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L'administration numérique face aux injonctions contradictoires des internautes

L'édition 2019 du baromètre du numérique confirme l'importance prise par le smartphone dans l'accès aux services en ligne, en particulier chez les jeunes. Il révèle aussi comment le numérique a changé profondément le regard des Français sur les administrations. Pas forcément dans le bon sens.

L’Arcep, le conseil général de l’économie et la mission Société numérique ont dévoilé le 27 novembre l'édition 2019 du baromètre du numérique. Réalisée par le Credoc, cette étude a la particularité d'être menée en face à face auprès de 2.000 Français âgés de plus de 12 ans, ce qui en fait une étude de référence sur le sujet. 

Le smartphone supplante l'ordinateur

Du côté des tendances prédominantes, on notera le tsunami des smartphones qui équipent désormais 77% des Français. 94% de leurs détenteurs l'utilise quotidiennement, 51% pour se connecter à internet et de plus en plus pour accéder à une messagerie instantanée. L'ordinateur poursuit à l'inverse son recul : bien que présent dans une majorité de foyers, il est de moins en moins utilisé pour se connecter à internet. Globalement, la perception du numérique se révèle positive en étant jugé majoritairement favorable à la création artistique, à l’emploi et à l’éducation. C'est aussi un vecteur de lien social. 68% estiment qu’avoir accès à internet est important "pour se sentir intégré dans la société", 51% l’ont utilisé pour retrouver d'anciennes connaissances et 44% pour rencontrer de nouvelles personnes, des chiffres en augmentation par rapport à 2014. 

Le numérique complexifie l'administration

Les bénéfices du numérique sont en revanche beaucoup moins évidents pour l'administration, à l’inverse du discours officiel. Pour 37% des Français, le numérique a contribué à "complexifier les relations avec l’administration" et à peine 19% d’entre eux estiment que la dématérialisation a été un vecteur de simplification. La complexité inhérente aux formulaires administratifs arrive en tête des freins à l’usage des téléservices, devant le manque de maîtrise des outils informatiques, l’absence d’interlocuteurs et le déficit d’ergonomie des sites publics. Si un tiers des Français réalisent leurs formalités administratives en ligne sans problème, 44% ont besoin d'une aide (souvent un proche) et 16% renoncent, chiffre en baisse de deux points par rapport à 2018. 

Une fracture numérique multifacette

"Nous sommes face à des injonctions contradictoires de la part des Français", a commenté le secrétaire d’État au numérique, Cédric O. D’un côté, il y a les Français qui habitent les métropoles, issus de CSP+, très à l’aise avec le numérique et pour qui la dématérialisation n'est pas assez aboutie. De l’autre, une France plutôt rurale et peu diplômée qui perçoit le numérique comme une menace (notamment au travail) et est très remontée contre la dématérialisation. Une fracture mise en évidence lors du Grand Débat national avec d’un côté les questionnaires remplis en ligne, plutôt favorables à la dématérialisation, et de l’autre les critiques sur la désertification des services publics issues des réunions publiques. "Ces deux populations ne sont pas pas séparées par une ligne de fracture nette", a fait valoir le secrétaire d’État en citant le cas du jeune très à l'aise avec son smartphone mais en difficulté pour réaliser une démarche administrative ou encore celui dont les difficultés se résument à un problème de qualité de la connexion.  

Formation et qualité des services en ligne

"Cette complexité doit être prise en compte par les pouvoirs publics", a déclaré le secrétaire d'État, qui en a profité pour rappeler les deux grands axes de la politique gouvernementale de lutte contre l'illectronisme. Pour les 13 millions de Français qui sont en difficulté avec le numérique (20% de la population) le gouvernement estime que la moitié peuvent être formés, l'autre devant bénéficier d'une aide. L'étude du Credoc renseigne du reste sur les attentes des Français en matière d'accompagnement : 74% souhaitent être accueillis dans des espaces regroupant plusieurs services publics. Par ailleurs, Cédric O a rappelé les efforts engagés par l'État pour améliorer la qualité des services en ligne en termes d'ergonomie, d'accessibilité (notamment sur smartphone) ou pour permettre de bénéficier d’une aide par téléphone ou mail.

L'impact environnemental du numérique inquiète

En 2008, le numérique était perçu comme "une chance pour l'environnement" pour 53% des Français. 11 ans après les proportions se sont inversées, les optimistes ont chuté à 38%, 44% estimant qu'il représente "une menace". Face à ces inquiétudes, une majorité est prête à faire des efforts. Ainsi, 80% des Français sont d’accord avec l’idée de diminuer l’impact de leurs équipements, par exemple en les gardant plus longtemps ou en achetant des équipements d’occasion. 69% sont aussi prêts à modifier leurs usages en privilégiant par exemple le téléchargement plutôt que le streaming.