La nouvelle gouvernance du sport, un objectif encore lointain, selon la Cour des comptes

Selon un rapport de la Cour des comptes portant sur l'Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport, celle-ci est loin d'être effective trois ans après le début de sa mise en œuvre. L'enquête pointe l'absence de participation financière des collectivités territoriales et le manque de clarification de leurs compétences respectives en matière de sport.

"La politique de développement des pratiques sportives pour tous, les relations entre l’État, l’agence et les fédérations sportives ainsi que la gouvernance territoriale du sport restent des défis à relever et des clarifications sont à opérer rapidement pour que l’objectif d’une meilleure coordination des actions conduites par les différents acteurs et d’une plus grande efficience des politiques mises en œuvre puisse être atteint." Telle est la conclusion générale d'un rapport de la Cour des comptes intitulé "L'Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport", diligenté à la demande de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, et rendu public ce mercredi 21 septembre.

Dans son rapport, la Cour des comptes rappelle que l’Agence nationale du sport (ANS), créée en 2019 pour prendre la suite du CNDS (Centre national pour le développement du sport) est "une nouvelle tentative de réforme de la gouvernance du sport entre l’État, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et, désormais, également le monde économique". Et pose un premier constat : le statut juridique de l'ANS, constitué sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP) afin de permettre un partage des droits de vote entre tous les acteurs, "n'a en réalité aucun contenu financier et opérationnel, dès lors que l’action du groupement repose quasi exclusivement sur les moyens de l’État". La création de l’agence, pointe la Cour, "n’a entraîné à ce stade ni mutualisation des moyens ni coordination des politiques publiques en faveur du sport et l’articulation entre le secteur public et le secteur privé est restée au niveau de l’intention".

Budget en trompe-l'œil

À propos des moyens de l'ANS, la Cour des comptes parle d'une "augmentation substantielle mais conjoncturelle des crédits". De fait, les 461 millions d'euros alloués en 2022 vont bien au-delà des 400 millions réclamés à l'origine par le mouvement sportif et les représentants des collectivités. Mais, souligne la Cour, cet objectif n'a été atteint "pour l’essentiel" que "par des ressources publiques non pérennes issues des mesures prises dans le cadre du plan de relance et de la crise sanitaire, et dans la perspective des Jeux de Paris 2024". Si on enlève celles-ci, le budget "structurel" de l’ANS s’établit en 2022 à 307 millions.

Au chapitre de l'"effort budgétaire de l’État" en faveur du sport, la Cour s'attarde encore sur "une mise en cohérence nécessaire". En effet, des dispositifs tels que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil), le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (Fnadt), le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) ou l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) sont autant de ressources dont bénéficie le secteur sportif. Des ressources que la Cour estime au minimum à 160 millions d'euros. En la matière, il est donc "indispensable de mettre en place, surtout au niveau territorial, une procédure de coordination des services de l’État et de procéder à l’évaluation de l’effet réel des diverses subventions d’investissement qu’il accorde".  

Dispersion des aides

Si la politique de l'ANS en faveur du haut niveau est louée par la Cour des comptes, il en va différemment du développement des pratiques sportives pour tous et de la gouvernance territoriale. Des objectifs qui, aux yeux de la Cour "justifie[nt], bien davantage que la nouvelle politique du haut niveau et de la haute performance, le choix de créer une Agence nationale du sport sous la forme d’un groupement d’intérêt public".

Sur les aides accordées aux clubs et ligues départementales ou régionales (ex-part territoriale du CNDS), désormais gérées par les fédérations elles-mêmes, la Cour note une "augmentation sensible [des moyens] de l’ordre de 30% entre 2019 et 2021", mais s'interroge "sur la justification et l’efficacité réelle de ces aides de montant peu élevé et très souvent sans commune mesure avec les aides au fonctionnement que les clubs […] reçoivent par ailleurs des collectivités territoriales". On se souvient à cet égard qu'en 2012, à l'occasion du seul contrôle dont le CNDS avait fait l'objet durant son existence, la Cour des comptes avait déjà prôné un relèvement du seuil minimum des subventions aux clubs de manière à mieux cibler les priorités…

Pour un chef de file à l'échelle régionale

Enfin, au chapitre de la nouvelle gouvernance territoriale, qui s'est traduite par la mise en place de conférences régionales du sport, de projets sportifs territoriaux, de contrats pluriannuels d’orientation et de financement, et de conférences des financeurs, la Cour des comptes juge que "le refus d’une clarification en ce domaine des compétences des divers niveaux de collectivités reste un obstacle majeur à l’exercice d’une gouvernance partagée et pousse à s’interroger sur la réussite future de la gouvernance territorialisée du sport".

Elle met en cause tour à tour "les moyens de fonctionnement des conférences régionales du sport, qui reposent aujourd’hui pour l’essentiel sur les services de l’État", "la nature et la portée juridique des contrats pluriannuels d’objectifs et de financement, […] dont l’élaboration n’a été engagée dans aucune région" ou encore "les conférences des financeurs pour lesquelles une certaine confusion prédomine". Et la Cour des comptes de conclure : "Si elle devait rester limitée à la concertation sur la gestion des crédits de l’État gérés par l’Agence nationale du sport, elle n’aurait pas atteint l’objectif recherché d’une gouvernance partagée à responsabilités réparties." Pour elle, "la détermination de chefs de file à l’échelle régionale en fonction des orientations stratégiques retenues, à défaut d’une clarification des compétences de chaque niveau de collectivités, faciliterait le bon fonctionnement" d'une véritable gouvernance territoriale qui se fait attendre.

Une telle mesure ne figure toutefois pas au nombre des neuf recommandations du rapport, dont aucune ne concerne directement les collectivités territoriales en dehors d'une volonté assez vague de "clarifier la gouvernance territoriale du sport et notamment les modalités d’élaboration des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ainsi que leur nature et leur portée juridique".