La nuit, des agents de médiation sillonnent les quartiers de Chambéry Métropole

Depuis 2003, la communauté d'agglomération de Chambéry (Savoie) coordonne l'action "correspondants de nuit" afin d'améliorer la tranquillité publique dans quatre secteurs dits sensibles. Initié en 1998 par une régie de quartier, le dispositif se déploie aujourd'hui sur quatre communes et mobilise quinze médiateurs. Du conflit de voisinage au tapage nocturne, les correspondants de nuit assurent une veille de proximité pour prévenir dégradations ou incivilités.

A la fin des années 90, alors que le contexte socio-économique reste morose et que le quartier HLM des Hauts de Chambéry est en pleine réhabilitation, les associations de locataires, conscientes de l'atmosphère dégradée, se mobilisent dans un double objectif : endiguer le sentiment d'insécurité et créer une structure pour assurer une présence sociale de proximité. "Les commerces étaient fermés dès 19h et la police se déplaçait rarement en cas de problème", souligne Jean-Jacques Devillers, directeur de la régie de quartier Régie Plus. "La régie a initié la présence des correspondants de nuit dans le quartier des Hauts de Chambéry. Grâce à eux, nous avons apaisé quelques conflits du quotidien et créé plusieurs emplois." Zone à forte densité de population (13.000 habitants), les Hauts de Chambéry est un quartier où les antagonismes peuvent rapidement dégénérer. "La diversité ethnique et les difficultés financières génèrent des clivages entre les habitants, les dérapages peuvent être nombreux, explique Michel Julien, adjoint au maire de Chambéry, délégué au quartier des Hauts de Chambéry et à l'éducation. Avec la police de proximité, le commissariat du quartier était très actif : depuis qu'elle a été supprimée, le rôle des correspondants est déterminant dans la gestion de ces zones urbaines sensibles et cloisonnées."

 

Un service reconnu "d'intérêt communautaire"

Depuis 2003, Chambéry Métropole intervient aux côtés de Régie Plus et des quatre communes concernées en cofinançant des postes de médiateurs (100.000 euros par an pour quinze postes en CDI, dont trois femmes) et en participant à l'animation du dispositif. "Depuis le transfert de compétence à l'agglomération, le périmètre d'intervention s'est étendu et comprend aujourd'hui quatre secteurs, dont trois communes périphériques", explique Patrick Leblanc, chargé de mission à la direction du développement local urbain de Chambéry Métropole. "Même s'ils ne règlent pas toutes les difficultés, ils sont un maillon nécessaire de notre politique de la ville : en 2004, les enquêtes ont montré que 86% des habitants des quartiers se sentaient en sécurité et 95% d'entre eux se déclaraient satisfaits d'y vivre." Dotée d'un budget de fonctionnement de 530.000 euros en 2008, Régie Plus bénéficie de financements croisés et variables au fil des années : la pérennisation du dispositif est assurée par les aides des communes concernées, des bailleurs sociaux, de l'agglomération, du Fonds social européen (FSE) et de l'Etat par le biais des contrats urbains de cohésion sociale (Cucs) et du Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance (FIPD). 

 

Arbitres des conflits mineurs de la vie quotidienne

L'action des correspondants de nuit s'appuie sur la proximité et le dialogue. Ils ont vocation à régler un maximum de problèmes en amont de l'intervention policière. D'après leur statut, trois missions leur sont confiées : une veille matérielle et technique (signaler les dysfonctionnements matériels ou les vandalismes), une assistance aux personnes isolées et un relais auprès des services spécialisés (police, travailleurs sociaux, Samu...). En dehors d'un téléphone portable, d'un badge et d'une carte professionnelle, ils n'ont aucun matériel particulier. Recrutés par Régie Plus, les médiateurs ne sont pas toujours issus des quartiers et la grande majorité sont dans une dynamique de retour à l'emploi. "C'est un métier qui ne requiert pas de qualifications spécifiques, mais des compétences relationnelles et une autorité forte, explique Jean-Jacques Devillers. Pour éviter de tomber dans la routine, nous organisons des séances avec des policiers, des travailleurs sociaux, des psychologues pour les sensibiliser à différentes thématiques et répondre à leurs questionnements." En plus d'une permanence d'accueil en journée, ils effectuent des rondes nocturnes en binôme de manière quotidienne pour les quartiers HLM (de 20h à 2h) et périodiquement dans les trois autres communes périphériques (de 18h à minuit sauf l'été). A l'issue de ces circuits, ils rédigent un rapport en respectant l'anonymat des personnes citées. Tous les mois, le coordinateur général de Régie Plus élabore une synthèse et cible les secteurs prioritaires du moment pour optimiser les rondes. "Au début, la répartition des rôles avec la police n'était pas évidente, surtout dans les cas de conflits de voisinage, explique Patrick Leblanc. Les responsabilités se sont réparties progressivement. En cas de plainte d'un particulier, la police fait appel aux correspondants de nuit si la situation reste maîtrisable." Par l'intermédiaire du commissariat ou à la suite d'un appel direct de particuliers, les médiateurs interviennent principalement auprès des jeunes (squats au pied des tours...) et des habitants d'un même palier (tapages nocturnes, problèmes d'alcoolisme...).

 

Les médiateurs, baromètres de l'ambiance des quartiers

Opérationnel depuis plus de 10 ans, le service des correspondants de nuit a favorisé un partenariat fort avec les acteurs institutionnels et associatifs des quartiers. "La mairie n'a pas de lien hiérarchique avec les médiateurs, mais nous les sollicitons pour des réunions en cas de plaintes récurrentes d'habitants", précise Michel Julien. "Sur le quartier des Hauts de Chambéry, ils participent quelquefois à des groupes de travail aux côtés d'agents municipaux, de travailleurs sociaux et d'acteurs associatifs. C'est l'occasion de traiter des sujets sensibles, de régler les problèmes directement ou de faire remonter l'information à la mairie de quartier. Depuis qu'ils couvrent l'ensemble des zones sensibles de l'agglomération, ils ont une vision élargie et peuvent prendre du recul sur les situations explosives récurrentes. Les correspondants de nuit doivent aussi systématiquement s'adapter à des problèmes nouveaux : alors qu'ils intervenaient prioritairement auprès des jeunes qui traînaient tardivement dehors, on constate un glissement vers des conflits, des disputes entre voisins d'un même immeuble, des squats dans les appartements...", souligne Michel Julien. "En plus d'être des courroies de transmission auprès des interlocuteurs compétents, ils connaissent les habitants et évitent que bon nombre de conflits ne durcissent, grâce au dialogue et l'écoute."

 

Laura Henimann / PCA, pour la rubrique Expériences des sites Mairie-conseils et Localtis

 

Chambéry métropole

Nombre d'habitants :

122700

Nombre de communes :

24
106, allée des Blachères
73026 Chambéry Cedex
communication@chambery-metropole.fr

Michel Julien

Adjoint au maire de Chambéry, délégué au quartier des Hauts de Chambéry et à l'éducation

Patrick Leblanc

chargé de mission à la direction du développement local urbain

Jean-Jacques Devillers

Directeur de la régie de quartier Régie

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