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Social - La Halde veut clarifier les règles sur les signes religieux dans les établissements et services

Le collège de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) a adopté, le 28 mars, une délibération et des recommandations sur le fait religieux au travail. Ces recommandations, qui seront transmises au gouvernement, portent sur l'ensemble du champ du travail, dans le secteur privé comme dans le public. Une bonne part des observations de la Halde porte toutefois sur le secteur public et, plus précisément, sur les établissements sanitaires, sociaux et médicosociaux.
Dans les entreprises - et en s'appuyant sur les 80 délibérations déjà adoptées en matière de discrimination religieuse -, la Halde fait le constat "d'une gestion pour l'essentiel pragmatique et sereine, qui ne saurait masquer des interrogations et des crispations croissantes". Les employeurs privés ont généralement à coeur de ne pas interférer avec la pratique religieuse, mais simplement de s'interroger "sur la conciliation entre les demandes formulées par un salarié et la bonne marche de l'entreprise". La Halde reconnaît cependant que le respect des droits individuels doit être concilié avec celui des droits collectifs. De même, la prise en compte des demandes ayant trait au fait religieux "ne doit pas conduire à créer des divisions au sein de la communauté des salariés". Du côté des employeurs, le souhait exprimé porte essentiellement sur la sécurisation et la clarification du cadre juridique de la prise en compte du fait religieux.

Un sujet particulièrement sensible

Mais, comme le reconnaît la Halde, les consultations menées pour préparer la délibération "font apparaître une spécificité du secteur social, médicosocial et de la petite enfance, ainsi que du secteur privé hospitalier eu égard, d'une part, aux missions d'intérêt général dont ils ont la charge, du public concerné (enfants, personnes âgées) ou encore des conditions d'exercice de leurs missions (interventions à domicile ou dans des établissements qui constituent le domicile des usagers, relevant souvent de l'intimité de la personne)". Tout en rappelant que le principe constitutionnel de laïcité ne s'oppose pas à celui de la liberté religieuse et en soulignant que des réponses existent au sein du dispositif juridique actuel, la Halde admet que "certains aspects méritent d'être clarifiés". Ces clarifications juridiques devraient porter notamment sur la manifestation visible de la religion (vêtements, signes...) pour les salariés en contact avec les usagers. Il s'agit là d'un sujet particulièrement sensible dans les établissements de santé et dans les établissements d'accueil de la petite enfance (voir la récente affaire de la crèche Baby Loup dans les Yvelines). Ainsi que l'indique la délibération, "dans les secteurs du social, médicosocial et de la petite enfance, la haute autorité s'interroge sur le point de savoir dans quelle mesure l'employeur, lorsqu'il est investi d'une mission d'intérêt général ou d'une mission de service public, peut être fondé à restreindre l'expression religieuse de ses employés". Nombre de structures attendent effectivement la réponse... Les motifs tenant à la sécurité, la santé ou l'hygiène posent en revanche moins de problèmes, dans la mesure où les incompatibilités sont matériellement vérifiables.

Etendre aux structures sociales privées les obligations du public

En attendant, le collège de la Halde recommande au gouvernement de confier au Défenseur des droits, qui va absorber la haute autorité, "l'organisation d'un dialogue permanent avec l'ensemble des acteurs de l'emploi public et privé en y associant les partenaires sociaux, pour accompagner les employeurs dans la gestion de leurs ressources humaines et mutualiser les bonnes pratiques". Ce dialogue pourrait, dans un premier temps, porter sur deux points principaux. D'une part, il devrait contribuer à mutualiser les bonnes pratiques et à fournir des "points de repère" sur la portée de la liberté religieuse dans le monde du travail. D'autre part, il conviendrait "d'examiner l'opportunité d'étendre les obligations de neutralité qui s'imposent dans les structures publiques, aux structures privées des secteurs social, médico-social, ou de la petite enfance chargées d'une mission de service public ou d'intérêt général". Enfin, la Halde recommande de clarifier la portée de la circulaire du ministère de la santé du 2 février 2005, relative aux conditions d'obligation du principe de neutralité pour les établissements de santé privés d'intérêt collectif, chargés de missions de service public.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, délibération 2011-67 du 28 mars 2011 sur le fait religieux.