L'Alsace a signé une délégation de service public pour sa boucle régionale à haut débit

L'Alsace est la première région métropolitaine à s'engager dans une DSP pour un investissement de 20,4 millions d'euros. Décryptage d'une démarche qui prend en compte l'impact économique, l'aménagement du territoire et le développement des services, dans un cadre juridique reconnu.

L'International Space University, le 9 décembre 2004 à Illkirch-Graffenstaden, dans la banlieue de Strasbourg : ce point de rendez-vous n'a pas été choisi par hasard. Ce pôle de recherche excentré de la capitale régionale (ce qui a ravi les élus ruraux invités) justifiait de besoins en haut débit pour entrer en communication avec ses laboratoires partenaires américains. Le lieu idéal donc pour "mettre en orbite" un projet ambitieux : la signature de la délégation de service public (DSP) pour la boucle régionale à très haut débit. Adrien Zeller, président du conseil régional d'Alsace, Patrick Drahi, fondateur et président d'Altice (réseau câblé), Cyril Luneau, directeur général de LD Collectivités, et Frédéric Zimer, président de Sogetrel (constructeur), ont successivement paraphé la convention, établie pour une durée de 15 ans. Les trois industriels se sont associés dans une nouvelle société "Alsace Connexia" dont la fibre optique va "illuminer la région". "Nous sommes aujourd'hui la seule région de France métropolitaine à avoir engagé une boucle locale régionale", s'est exclamé Adrien Zeller face aux 80 élus locaux réunis pour l'occasion. La région a confié à la société nouvellement créée la réalisation et l'exploitation de la boucle en fibre optique de 900 km qui desservira 30 villes d'Alsace, grandes, moyennes et petites.

800 km d'infrastructures existantes

Premier atout précisé par le président de Sogetrel : "Nous sommes constructeur de ce réseau mais également actionnaire du groupement. En décidant d'investir, nous indiquons que nous avons plutôt intérêt à optimiser la construction..." Seule une centaine de kilomètres de fibre reste donc à déployer pour achever la boucle régionale. Car ce réseau a été conçu en tenant compte de la très bonne implantation du câble (66% de la population couverte). "Toutes les têtes de réseaux câblés seront modernisées pour permettre l'accès à l'internet haut débit et à la téléphonie dès l'an prochain", a précisé le cablo-opérateur. Il s'appuie aussi sur les infrastructures de réseau de transport d'électricité (RTE), de Réseau ferré de France (RFF) et Electricité de Strasbourg. La boucle desservira 83 répartiteurs de France Télécom (500.000 lignes téléphoniques), les 39 têtes de réseaux câblés et un point de desserte courants porteurs en ligne (CPL). Une centaine de zones d'activités économiques, représentant 70.000 entreprises, seront raccordables. Le conseil régional a tenu à inclure dans le contrat signé avec son délégataire une clause impliquant des engagements sur la qualité des services fournis. En cas de manquements, la société devra s'acquitter de pénalités financières. Autre originalité, Alsace Connexia associe deux opérateurs (Altice et LD Collectivités) dès l'origine du projet : un gage de neutralité de l'infrastructure à venir qui sera louée à tous les opérateurs de télécommunications.

Sans oublier les fonds de vallées alsaciennes

"Quand mon village aura-t-il accès au haut débit ?", s'interrogeaient plusieurs maires ruraux après la présentation du tracé. "Dans les visites que nous allons faire sur le terrain, nous allons améliorer le maillage en Wifi pour assurer de bonnes conditions de desserte", s'est immédiatement engagé Michel Schoezer, directeur général d'Alsace Connexia. "L'ensemble du réseau sera déployé en deux ans. Une grosse majorité dès la première année", a-t-il promis. De son côté, Sogetrel, qui a la mission d'exploitation et de maintenance, a annoncé la création de vingt emplois pérennes dans la région. "Nous avons estimé que la région était le bon niveau d'intervention, mais cela n'empêche pas d'autres initiatives complémentaires des villes, agglomérations ou départements... Nous n'avons pas tout résolu d'un coup de délégation magique", a repris Adrien Zeller. "Il n'est pas interdit de réfléchir et de travailler pour que le haut débit arrive dans chaque fond de vallée", a poursuivi le président. D'ailleurs, le Haut-Rhin et plusieurs villes de la région ont lancé des études pour compléter la boucle régionale et assurer une meilleure capillarité. Rendez-vous est pris en avril 2005 pour l'ouverture commerciale des premiers services. "Sans doute avec une visioconférence empruntant uniquement le réseau alternatif entre deux petites communes isolées et l'hôtel de région", a conclu le directeur général d'Alsace Connexia.

Luc Derriano / EVS Conseil pour Localtis

"Nous allons maintenant développer les contenus et services de notre boucle régionale à haut débit"

François Cavard est le directeur général adjoint de la région Alsace.

Le déploiement de votre réseau haut débit s'inscrit-il dans une stratégie régionale de développement des technologies de l'information et de la communication ?

Il y a d'abord une volonté de la région de développer un pôle image en Alsace. L'association porteuse de ce projet (Iconoval) travaille autour de trois thèmes. Premièrement, le développement de l'audiovisuel et du multimédia. L'Alsace est la première région dans le secteur des télévisions locales avec 27 chaînes. Elle bénéficie d'un réseau câblé important et de la présence d'Arte sur son territoire. Nous souhaitons donc développer une télévision régionale qui serait diffusée via la boucle régionale. La création d'une école des métiers de la télévision est également en projet. Deuxièmement, le secteur de l'imagerie médicale. L'Alsace dispose dans ce domaine d'une recherche de très haut niveau. En revanche, peu d'entreprises régionales s'y consacrent. Il s'agirait donc de développer ce secteur. Troisièmement, la vision industrielle qui sert au contrôle de process au moyens de caméras (une chaîne d'embouteillage, par exemple), semble un secteur prometteur.

Que pensez-vous faire pour soutenir les usages du secteur de l'enseignement et de la recherche ?

Avec les universités et les centres de recherches, nous étudions l'avenir de Renater. Son fonctionnement a fait l'objet de contrats régionaux pour fournir le haut débit. Le renouvellement des contrats intervient mi-2006. Nous allons en profiter pour réfléchir à la façon dont notre boucle pourrait se substituer ou compléter Renater en apportant des débits plus importants. Ce qui vaut pour l'enseignement supérieur et la recherche vaut aussi pour nos lycées : nous menons des études pour raccorder tous les établissements scolaires qui dépendent de la région. En outre, nous avons porté sur les fonts baptismaux la naissance du cancéropôle Grand Est, le 14 février 2005. Présidé par l'Alsace, ce pôle va utiliser les TIC pour échanger des informations entre les différents centres hospitaliers et de recherche. L'objectif est notamment de permettre l'accès en haut débit à l'ensemble des tumorothèques, ces bases d'images des tumeurs constituées dans chaque centre de traitement contre le cancer.

Dans cette approche globale, y-a-t-il également un volet consacré au soutien des entreprises ?

Le concessionnaire de notre réseau nous propose de développer les services et les applications pour les entreprises. Nous pourrions notamment l'associer à la création d'un fonds commun de placement régional (FCPR) dont une partie serait dédiée aux entreprises du secteur des TIC. Ce FCPR pourrait voir le jour au premier semestre 2005. Nous essayons d'y associer notre concessionnaire en vue de développer des entreprises de services et d'applications high tech utilisant les hauts débits. Cette stratégie à l'égard des entreprises sera soutenue par le raccordement au très haut débit de plus d'une soixantaine de zones d'activité alsaciennes.

La DSP, modèle de l'intervention des collectivités sur le secteur des télécommunications

Trois modes de gestion déléguée sont qualifiés de délégation de service public (DSP) : la régie intéressée, l'affermage et la concession de service public.

Faut-il mettre de l'argent public dans un secteur déjà fortement concurrentiel comme celui des télécommunications ? L'Alsace a toujours milité dans ce sens. Pour que les collectivités territoriales et leurs groupements puissent établir, exploiter et mettre à disposition d'opérateurs ou d'utilisateurs de réseaux indépendants des infrastructures et des réseaux de communications. Et ce, dans un souci d'aménagement équilibré du territoire, tout en garantissant des conditions de neutralité de l'infrastructure vis-à-vis des différents opérateurs et une péréquation tarifaire régionale. Pionnière de ces réflexions, l'Alsace a fait partie dès l'origine du Groupe des 7, aux côtés de la Manche, de la Moselle, de l'Oise, du Tarn, du Grand Nancy et du Sipperec.
Ces collectivités ont fortement mobilisé les députés et sénateurs pour l'adoption de l'article L.1425-1 du Code général des collectivités territoriales, voté définitivement dans le cadre de la loi sur la confiance dans l'économie numérique en juin 2004.
Le cadre juridique clairement établi, restaient ensuite à préciser les modalités de l'intervention publique. Dès l'origine des débats, les collectivités avaient indiqué qu'elles ne souhaitaient pas devenir opérateurs locaux de télécommunications mais bien déléguer cette compétence à des acteurs privés. D'ailleurs ce n'est pas un hasard si le modèle dominant des projets les plus avancés est celui de la concession : conseil général du Maine-et-Loire, de l'Oise, des Pyrénées-Atlantiques, de la Sarthe, communauté d'agglomération d'Arras... La Caisse des Dépôts, partenaire financier de la quasi-totalité des projets, et l'Autorité de régulation des télécommunications dans sa consultation publique allaient dans le même sens. Adressée aux préfets le 24 janvier 2005, une circulaire d'application de l'article L.1425-1 vient conclure sur ce point. Le texte indique clairement que "la voie de la gestion déléguée est préférable".

Aller plus loin sur le web

La Région Alsace s'engage pour le très haut débit
http://www.region-alsace.fr/V2001/alsace/cdr_flash.htm
 
Filiale à 95% du groupe Neuf Telecom (ex-LDCOM), Louis Dreyfus Collectivités est une société de construction, de promotion et d'exploitation d'infrastructures de télécommunications pour les collectivités et les opérateurs.
http://www.ldcollectivites.com
 
Le groupe Sogetrel est un des spécialistes français de la conception, la construction, la mise en service, l'exploitation et la maintenance de réseaux de transports de voix/données/images.
http://www.sogetrel.fr
 
Altice a repris le cablo-opérateur estvideo.com depuis 2 ans. Le gestionnaire de réseau câblé apporte 20% de l'infrastructure.
http://www.evc.net
 
Le calendrier de déploiement du réseau devrait se trouver prochainement sur le site d'Alsace Connexia.
http://www.alsace-connexia.fr

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