La mémoire d'un "quartier sensible" construit dans les années soixante-dix

Après un premier travail historique réalisé à l'occasion du soixantième anniversaire de la Libération, Bessancourt (Val-d'Oise) décide de poursuivre cette évocation de sa mémoire en se penchant sur le quartier des Brosses-et-Malais. Cette initiative intervient dans le prolongement d'une réhabilitation complète du secteur le plus peuplé de la ville et fréquemment stigmatisé au même titre que les nombreuses "cités" construites après-guerre.

Située à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Paris, Bessancourt (Val-d'Oise) est une commune principalement rurale qui s'est urbanisée partiellement dans les années soixante-dix avec la construction d'un nouveau quartier pour y loger des familles des bidonvilles de Nanterre et Argenteuil. Comme la plupart des villes qui possèdent sur leur territoire ces ensembles d'immeubles dont beaucoup sont devenus des quartiers clos, pour ne pas dire des ghettos, Bessancourt a connu de nombreuses difficultés. C'est pourquoi, en novembre 2005, au moment des fortes tensions exprimées partout en France dans ce qu'il est devenu fréquent de nommer les "banlieues" ou les "quartiers sensibles", le conseil municipal décide de réagir en effectuant un travail d'intégration du quartier des Brosses-et-Malais dans la longue histoire de la commune. Les élus de Bessancourt souhaitent que ce quartier, auquel ses habitants sont attachés, ne soit plus systématiquement et exclusivement signalé à la rubrique "faits divers".

L'intégration à part entière du quartier des Brosses-et-Malais dans la ville

Pour la ville, il ne s'agit pas seulement de communiquer sur ce quartier mais de poursuivre au niveau humain ce qui est déjà engagé en termes d'aménagement urbain pour mieux relier les Brosses-et-Malais au reste de la ville. Menée dans les années 1980 par des habitants des Brosses-et-Malais constitués en amicale des locataires, une contestation pour la rénovation des immeubles a convaincu également les élus de la nécessité de reconsidérer un certain nombre d'aménagements : voirie, espaces de circulation piétonne, collège du quartier. Le projet est inscrit dans l'Agenda 21 de la ville (commencé en 2004) et prévoit d'associer la population aux actions. Or, pour établir humainement un pont entre le quartier et la ville, il faut connaître son histoire et celles de ses habitants, en constituer la mémoire. D'où l'idée d'écrire un ouvrage.
La ville de Bessancourt n'en est pas à son coup d'essai. En 2004, pour célébrer le soixantième anniversaire de la Libération, se remémorer la participation de certains habitants à la Résistance et rendre hommage à ses Justes (notamment un prêtre qui a caché des Juifs), elle a déjà choisi l'édition. Distribué gracieusement aux habitants, le livre de la commémoration du 30 août 1944 (1) a été réalisé avec la collaboration d'archivistes professionnels - parmi lesquels l'adjointe au maire de la ville, archiviste du département du Val-d'Oise et, pour les photos, les bibliothécaires municipaux - et de témoignages d'historiens locaux et de généalogistes. Le montage des textes a été confié à la compagnie du Théâtre 95 qui depuis de longues années accompagne la municipalité dans ses projets culturels (2). Mais pour les Brosses-et-Malais, il existe encore peu d'archives et c'est au hasard d'une rencontre que Luc Blanchard, journaliste, propose aux élus d'en faire le récit directement à partir du témoignage des habitants. Auteur de plusieurs ouvrages très illustrés réalisés dans le cadre de sa propre maison d'édition, Luc Blanchard suggère un livre également agrémenté de nombreuses photos du quartier. A sa surprise et contrairement à l'image de "petit Chicago" qui en avait été donnée dans les années 1980, les Brosses-et-Malais ne ressemble pas à la cité des Quatre-Mille mais à un regroupement "de pavillons et d'immeubles à la limite de champs à perte de vue". Si Bessancourt était désigné autrefois en nommant son église ou les noms de ses rues, ce quartier doit aussi pouvoir être identifié par des lieux qui ont leur spécificité. Du reste, le bailleur social Domaxis, intéressé par une approche plus positive du quartier, n'a pas hésité à prêter ses propres archives. Pour faire ses rencontres, le journaliste a choisi, à partir de quelques personnes désignées au départ par les élus et par les responsables de la maison des jeunes et de la culture, de progresser ainsi de contacts en contacts. Le site web de la mairie est également ouvert à ceux qui souhaitent s'exprimer. Le lien avec l'amicale des locataires demeure aussi très important.

Une fête autour de la sortie du livre et des nouveaux aménagements urbains

Seule ombre au tableau, quelques jeunes du quartier irréductibles au projet : "Un noyau de trois ou quatre jeunes s'est radicalisé en s'en prenant notamment au centre social, qui a brûlé deux fois. Les élus se sont épuisés à s'occuper d'eux", explique Jean-Christophe Poulet, maire de Bessancourt. "Aujourd'hui, les mêmes continuent à vivre dans le fantasme d'un quartier 'chaud', alors que le quartier ne connaît plus ni la délinquance ni les dégradations et que les habitants aspirent vraiment à vivre en paix."
Pour la sortie du livre, le conseil municipal a décidé d'organiser en décembre 2006 une petite fête qui sera aussi l'occasion d'inaugurer les places nouvellement aménagées du centre social (établissement aujourd'hui rasé) et du collège des Brosses-et-Malais. Un concours a été lancé auprès de la population pour choisir le nom de ces deux places. Comme le précédent, l'ouvrage sera distribué gracieusement dans tous les foyers de Bessancourt. La mairie achète par anticipation au journaliste un exemplaire du livre par foyer. Le fait d'avoir confié ce travail à un tiers permet de bénéficier d'un regard distancié, estime Jean-Christophe Poulet, qui, des ouvrages précédents du journaliste, apprécie "la démarche intéressante, pleine d'humanité".

 

(1) Un comité d'éthique a été constitué pour travailler sur la période de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance.
(2) Le conseil général a mis à la disposition de la municipalité deux personnes pendant un mois qui ont travaillé sur les archives et les témoignages recueillis. L'ensemble de l'opération a représenté un budget de 15.000 euros environ, y compris la rémunération de la compagnie Théâtre 95 (pour le dépouillement et l'organisation des textes), le maquettage et l'impression.

Ville de Bessancourt

Nombre d'habitants :

7621
Place du 30-Août - BP 25
95550 Bessancourt
melody.bdemaille@ville-bessancourt.fr

Jean-Christophe Poulet

Maire

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