes à chaleur géothermique chez les particuliers d'ici à 2025, celui-ci serait en net recul en 2024, d'après le syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques Uniclima : 2.679 unités vendues, soit une baisse de 23,8% par rapport à 2023 (année pour laquelle le syndicat recensait 3.517 PAC géothermiques vendues, un nombre alors en hausse de 18%).

 

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