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Social - La réforme du contentieux de l'aide sociale suscite l'inquiétude du Ciss

Un article du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement - adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 17 septembre dernier - soulève aujourd'hui des inquiétudes de la part du Ciss (collectif interassociatif sur la santé). Il s'agit en l'occurrence de l'article 55, qui autorise le gouvernement à mettre en œuvre, par voie d'ordonnances, une réforme en profondeur du contentieux de l'aide sociale. Dans un communiqué du 12 janvier 2015, le Ciss déclare "ne pas partager les orientations inspirant les futures ordonnances, qui nous paraissent peu adaptées au public concerné. En effet, les prestations d'aide sociale s'adressent souvent à des personnes défavorisées ou fragilisées par les épreuves de la vie, et notamment par la maladie".

Combler le vide laissé par la censure du Conseil constitutionnel

A l'origine de la décision de réformer le contentieux de l'aide sociale, il y a la décision QPC (question prioritaire de constitutionnalité) du Conseil constitutionnel du 25 mars 2011, qui a littéralement décapité les commissions d'aide sociale (voir nos articles ci-contre du 28 mars et 29 août 2011). Le Conseil a en effet censuré la disposition prévoyant que ces commissions comportent trois conseillers généraux élus par le conseil général et trois fonctionnaires de l'Etat en activité ou à la retraite, qui sont à la fois juges et parties puisque les prestations d'aide sociale sont attribuées par le département ou l'Etat. Un an plus tard, une autre décision QPC du Conseil constitutionnel du 8 juin 2012 a censuré, sur les mêmes bases, la composition de la commission centrale d'aide sociale, dernière instance du contentieux avant la saisine du Conseil d'Etat (voir notre article ci-contre du 12 juin 2012). Avec ces deux décisions, ce contentieux se trouve donc hors d'état de fonctionner.
Dans ce contexte de vide juridique, le Ciss ne conteste pas la nécessité d'une réforme en profondeur du contentieux de l'aide sociale. Mais ses modalités lui posent problème. L'idée directrice de la réforme est en effet de prendre acte de l'impossibilité juridique de faire fonctionner les commissions départementales et la commission centrale, d'entériner leur suppression et de transférer directement le contentieux aux tribunaux administratifs.

Vers un recours préalable obligatoire ?

Mais, pour éviter l'engorgement de ces derniers, le projet de réforme prévoit que leur saisine doit être précédée d'un recours préalable obligatoire devant l'autorité ayant pris la décision contestée (en l'occurrence le département, le plus souvent).
Or, estime le Ciss, il s'agit là d'"un mécanisme bien connu du droit administratif, mais particulièrement inadapté aux situations du public concerné par le contentieux de l'aide sociale. Quel plaignant saura rédiger un courrier manuscrit pour faire valoir judicieusement ses droits ? Le plus souvent, il saisira le juge en ayant omis ce recours préalable et sa requête sera alors automatiquement rejetée ! Quelle sera la qualité du contradictoire dans une procédure écrite qui ne laisse guère de place à la représentation des intérêts d'un plaignant qui n'a évidemment pas les moyens de s'assurer les services d'un avocat ?". Le Ciss demande donc aux sénateurs - qui doivent à leur tour examiner le projet de loi Vieillissement - d'amender en conséquence l'article 55.

"Un vrai problème d'accès au droit"

L'introduction de ce recours préalable obligatoire avait déjà donné lieu à débats à l'occasion de l'examen du projet de loi Vieillissement à l'Assemblée. Lors de la séance du 11 septembre 2014, Jacqueline Fraysse, députée (PC) des Hauts-de-Seine, avait notamment estimé que "l'instauration d'un recours administratif obligatoire va [...] compliquer significativement la tâche des justiciables. Si l'on voulait décourager nos concitoyens de faire valoir leurs droits, on ne s'y prendrait pas autrement".
Sans voter pour autant l'amendement de suppression de Jacqueline Fraysse, Denys Robiliard, député (PS) du Loir-et-Cher, avait indiqué "partager ses inquiétudes" et estimé qu'un recours préalable "demande du temps et une certaine capacité financière, l'aide juridictionnelle ne prenant pas en charge le recours préalable. Placer un recours administratif entre le juge et le justiciable pose donc un vrai problème d'accès au droit".
Laurence Rossignol - secrétaire d'Etat chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l'Autonomie - avait alors répondu, mais sans vraiment convaincre, que "cette réforme est, à chacune de ses étapes, élaborée avec la chancellerie et [...] que le Parlement sera informé des options qui auront été retenues à l'issue du travail interministériel".