Services publics locaux - La gestion déléguée, cette belle inconnue...
Quelle perception les Français ont-ils de leurs services publics locaux ? Comment cette perception évolue-t-elle dans le temps ? Que savent-ils de la gestion déléguée et quel regard portent-ils sur ce mode de gestion par rapport à la gestion directe ? Comme tous les deux ans depuis 1997, l'Institut de la gestion déléguée (IGD) et l'Institut BVA ont dévoilé le 30 janvier les résultats de la nouvelle édition de leur baromètre "Les Français et les services publics locaux", qui permet d'en savoir un peu plus sur ces questions.
Basé sur un sondage réalisé en décembre dernier auprès d'un millier de personnes, ce baromètre (disponible ci-contre en téléchargement) permet en premier lieu d'identifier les services publics locaux jugés prioritaires par la population (voir page 6). Sur ce point, guère de surprise : viennent en tête la distribution d'eau et d'électricité et la collecte des déchets, suivies par les télécoms et le haut débit puis les transports. Le taux de satisfaction globale vis-à-vis de ces services peut sembler correct : 78%. Pourtant, il connaît "une dégradation constante", a souligné le 30 janvier Gaël Sliman, directeur général adjoint de BVA, venu commenter ces résultats à l'occasion de la soirée des vœux de l'IGD et du Cercle du Grenelle. Le taux de satisfaction était par exemple de 90% il y a quatre ans. "En fait, on obtient le deuxième taux le plus faible depuis 1997, juste après le record de 2001", a-t-il précisé.
De même, "l'évolution perçue" de la qualité des services publics locaux (mesurée par la question "par rapport à il y a quelques années, diriez-vous que globalement la qualité des services publics locaux s'est plutôt améliorée, plutôt détériorée ou qu'elle n'a pas changé ?") fait elle aussi apparaître un sentiment de dégradation : 33% des sondés parlent de détérioration (contre 10% en 2006) tandis que 24% seulement évoquent une amélioration (soit deux fois moins qu'en 2006). En notant toutefois que les réponses varient parfois sensiblement d'un territoire à l'autre. Pour la première fois en effet, BVA a scindé l'Hexagone en neuf grandes "régions UDA" (telles qu'utilisées par l'Union des annonceurs) et présenté les résultats à travers ce prisme. On constatera ainsi, par exemple, un écart de 15% entre le territoire le plus satisfait (Centre-Est) et le territoire le plus râleur (Normandies et Centre). Si les Franciliens figurent eux aussi parmi les grands insatisfaits, "on sait que traditionnellement, ils expriment un haut niveau d'exigence", a commenté Gaël Sliman.
La gestion déléguée et le syndrome nimby (not in my back yard)
S'agissant des questions centrées sur la gestion déléguée, là encore, le premier constat ne surprendra guère : "le niveau de connaissance des Français reste faible"… 44% des sondés disent savoir – y compris "plus ou moins" - ce qu'est la gestion directe et ce qu'est la gestion déléguée d'un service public local. C'est toutefois bien mieux qu'en 2008 (30%) ou même qu'en 2010 (38%). Une fois qu'une définition sommaire de ces deux notions leur a été fournie (voir page 19), une petite majorité des sondés affirment que la gestion déléguée est "plutôt une bonne chose". En tout cas sur le principe… puisqu'en revanche, dès lors qu'on les interroge sur les bons choix pour leur commune de résidence ("préférez-vous que les services publics locaux soient gérés directement par votre commune ou que leur gestion soit déléguée à des entreprises privées ?"), c'est cette fois la gestion directe qui est élue par 58% des administrés.
BVA liste ensuite une série de conditions susceptibles de faire changer d'avis les personnes s'affirmant réfractaires à la gestion déléguée : étude comparative démontrant l'intérêt économique de ce choix, réel contrôle exercé par la collectivité, possibilité pour la collectivité de dénoncer le contrat, mise en concurrence loyale, etc. On constate alors que les opinions se retournent facilement puisque 83% des "anti" gestion déléguée en accepteraient le principe dès lors qu'au moins l'une de ces conditions serait remplie.
On constate aussi l'efficacité de deux grands types d'arguments pour recueillir l'adhésion en faveur du transfert de la gestion d'un service public local à une entreprise privée : la perspective d'une meilleure continuité de service (moins d'interruption et/ou d'absentéisme) et l'enjeu de la fiscalité locale…
Au final, 64% de l'échantillon se dit favorable à une mise en concurrence entre les deux modes de gestion, y compris lorsqu'il s'agit de sa propre commune. Une telle intervention de la concurrence est toutefois diversement perçue selon le type de services concernés : d'accord quand il s'agit de réseaux (télécoms, électricité, gaz…), beaucoup moins d'accord s'il s'agit, par exemple, des services culturels ou sportifs municipaux…
Face à ces diverses réponses, Gaël Sliman a principalement conseillé aux élus présents de "mieux communiquer" sur ces sujets en direction de leurs administrés, y compris par des communications ciblées en fonction des publics, et de réfléchir à de vraies mises en concurrence entre gestion directe et gestion déléguée.
Mais il faudrait pour cela disposer de données comparées sur les différents modes de gestion, notamment sur leurs coûts. Or force est de constater que ces données manquent souvent. "Les élus n'ont pas toujours envie d'entrer dans une logique de benchmark", a reconnu lundi Claude Martinand, le président de l'IGD, en encourageant pour sa part la création d'un véritable observatoire. Ce qui permettrait entre autres selon lui de sortir de certaines visions "manichéistes" et des "débats tronqués" autour de la question du choix du mode de gestion.