Archives

À la recherche des bons temps éducatifs

On n'en finira donc jamais de réinventer les nouveaux rythmes éducatifs ? Alors que l'expérimentation "Cours le matin, EPS et sport l’après-midi" en fin de primaire et au collège sera renouvelée à la rentrée prochaine, le think tank Terra Nova propose de mieux investir les périodes de vacances scolaires au collège en redéployant le dispositif "École ouverte".

Les rectorats avaient jusqu’au 21 juin 2019 pour transmettre à la Dgesco (Direction générale de l'enseignement scolaire) la liste des écoles et des collèges sélectionnés pour candidater à l’expérimentation "Cours le matin, EPS et sport l’après-midi" annoncée pour la rentrée prochaine. Elle s’adresse aux élèves de cycle 3 (CM1, CM2, 6e) et 4 (5e, de 4e et de 3e) et encourage "la mise en œuvre d’aménagements du temps scolaire, en privilégiant la place des enseignements de l’EPS et de la pratique sportive associative […] l’après-midi".
L’appel à projets, lancé en mai 2019, indique parmi ses "principes directeurs" que "les collectivités territoriales, les fédérations sportives, les associations locales doivent autant que possible être engagées et impliquées dans la mise en œuvre de cet appel à projets au niveau local". Il souligne que cette expérimentation doit se faire "dans une logique de partenariat avec le monde sportif scolaire ou fédéral". Les écoles et collèges labellisés "Génération 2024" ou prêts à s’engager dans cette labellisation sont "particulièrement concernés".
En 2010, le dispositif "Cours le matin, sport l'après-midi" avait été expérimenté durant deux ans. Il avait alors concerné quelque 250 collèges et lycées et 15.000 élèves (voir nos articles ci-dessous), s'élargissant le plus souvent pour devenir "Cours le matin, sport et culture l'après-midi".

"Investir les périodes de vacances scolaires pour y faire de l'éducation autrement"

Dans une note intitulée "Calendrier scolaire : pour de nouveaux temps éducatifs", publiée le 21 juin 2019, Marc-Olivier Padis, directeur des études de Terra Nova et Martin Andler, coordonnateur du pôle Enseignement supérieur et Recherche de Terra Nova, suggèrent quant à eux d' "investir les périodes de vacances scolaires pour y faire de l'éducation autrement". Ils plaident pour ce qu'ils appellent une "reconquête du temps éducatif", consistant à "proposer à la fin de l'année scolaire et pendant les 16 semaines de vacances tout au long de l'année une offre éducative différente permettant aux élèves de découvrir, dans le contexte de l'école, d'autres manières de travailler, d'autres approches disciplinaires, d'autres ouvertures sur le savoir". Ils proposent pour cela de s'appuyer sur le dispositif interministériel "Ecole ouverte" lancé en 1991.

Des activités pour ceux qui ne partent pas en vacances

Le dispositif  "Ecole ouverte" consiste à accueillir dans les collèges et lycées, pendant les vacances scolaires ainsi que les mercredis et samedis, des enfants et des jeunes qui ne partent pas en vacances, en leur proposant un programme d'activités éducatives dans le domaine scolaire, culturel, sportif et des loisirs. En 2018, il a mobilisé un budget de 8,7 millions d'euros. C'est un peu plus qu'en 2014 où il avait bénéficié de 8,4 millions d'euros de financements nationaux et 718.000 euros de financements locaux. Cette année-là, 617 établissements du second degré avaient participé (dont 92% de collèges). 60% de ces établissements relevaient de l'éducation prioritaire et/ou étaient situés en zones urbaines sensibles. Près de 2.015 semaines d'ouverture des établissements avaient été comptabilisées, dont 38% pendant l'été, 49% pendant les petites vacances scolaires et 13% les mercredis et samedis. Un peu moins de 8.000 personnes avaient assuré l'encadrement, dont 39,3% d'enseignants.

Ouvrir le dispositif hors REP

Terra Nova propose de développer et d'étendre l'opération "École ouverte" sur plusieurs champs. En termes de calendrier, il propose de maintenir les mercredis et samedis et les deux semaines en août avant la rentrée, mais d'ouvrir l'offre dès la fin du mois de juin, la première quinzaine de juillet, ainsi que systématiquement chaque semaine des "petites vacances". Il propose de faciliter l'accès aux centres de loisirs des élèves de primaires et de généraliser l'"Ecole ouverte" pour tous les élèves de collège, "voire de lycée", au-delà des zones éducatives prioritaires. 
En termes d'activités, il faudrait, selon les auteurs de la note "favoriser les pédagogies actives différenciées, les découvertes culturelles, les pratiques sportives". Dans le domaine scolaire, "il ne s'agit pas seulement de réviser les "fondamentaux" à quelques jours de la rentrée mais de favoriser le décloisonnement disciplinaire, des découvertes interdisciplinaires, des ateliers artistiques, des projets collectifs". Ces activités seraient développées avec des partenaires comme les associations sportives, culturelles ou locales, d'éducation populaire et devraient "permettre de sortir des établissements, de développer des visites, de favoriser l'accès aux lieux culturels proches (médiathèques, bibliothèques etc.)". 

Une mission pour les engagés du SNU ? 

Concernant l'encadrement, Terra Nova propose de ne pas se contenter du volontariat des enseignants, mais d'aller vers du "mentorat" des élèves plus âgés, ou faire appel aux jeunes engagés du service national universel (SNU) notamment pour les sorties. 
Notant que "la fréquentation des colonies de vacances recule massivement et que des centres de vacances sont en partie sous-utilisés", Terra Nova suggère de donner un "nouvel élan" aux "classes vertes d'été, qui permettraient de sortir des jeunes de leur environnement habituel et de leur proposer des activités éducatives de plein air". 

Au niveau du constat, Terra Nova déplore aujourd'hui "un troisième trimestre raccourci, des élèves fatigués, un mois de juin désorganisé, des établissements accaparés par le brevet et le baccalauréat. Puis, la grande coupure d'été relâche la pression scolaire, le temps de s'aérer les esprits... ou de se coller devant les écrans. A la rentrée, le redémarrage s'annonce difficile...".
Bref, la France accuse "un temps scolaire trop dense" avec "peu de semaines dans l'année, peu de jours par semaine, beaucoup d'heures par jour". Selon Terra Nova, ce n'est donc pas le temps global de travail qu'il faut remettre en cause mais sa concentration car "ce rythme, qui n'a pas d'équivalent chez nos voisins, n'est pas le plus favorable aux apprentissages". Mais "il engage tant d'arbitrages institutionnels et d'arrangements personnels qu'il semble difficile à réaménager". Les réformes successives sur les rythmes scolaires l'ont bien montré, Terra Nova s'est bien gardé d'y remettre les doigts.