La proposition de loi créant l'infraction d'homicide routier définitivement adoptée

Annoncée par le gouvernement à l'issue d’un comité interministériel de la sécurité routière en juillet 2023, la création d’un homicide routier vient de franchir la dernière marche grâce à l’adoption définitive de la proposition de loi dédiée. En votant conforme le texte des députés, le Sénat a donné son feu vert à une entrée en vigueur dès cet été comme espéré par les associations de familles des victimes.

Après le vote conforme du Sénat, en deuxième lecture, ce 1er juillet, la proposition de loi créant l'infraction d'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière, dont le parcours parlementaire avait débuté il y a plus d’un an (avant la dissolution), est définitivement adoptée. "Ce texte met fin à une hypocrisie juridique. Il crée une infraction autonome, claire, identifiable : l'homicide routier", a relevé le garde des Sceaux, Gérald Darmanin. En 2024, 3.190 personnes ont perdu la vie sur les routes de France métropolitaine et 233.000 ont été blessées, dont près de 16.000 grièvement. "Dans trois quarts des cas, le responsable est en récidive. On ne peut plus parler de fatalité", a-t-il appuyé au soutien de cette proposition de loi "juste, attendue et nécessaire". 

"Enfin ! Le délit d'homicide routier vient d'être définitivement adopté par le Parlement. Les comportements irresponsables et dangereux, sous empire de drogues ou d'alcool, seront sanctionnés plus sévèrement. Nous le devions aux familles endeuillées", a également réagi sur X, François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l’Intérieur. L’un des députés à l’origine de ce texte transpartisan, le député Éric Pauget (DR), s’est immédiatement félicité de ce vote définitif après plusieurs années de travaux sur le sujet. Le Sénat avait d'emblée souscrit à la démarche des députés et des associations de victimes, qui refusent que les homicides résultant d'un accident de la route soient qualifiés d’involontaires. Des débats ont eu lieu sur le caractère criminel de cet acte. Et les échanges ont parfois été vifs entre le sénateur LR Francis Szpiner, rapporteur du texte, et le garde des Sceaux, en particulier sur le sujet des peines planchers, que la commission des lois a un temps envisagé d’introduire. 

L’Assemblée nationale a fait le choix en deuxième lecture de rétablir intégralement son texte. Afin de ne pas prolonger inutilement les débats, la Chambre haute a décidé d'adopter conforme cette version du texte. Le groupe Écologiste s’est toutefois abstenu, voyant dans ce texte "une complexification inutile du droit" et déplorant l’absence du volet prévention. Les socialistes, qui ont voté pour la proposition de loi, auraient souhaité quant à eux ajouter comme comportement constituant une circonstance aggravante le fait pour un conducteur inexpérimenté de conduire un véhicule surpuissant ("bolide"). 

"Nous franchissons une étape avec ce texte, mais ce n'est pas la fin du processus", a de son côté souligné le rapporteur Francis Szpiner. "Il nous sera toujours possible de légiférer de nouveau par la suite pour trouver une vraie solution, en nous interrogeant sur l'intérêt de retenir la qualification criminelle", a-t-il notamment précisé. 

Ainsi l'article 1er crée au sein au sein du titre II du code pénal relatif aux atteintes à la personne humaine un nouveau chapitre regroupant les atteintes du fait du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, désormais dénommées "homicide routier" et "blessures routières". Il acte ainsi la suppression symbolique du terme "involontaire" s’agissant des homicides commis par suite d’un comportement délibérément imprudent du conducteur fautif. La définition reprend celle de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ayant conduit respectivement à un homicide et à des blessures. 

Si les quantums des peines ont été maintenus - sept ans d’emprisonnement et 100.000 euros d'amende, dix ans et 150.000 euros d'amende en cas de double circonstance aggravante -, les circonstances aggravantes susceptibles de constituer un homicide routier ont été complétées, notamment par le refus d'obtempérer et les "rodéos" urbains. 

Conduite sous l'empire de l'alcool ou de stupéfiants, défaut de permis, dépassement de vitesse supérieur à 30 km/h, délit de fuite, usage du téléphone (et des écouteurs), s'ajoutent également à la liste des circonstances aggravantes pour cette nouvelle infraction. Des peines complémentaires sont également prévues : suspension ou annulation du permis de conduire, confiscation du véhicule, obligation d’installer un éthylotest antidémarrage, interdiction de détenir une arme, etc.

L’article 2 renforce l'information et la participation des parties civiles au procès pour prévoir que, en l’absence d’appel sur l’action civile, la partie civile est avisée par le parquet de la déclaration d’appel portant sur l’action publique, et de la date d’audience. 

L’article 3 élargit la liste des délits pouvant être considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction afin de réprimer plus sévèrement la conduite sans permis et le refus de se soumettre à un dépistage d'un état alcoolique ou de l'usage de stupéfiants.

L’article 4 porte de cinq à dix ans la durée maximale de suspension du permis de conduire, encourue en tant que peine complémentaire pour les atteintes volontaires.

L’article 5 prévoit un module spécifique de lutte contre la récidive en matière de violence routière par le service pénitentiaire d’insertion et de probation. 

L’article 6 érige en délit le dépassement d’au moins 50 km/h de la vitesse maximale autorisée (au plus tard le 31 décembre 2025). Des mesures de coordination liées à cette délictualisation hors récidive sont prévues, notamment s’agissant de la confiscation du véhicule – afin que son caractère obligatoire ne concerne que la récidive, comme c’est le cas actuellement. L’article ajoute également une nouvelle peine complémentaire : l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant une durée maximale de trois ans. Enfin, il prévoit l’application de la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD), avec un montant d’AFD de 300 euros, minoré à 250 euros et majoré à 600 euros. 

L’article 7 prévoit l'obligation pour le préfet de suspendre le permis de conduire lorsque le conducteur conduisait sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants, ou lorsque le conducteur a refusé de se soumettre au dépistage de ce type de consommation. Il prévoit en outre le doublement des durées de la suspension du permis de conduire lorsque le conducteur est un professionnel chargé du transport de personnes

L’article 8 sanctionne plus sévèrement la conduite sous l'empire de l'alcool et la conduite après usage de stupéfiants.

L’article 9 systématise l'immobilisation et la mise en fourrière, à titre provisoire, du véhicule ayant servi à commettre l'infraction en cas de conduite après usage de stupéfiants aggravée par un état alcoolique.

L’article 10 procède à des coordinations.

En cas d’homicide ou de blessures routiers (avec une interruption de temps de travail supérieure à trois mois), le conducteur devra par ailleurs se soumettre à un examen médical (réalisé à ses frais), dans les soixante-douze heures à compter de l’accident (si son état de santé le permet) pour déterminer notamment son aptitude à conduire (article 11). 

Les officiers et agents de police judiciaire pourront suspendre immédiatement le permis de conduire à titre conservatoire, le temps de la réalisation de l’examen médical.

 

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