La métropole Rouen Normandie, capitale française de la biodiversité 2023

Outre la métropole normande, cinq autres communes et intercommunalités ont été récompensées ce 11 septembre pour leur action en faveur de la biodiversité au travers de l’arbre en ville, du bocage, des bois et des forêts.

Du village à la métropole, six communes et intercommunalités françaises ont été récompensées ce 11 septembre pour leur action en faveur de la biodiversité. Les arbres et les forêts constituaient le thème de cette douzième édition du concours "Capitale française de la biodiversité", organisé par l’Office français de la biodiversité, Plante & Cité, centre technique national sur les espaces verts et la nature en ville, et les agences régionales et collectifs régionaux pour la biodiversité coordonnées par l’agence régionale pour la biodiversité en Île-de-France, avec la participation du Cerema et le soutien du ministère de la Transition écologique. Le palmarès a été établi par le comité scientifique et technique du concours réuni le 11 juillet dernier, sur la base de 16 visites de terrain réalisées parmi 60 candidatures déposées.

Acquisition foncière, charte forestière de territoire, programme haies... : Rouen fait feu de tout bois

La métropole Rouen Normandie remporte le titre cette année, succédant à la communauté de communes de la Vallée de la Bruche (2022), La Roche-sur-Yon (2021), la métropole de Lyon (2019), Besançon (2018), Muttersholtz (2017), Rennes (2016), Strasbourg (2014), Niort (2013), Lille (2012), Montpellier (2011) et Grande-Synthe (2010).
Depuis près de 20 ans, la métropole normande déploie toute une palette d’actions pour protéger et restaurer le patrimoine forestier, bocager et arboré de son territoire. Elle a mis en œuvre une stratégie de conservation des espaces naturels par acquisition foncière qui lui a permis de porter à 200 ha la surface de forêt dont elle est propriétaire. Elle anime aussi une Charte forestière de territoire depuis 2002, renouvelée pour la quatrième fois en 2021, qui fédère les acteurs de la forêt pour améliorer la connaissance naturaliste, et les pratiques sylvicoles en faveur de la biodiversité, et pour faire connaître au public le milieu forestier. Ce travail d’éducation à la nature s’appuie sur les trois "maisons des forêts" de la métropole ainsi que sur des événements comme le "Bivouac sous la lune" ou le festival d’art contemporain "Forêt monumentale" organisé avec l’Office national des forêts (ONF). 
Alors que le bocage normand est lui aussi menacé, comme partout en France, par le déclin des haies en milieu rural, la métropole a contribué, aux côtés des exploitants agricoles et en partenariat avec le parc naturel régional des Boucles de la Seine normande, à la plantation de 8,5 km de haies d’essences locales au cours des 5 dernières années, accompagnée d’un guide d’entretien et de gestion durable. Ce "programme Haies" comprend une protection réglementaire dans les documents d’urbanisme, la restauration des continuités écologiques et des milieux naturels associés au bocage comme les mares, marais et réseaux d’arbres têtards. 
Pour renforcer la place de l'arbre en ville, la métropole s'est fixé un objectif de 30% d’indice de canopée dans les espaces publics. Cela passe par de nouvelles plantations mais aussi par la protection des arbres existants, qu’il s’agisse de sujets remarquables ou ordinaires, mais aussi de leurs conditions de vie et de survie. Les nouveaux projets d’aménagement urbain intègrent ainsi la désimperméabilisation afin de stocker l’eau sur place dans les sols.

Les quatre meilleures communes pour la biodiversité 2023

Chacune dans leur catégorie, quatre communes se voient décerner le titre de "Meilleure commune pour la biodiversité 2023". Dans la catégorie des collectivités de moins de 2.000 habitantsVals-des-Tilles (181 habitants, Haute-Marne) remporte la mise. Ce village très rural est récompensé pour son rôle moteur dans la préservation de la biodiversité et dans la création du parc national de forêts qui a officiellement vu le jour fin 2019 (voir notre article). Une réserve nationale y a d'abord été créée en 1993 et une réserve naturelle régionale en 2015. Et lors de la création du parc national, la commune a demandé l’intégration d'un nouveau massif de sa forêt communale dans la zone coeur de parc, sans compensation. Elle est aujourd'hui impliquée dans un réseau d’acteurs comprenant le parc national, l’ONF, le conservatoire d’espaces naturels de Champagne-Ardenne et le syndicat intercommunal de gestion forestière de la région d’Auberive. Ses forêts accueillent les travaux de la Forêt Irrégulière École, centre de ressources associant recherche et formation sur la sylviculture mélangée à couvert continu, une méthode de gestion forestière qui favorise notamment la diversité des essences, prend en compte les espèces remarquables et bénéficie d’un suivi naturaliste et sylvicole permanent. Pour faire connaître la richesse du patrimoine naturel local, la collectivité a aussi développé des sentiers pédagogiques, animations et balades et un atlas de la biodiversité communale est en cours.

La Motte-Servolex (11. 731 habitants, Savoie) devient "Meilleure commune pour la biodiversité 2023" dans la catégorie moins de 20.000 habitants. Située au pied du massif de l'Épine, la commune agit depuis plus de 15 ans pour préserver la biodiversité, notamment dans sa forêt communale de 530 ha où elle a développé avec son gestionnaire, l’ONF, un réseau d’îlots de sénescence remarquable de près de 24 ha, avec un suivi scientifique mené par l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). 
Dans les parties exploitées de la forêt, la commune anime avec l’ONF et des partenaires privés un programme participatif de replantation de zones notamment soumises à des coupes sanitaires, avec des jeunes plants d’essences variées - un millier de plants sont plantés chaque année par des familles volontaires. Il s’agit ainsi de contribuer à l'adaptation de cette forêt mixte de moyenne montagne fortement affectée par le changement climatique, avec des mortalités rapides et massives de certaines essences de résineux, fragilisées par le réchauffement, la modification de la pluviométrie et la prolifération de ravageurs comme les scolytes. La commune met aussi à jour actuellement son atlas de la biodiversité communale (ABC) après un premier inventaire réalisé en 2017. Elle a également planté avec ses habitants et associations plus de 6 km de haies vives d’essences locales et fruitières en ville depuis 2014, dans l'optique de transformer le paysage urbain et d'améliorer la connexion écologique entre les espaces verts et la nature alentour. Elle étend désormais la démarche aux exploitations agricoles de son territoire, avec la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et la chambre d’agriculture, sur la base de diagnostics agro-écologiques, avec des plants issus de la récolte de graines forestières élevés dans une pépinière de marque Végétal local.

Villeneuve-d’Ascq (61.920 habitants, Nord) devient "Meilleure commune pour la biodiversité 2023" dans la catégorie des moins de 100.000 habitants. Le lien entre arbre et biodiversité est omniprésent dans ses actions, tout particulièrement en ville où aucun projet ne doit générer l'abattage de sujets ou compromettre leur état sanitaire : les plantations comme la gestion prennent systématiquement en compte la cohérence entre paysages et milieux, choix des essences d’arbres et d’arbustes locaux et leurs cortèges d’espèces associées, trame verte et bleue… Le tout repose sur une puissante capacité d’inventaire et de suivis naturalistes, souligne le dossier de présentation des lauréats du concours. 
À titre d’exemple, le travail de restauration du réseau écologique favorable à la population d’écureuils roux comprend la mise en place d"’écuroducs" et le renforcement de la ressource alimentaire avec des noisetiers, châtaigniers, etc. La gestion des arbres taillés en têtards jusqu’en milieu urbain vise à la fois à garder une dimension paysagère historique et à apporter une valeur ajoutée en termes d’offre d’arbres-habitat. Les arbres morts sont laissés sur pied ou à terre pour permettre l’expression de l’intégralité des espèces liées au cycle de leur fin de vie. L’approche naturaliste passe aussi par la reconquête du paysage historique de bocage et la dimension nourricière avec le milieu agricole. Des plantations participatives mobilisent la population et les scolaires avec les agriculteurs et associations locales. 5 km de haies ont déjà été recréées sur un objectif à terme de 40 km, de la plante d’ourlet ou de sous-bois jusqu’à la trogne, en passant par les lianes et le tas de bois. Il est aussi prévu de compléter l'écosystème bocager par un réseau de mares. Enfin, la stratégie foncière de la collectivité, passant notamment par l’acquisition de zones constructibles, prévoit la création de zones refuges pour la biodiversité.

Dans la catégorie plus de 100.000 habitants, Strasbourg, qui avait été capitale française de la biodiversité en 2014, est reconnue "Meilleure commune pour la biodiversité 2023". Selon les promoteurs du concours, elle présente la particularité unique d’avoir créé et de gérer trois réserves naturelles nationales constituées de forêts alluviales périurbaines. Un statut favorable à la protection de la richesse biologique qu’il faut concilier avec les usages, tout particulièrement la promenade et les sports de loisirs, comme dans la forêt de Neuhof-Illkirch-Graffenstaden, enclavée dans le milieu urbain. Une démarche de concertation engagée en 2019 avec toutes les personnes concernées (riverains, promeneurs, cyclistes, cavaliers, pêcheurs, élus et services…) a permis de revoir le plan de circulation dans la réserve afin d’accroître très sensiblement les zones de tranquillité pour la faune et de libre-évolution de la flore, grâce à la fermeture de sentiers, mais aussi leur désimperméabilisation ainsi que la renaturation d’anciennes routes forestières bitumées. 
Strasbourg poursuit en outre son plan Canopée destiné notamment à lutter contre l’effet d'îlot de chaleur urbain en augmentant de 26 à 30% la part de son territoire couvert par le houpier de ses arbres, pour procurer de la fraîcheur par l’ombrage et l’évapotranspiration. "Un plan qui s’attache à protéger et préserver les arbres existants, grâce à une expertise et un suivi technique et naturaliste exceptionnel mais aussi avec une évolution des méthodes de gestion en privilégiant le port libre quand c’est possible", souligne le dossier de présentation des lauréats. "L’extension du patrimoine arboré repose sur des plantations qualitatives d’arbres déjà assez grands afin de produire un effet d’ombrage rapide, dans des conditions optimales de développement en termes de sol et d’eau, sur l’espace public comme les rues et les parcs urbains mais aussi lors de la végétalisation des cours d’école ou encore dans les cimetières où la présence des arbres est renforcée", poursuit le dossier. Sur le domaine privé, la même démarche a été menée avec la participation des entreprises, associations et bailleurs et de la population mobilisée depuis 2017 via l’opération de végétalisation participative "Strasbourg ça pousse". L’ensemble bénéficie d’une forte implication de la communauté scientifique strasbourgeoise, qui est associée à la ville pour évaluer les effets des mesures mises en oeuvre à la fois pour le climat et pour la biodiversité et développer les connaissances sur les arbres urbains et les écosystèmes.

La communauté de communes du Pays de Pouzauges, "Meilleure intercommunalité pour la biodiversité 2023"

Enfin, la communauté de communes du Pays de Pouzauges (23.216 habitants, Vendée) a été désignée "Meilleure intercommunalité pour la biodiversité 2023" dans la catégorie intercommunalités rurales. Ce territoire est marqué par un paysage de bocage et offre, avec sa chaîne des puys et un riche réseau hydrographique, une grande diversité d’habitats naturels, indique le dossier de présentation des lauréats. Il n’a cependant pas échappé à la régression des haies bocagères et la communauté de communes s'est engagée à enrayer cette dégradation. Avec ses communes membres, les agriculteurs et entreprises, ses habitants et de nombreux partenaires publics et privés, elle anime depuis 2006 une charte forestière et bocagère, support d’un large panel d’actions en faveur à la fois des espèces emblématiques, de la trame verte et bleue et de la valorisation économique et sociale des bois et des haies.
La création d’un tiers-lieu bois constitué en société coopérative d’intérêt collectif "Les sens du bois" va permettre de valoriser le bois local issu de l’entretien de ces haies et boisements, pour encourager l’usage du bois d’oeuvre et poursuivre l’approvisionnement des chaudières collectives du territoire, du paillage et de la litière animale. 
En collaboration avec ses partenaires locaux, la communauté de communes accompagne aussi ses exploitations agricoles, très majoritairement d’élevage, dans la restauration et la préservation des paysages pastoraux où s’entremêlent haies, prairies, boisements, mares et rivières. Dans le cadre du programme Nature 2050 porté par CDC Biodiversité, filiale de la Caisse des Dépôts, elle favorise par exemple le développement de l’agroforesterie par des plantations intraparcellaires d’essences d’arbres de haut jet adaptées au dérèglement climatique, ou encore les éclaircies dans les taillis de châtaigniers pour favoriser la biodiversité.

L’édition 2024 du concours Capitale française de la biodiversité, qui a pour thème "Sobriété & Biodiversité" est d’ores et déjà ouverte. Communes et intercommunalités ont jusqu'au 31 janvier prochain pour présenter leur candidature sur le site www.capitale-biodiversite.fr.

 

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