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Culture/Education - Langues régionales : François Hollande annonce une réforme de la Constitution

Dans un courrier adressé à plusieurs parlementaires, François Hollande annonce son intention de demander au gouvernement de déposer un projet de loi constitutionnelle visant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, élaborée en... 1992. Parmi les destinataires de ce courrier présidentiel figure notamment Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère et ardent défenseur des langues régionales. Celui-ci est l'auteur - avec Bruno Le Roux, président du groupe socialiste - et le rapporteur de la proposition de loi constitutionnelle visant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 28 janvier 2014 (voir notre article ci-contre du 29 janvier, 2014). Depuis lors, ce texte attend d'être inscrit à l'ordre du jour du Sénat.

Signée, mais pas ratifiée

La France a signé la Charte européenne en 1999, mais sa ratification - et donc son application nationale - est bloquée par l'article 2 de la Constitution, disposant que "la langue de la République est le français". Une première tentative de ratification de la charte s'est heurtée, en 1999, à la censure - sur ce fondement - du Conseil constitutionnel et seule une révision de la Constitution peut désormais lever cette difficulté, d'où la tentative de décembre 2014 et l'annonce du chef de l'Etat. Ce dernier s'était d'ailleurs engagé à cette ratification lorsqu'il était encore candidat à la présidentielle (proposition n°56 du programme).
Les langues régionales ont toutefois fait une entrée timide dans la Constitution - et pour le moins incongrue sur le plan juridique au regard du contenu de l'article - avec la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Celle-ci a notamment introduit un article 75-1 précisant que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France". Une affirmation dont les conséquences juridiques et pratiques sont des plus limitées.

La démarche ira-t-elle jusqu'au bout ?

L'annonce du chef de l'Etat soulève plusieurs questions. Tout d'abord - la voie du référendum étant exclue -, elle suppose que le texte soit voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, puis qu'il obtienne une majorité des trois cinquièmes devant le Congrès, réuni pour l'occasion à Versailles. Certes, la proposition de loi de Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas avait recueilli, en janvier 2014, 70% de votes favorables. Mais le texte n'a pas été soumis au Sénat, qui a entre-temps changé de majorité. En outre, plus un éventuel débat parlementaire sera proche de la prochaine présidentielle, plus d'autres considérations pourraient entrer en ligne de compte.
Ensuite, le débat sur la charte réveille immédiatement l'opposition entre "Jacobins" et "Girondins". Dès l'annonce présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a aussitôt réagi en dénonçant une "nouvelle agression contre l'unité et l'indivisibilité de la République" et a réclamé l'organisation d'un référendum.
Le dépôt d'un projet de loi constitutionnelle de ratification de la charte pourrait aussi relancer le débat qui est en train de s'installer sur les menaces que ferait peser la réforme du collège sur l'enseignement des langues régionales (voir notre article ci-contre du 13 mai 2015).
Enfin, le débat pourrait bien surgir aussi parmi les partisans d'une ratification de la charte. Jusqu'à présent, la France prévoit de ratifier 39 des 98 points du document. Mais certains parlementaires - notamment parmi les Ecologistes, très en pointe sur la question - pourraient bien tenter de pousser un peu plus loin.
Sans oublier que d'autres réformes constitutionnelles pourraient se greffer sur l'article de ratification, rendant ainsi encore plus incertain tout pronostic sur le sort final de cette démarche.

 

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