La maison bioclimatique, un débouché pour le bois des forêts ardennaises

La communauté de communes des Crêtes préardennaises, labellisée pôle d'excellence rurale au titre de "la valorisation locale de la ressource bois" a construit un prototype de maison bioclimatique.

Ce dimanche d'octobre à Boult-aux-Bois, 142 habitants au coeur de la forêt d'Argonne (Ardennes), les voitures se pressent en nombre inhabituel. Et beaucoup viennent de loin. Dans le cadre du festival "Sème la culture" organisé par la chambre d'agriculture et les cinq EPCI ardennais, Jacques Laloua, agriculteur, accueille les visiteurs sur le chantier de la maison bioclimatique qu'il est en train de construire de ses mains. Seul et avec l'aide des voisins pour les gros travaux.
L'ossature de poteaux et charpente en bois implantée sur une dalle de béton va représenter, lorsque les panneaux isolants seront posés entre les poteaux, 140 mètres carrés habitables, sur deux niveaux. "Dans des constructions de ce type, explique Jacques Laloua, pas besoin de fondations ou de vide sanitaire. En dessous de la dalle de béton, on isole avec 40cm de gravier et le tour est joué. On est isotherme. C'est la même chose pour les parois en bois. Beaucoup disent que cela nécessite un trop gros entretien. Ce n'est pas vrai. Si le toit déborde suffisamment, les parois sont protégées de l'humidité. C'est ce qui se passe sur ma maison là-bas ; je ne la repeins pas tous les ans."
Les questions fusent, sur le type de poêle à bois, la fosse septique, la taille des percements... "Songez que lorsque la maison sera achevée, équipée, avec les carrelages, les fenêtres, les sanitaires... elle ne m'aura pas coûté plus de 40.000 euros. Il faut ajouter 10.000 euros pour le terrain et tenir compte du coût de ma main-d'oeuvre que je n'ai pas évalué. Mais une maison à 50.000 euros et qui ne coûte pas d'énergie, cela fait rêver, non ?" Effectivement, on sent que pour les visiteurs, de jeunes retraités mais aussi des couples avec enfants, ce mode de construction est davantage qu'un choix technique : le bioclimatique et les maisons à ossature bois (les MOB) sont des sujets qui passionnent.

 

Une convergence appuyée par les élus entre le désir de se loger, la réduction de la consommation d'énergie et le développement des ressources locales

Robert Bocquillon, maire de Puiseux et président de la communauté de communes des Crêtes préardennaises, explique : "Dès 2001, nous avons commencé à réfléchir sur le type de projets de développement que nous pourrions engager et qui combinerait la valorisation des ressources locales avec le souci de tout un chacun de réduire sa consommation d'énergie et diminuer ses factures. Les maisons bioclimatiques, de type ossature bois, répondent à ce double objectif. Elles emploient le bois de nos forêts et, mettant en oeuvre tous les procédés d'économie d'énergie, elles sont amorties sur la durée."
Le groupe de travail sur le concept d'éco-territoire, raconte Audrey Raulin, qui en fut l'animatrice, a commencé par observer que ce pays est couvert de forêts de chênes à 25% mais que cette ressource n'est pas valorisée sur place. Le bois quitte le territoire sous forme de grumes ou est utilisé pour le chauffage, avec une valorisation et une création d'emplois insuffisantes. Or, si certaines grumes de second choix ne peuvent être utilisées telles quelles comme bois d'oeuvre de première catégorie, ce handicap peut être contourné si l'on recourt aux techniques de contrecollage qui permettent de fabriquer des poteaux à trois plis, technique qui impose aux bois une rigidité égale à celle des bois d'oeuvre de première catégorie. Cependant, la culture professionnelle nécessaire pour utiliser ce type de techniques manque chez les acteurs locaux. Les modèles de maisons "en bois" que l'on trouve en catalogues viennent de Finlande. Ils demandent des bois d'oeuvre que l'on ne trouve pas sur place. Bref, si quelqu'un veut construire en bois comme cela se fait partout en Europe, il ne trouve pas les interlocuteurs pour répondre à sa demande.
C'est pourquoi la communauté de communes - dont le périmètre est le même que celui du pays - a répondu, notamment à partir des réflexions du groupe de travail éco-territoire, à l'appel à projets lancé par la Diact en 2006. La proposition a été retenue et le pays a été labellisé pôle d'excellence rurale au titre de "la valorisation locale de la ressource bois". A ce titre, il a reçu, entre autres, une subvention de 200.000 euros pour engager des projets en lien avec la construction en bois local. Après de nombreux débats, il a été décidé de consacrer cette somme à la construction d'une maison en bois bioclimatique qui servirait de réalisation en taille réelle pour que les différents acteurs locaux (architectes, artisans, bailleurs...) puissent se retrouver, apprendre à se connaître sur un même chantier et surtout tester des méthodes de construction avec des matériaux sains peu utilisés localement. En même temps, cela constituerait une référence visitable pour les candidats à la construction.

 

Une réalisation en taille réelle pour fournir aux professionnels et aux passionnés l'opportunité de se rencontrer et de s'organiser

Cette "maison bio" comme la dénomme la presse locale a été localisée à Puiseux (340 habitants). Elle a été construite avec une ossature de poteaux-poutres contrecollés. Entre les poteaux, des panneaux de fibres de bois remplis d'isolant. En fait, n'étaient les panneaux solaires sur le toit, cette maison sur la place de l'église ressemble, vue de l'extérieur, à toutes les autres alentours. Car pour sa production d'eau chaude, comme pour son chauffage, ce logement de 100 m2 habitables fonctionne selon les principes du développement durable. La régulation thermique est assurée par un "puits canadien" qui permet une température minimale de 15°C sans chauffage. L'observation du comportement thermique du logement sur la durée constitue une dimension importante de l'expérimentation. La communauté de communes, propriétaire bailleur, a trouvé, en contrepartie d'un loyer minoré, une locataire, fervente partisane de ces constructions expérimentales, qui s'est engagée à ouvrir sa maison pour des visites et à tenir un cahier des différentes consommations énergétiques. Cette maison a coûté 200.000 euros, soit davantage que ce que coûterait une maison "classique" au même emplacement.


Une coopérative pour produire des matériaux et accompagner les chantiers de maisons bioclimatiques

Pour envisager que ce type de constructions sorte du prototype, encore faut-il que le prix de revient parvienne à baisser. "Dans le cas de la maison de Puiseux, répond Robert Bocquillon, le matériau choisi comme isolant des murs - un agrégat de chanvre - a complètement grevé notre budget. C'est un matériau que l'on croyait local, or la firme qui le commercialise a une position de monopole. Mais c'est l'utilité d'un prototype : débusquer les pièges et trouver les voies d'un prix de revient acceptable. C'est pourquoi la communauté de communes poursuit sur cette lancée en rénovant, à Signy-l'Abbaye, une friche industrielle afin de fournir un local à la coopérative Atelier Bois qui vient de se créer."
Le coût des travaux de ce local de 2.158 m2, s'élève à 254.000 euros HT, financés par le pôle d'excellence rurale pour 65.000 euros, une aide du conseil général pour 63.000 euros, une emprunt de 100.000 euros (à 4,5% sur 15 ans) et le recours à des fonds propres pour 26.000 euros. La coopérative paye un loyer de 1.109 euros HT. La Scop Atelier Bois étant une création d'entreprise, pendant les deux premières années les loyers seront calculés sur le régime pépinière d'entreprises dans le cadre d'un bail précaire : 25% du loyer de base les six premiers mois, 50% les six suivants et 75% les douze derniers. A l'issue des deux années, le loyer à taux plein sera appliqué et un bail commercial sera signé. On est donc dans le processus classique de l'atelier relais.
Car à la suite de Puiseux, ici et là, des chantiers apparaissent. Pour accompagner techniquement et commercialement ces chantiers, la Scop Atelier bois (six associés dont cinq salariés) partage ses activités entre la production et le montage d'ossatures bois pour les maisons bioclimatiques et la commercialisation de tous matériaux à base de bois : parquets, lambris, bardages...
Cette Scop constitue l'une des créations de la coopérative Ecoterritoires installée dans les mêmes locaux. "Son but est d'accompagner les entreprises et les projets, indique Audrey Raulin, présidente, qui vont dans le sens de faire naître chez les acteurs locaux, candidats à l'autoconstruction ou artisans bâtisseurs, une culture professionnelle orientée vers la valorisation de la ressource bois et plus généralement vers de la construction mettant en œuvre des matériaux disponibles dans un rayon de cinquante kilomètres."

 

François Poule, pour la rubrique Expériences des sites Mairie-conseils et Localtis

Festival "Sème la culture"

Chambre d'Agriculture des Ardennes
08000 Boult aux bois

Céline Bordron

Chargée d'études

Communauté de communes des Crêtes préardennaises

Nombre d'habitants :

21400

Nombre de communes :

93
Rue de la Prairie
08430 Poix-Terron
communaute@lescretes.fr

Nadia Djemouai

Chargée de mission développement économique

Robert Bocquillon

Président, maire de Puiseux

Coopérative Ecoterritoires

Site industriel de l'Abbaye - Route de Rocroi
08400 Signy-l'Abbaye
ecoterritoires@club-internet.fr

Audrey Raulin

présidente

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