La manne Peugeot Citroën se répand dans le bassin de Mulhouse

En l'absence d'agglomération intégrée, une répartition de la volumineuse taxe professionnelle du constructeur automobile s'est instaurée entre la communauté de communes d'accueil et les collectivités voisines. Quid de la "juste" répartition des recettes fiscales et des charges de centralité ?

Dans la région de Mulhouse, où le paysage intercommunal demeure très morcelé, le lieu commun oppose la petite et riche communauté de communes de l'Ile-Napoléon (Ccin) à la communauté d'agglomération de Mulhouse Sud Alsace (Camsa) "appauvrie" par les charges de centralité trop grandes pour sa taille actuelle. Traduit par un différentiel de taux de taxe professionnelle (TP) de 9 points, ce déséquilibre résulterait du fait que l'Ile-Napoléon recueillerait, seule, les recettes du grand contribuable qu'elle abrite sur son territoire : l'usine PSA Peugeot Citroën, dite "de Mulhouse", située en fait à Sausheim et Rixheim. Pour autant, la réalité est plus nuancée. Une répartition de la manne Peugeot s'est instaurée depuis de nombreuses années, et procure une certaine solidarité financière entre collectivités, dont Mulhouse. Le mécanisme repose sur le Sizirm (Syndicat intercommunal des zones industrielles de la région mulhousienne) et sur un fonds de péréquation. Le Sizirm rassemble cinq communes, dont Mulhouse, Sausheim et Rixheim, dans le but de répartir les recettes fiscales des entreprises et grandes surfaces qui se sont implantées hors de la ville centre faute de disponibilités foncières, cas typique de PSA. Quant au fonds départemental de péréquation, il pèse d'un poids particulier dans le Haut-Rhin : 29,5 millions d'euros en 2003, contre 6,5 millions dans le Bas-Rhin. L'usine PSA en représente la moitié et son mode de calcul attribue, de fait, une certaine "prime de proximité".

Compenser le passage en taxe professionnelle unique (TPU)

En 2003, la taxe professionnelle de PSA a représenté plus de 50 millions d'euros (*). Cette somme suit un circuit à embranchements multiples. Une première part majoritaire revient au Fonds national de péréquation, grâce auquel l'Etat atténue le choc financier pour un bassin d'emploi frappé par la fermeture d'une de ses entreprises structurantes. Une seconde partie (5,96 millions d'euros en 2003) est perçue par l'Ile-Napoléon en vertu de la TPU, mais celle-ci en reverse un montant fixe de 5,17 millions à ses communes membres, correspondant à ce qu'elles touchaient directement avant le passage en TPU en 2000 (régime des attributions compensatoires), leur évitant ainsi d'être brusquement dépouillées de leurs recettes. La troisième partie rejoint le fonds départemental de péréquation. Elle s'est montée à 14,2 millions d'euros en 2003. Le fonds effectue alors un reversement prioritaire de 5,6 millions d'euros à la communauté de communes. Mais la Ccin ne garde pas toute la somme, elle-même reverse plus d'un tiers au Sizirm. S'ajoutent quelques autres flux locaux. Enfin, le solde du fonds départemental issu de PSA, soit 8,6 millions d'euros (14,2-5,6), se répartit dans l'ensemble du Haut-Rhin, entre les communes dites "concernées" et les "défavorisées". La première catégorie désigne pour l'essentiel des communes comptant parmi les habitants un certain nombre de salariés de l'usine PSA, la seconde renvoie aux communes et groupements à faible potentiel fiscal.

Mulhouse regrette une "certaine évasion" financière

Au final, le bilan financier de ce mécanisme crée un certain rééquilibrage. Du produit PSA de 2003, la Ccin a conservé un peu plus de 4 millions d'euros, tandis que Mulhouse en a perçu 3,6 millions d'euros, essentiellement par son double statut de membre le plus important du Sizirm et de commune "concernée" accueillant un grand nombre de salariés de l'usine. Peut-on s'en satisfaire ? Les réponses divergent. Pour la Ccin, la réponse est oui : le dispositif aide Mulhouse à financer ses propres besoins. "Nous participons aussi aux charges communes à toute la région mulhousienne", ajoute son directeur, Gérard Almira, notamment par l'appartenance des communes de la Ccin aux syndicats dédiés à l'incinération des déchets et aux transports en commun. Point de vue différent chez Jean-Marie Bockel, sénateur-maire et président de la Camsa : "Je respecte les accords historiques (ayant créé le Sizirm, NDLR). Mais le dispositif actuel favorise une certaine évasion, il pourrait davantage être centré sur l'agglomération et contribuer encore plus à financer les charges de centralité." Celles-ci sont trop assumées par la seule Camsa, regrette-t-il, en citant le TGV ou la rénovation de l'aéroport. "Du fait du taux de TP réduit de l'Ile-Napoléon, une partie de la recette PSA part au Fonds national de péréquation, alors qu'elle pourrait rester sur l'agglomération sans que l'industriel paye davantage", complète Philippe Maitreau, adjoint chargé des finances à Muhouse.

Vers la fusion des EPCI dans la Camsa ?

Les autres composantes de la région mulhousienne touchent également un dividende, mais selon des proportions très variables. Le fonds départemental de péréquation, dont PSA représente la moitié, s'avère très favorable aux petites communes de 1.200 à 2.500 habitants de la communauté de communes de l'Ile-Napoléon : il leur attribue des sommes allant de 269.000 à 292.000 euros. Les autres communes du Sizirm qui n'abritent pas PSA sur leur territoire, à savoir Riedisheim (adhérent d'une autre communauté de communes) et Illzach (commune isolée), touchent respectivement 444.000 euros et 318.000 euros. Les moins bien loties demeurent les communes adhérentes de la Camsa, hors la ville centre.
La solution passe-t-elle alors par la fusion des EPCI dans la communauté d'agglomération ? Les adversaires de cette hypothèse brandissent le spectre du taux de 17,3% de taxe profesionnelle de la Camsa. Jean-Marie Bockel et Philippe Maitreau relativisent la portée de ce facteur sur l'attractivité du territoire. Quant à la communauté de communes de l'Ile-Napoléon, elle préfère, aujourd'hui, oeuvrer dans le cadre moins contraignant du Pays de la région mulhousienne.
(*) Selon le PDG de PSA Jean-Martin Folz, son groupe paie 140 euros de taxe professionnelle par véhicule. Il y a deux ans, le site de Mulhouse a fabriqué quelque 400.000 véhicules.

Christian Robischon / Innovapresse Strasbourg pour Localtis

"Une des péréquations les plus importantes de France"

Bernard Notter, vice-président du conseil général du Haut-Rhin et président de la communauté de communes de l'Ile-Napoléon, répond aux questions.

L'opposition "riche Ile-Napoléon contre pauvre communauté d'agglomération de Mulhouse" vous agace-t-elle ?

Je reconnais que nous sommes un EPCI aisé à haut niveau de services et je souhaiterais que toutes les communautés de communes aient des moyens de même ampleur. Mais sommes-nous un tel îlot de prospérité ? Comparez les potentiels fiscaux : en 2003, le nôtre se situait à 268,5 euros par habitant et celui de la Camsa (communauté d'agglomération de Mulhouse Sud Alsace) à 283,2 euros. A notre voisinage commun, la communauté de communes Porte de France, qui abrite des industries chimiques, affiche un potentiel encore cinq fois supérieur.

La péréquation de la taxe professionnelle de PSA vous paraît-elle suffisamment équilibrée aujourd'hui ?

Les outils fonctionnent bien et ils se sont adaptés à la montée de l'intercommunalité, la communauté de communes effectuant désormais les reversements qu'assurait la commune de Sausheim. Le Sizirm résulte d'un accord entre cinq communes dont Mulhouse. Quant au fonds de péréquation du Haut-Rhin, beaucoup de maires l'oublient, il est l'un des plus importants de France en montant, par le fait que notre département compte une proportion significative de petites communes abritant de grosses entreprises.

De la solidarité entre les groupements de communes, peut-on passer à la fusion dans la Camsa ?

D'une part la question peut aussi être posée à des communes isolées bien dotées en implantations (Illzach) ou à la communauté de communes Porte de France. D'autre part, elle dépasse le cadre fiscal, elle doit être abordée en terme d'efficacité et de taille optimale. Je constate que le bureau de la Camsa à lui seul compte le nombre de nos conseillers communautaires. Je préfère notre situation.
 

Les intercommunalités de la manne PSA

1) Communauté de communes de l'Ile-Napoléon (Ccin), abritant l'usine PSA sur son territoire
6 communes, 27.500 habitants
Président : Bernard Notter (UDF)
Taxe professionnelle unique, taux de 8,3%
Budget : 28,5 millions d'euros

2) Communauté d'agglomération de Mulhouse Sud Alsace (Camsa)
16 communes, 172.000 habitants
Président : Jean-Marie Bockel (PS)
Taxe professionnelle unique, taux de 17,3%
Budget : 133 millions d'euros

3) Syndicat intercommunal des zones industrielles de la région mulhousienne (Sizirm)
Pas de fiscalité propre
Communes membres : Mulhouse (Camsa), Sausheim (Ccin), Rixheim (Ccin), Riedisheim (communauté de communes des Collines), Illzach (commune isolée)

La région mulhousienne de 39 communes est répartie entre quatre EPCI : Camsa, Ccin, Collines (taux de TPU : 11,5%) et Porte de France Rhin Sud (TPU à 10,1%) et 3 communes isolées.

Aller plus loin sur le web :
 
Site de la communauté d'agglomération de Mulhouse Sud Alsace - Compétences.
http://www.cc-mulhouse.fr/competences.php

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