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Voirie / Transports - L'après-dépénalisation du stationnement se prépare

Dans un rapport publié le 17 décembre, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective monte au créneau et recommande aux collectivités de s'emparer de l'enjeu de régulation du stationnement par des politiques efficaces. Alors que le Parlement consacre la décentralisation du stationnement, ce n'est selon lui qu'une étape pour aller plus loin et rendre le stationnement réellement "au service des usagers". Pour concevoir et suivre ces politiques à l'échelle de l'agglomération, il préconise la création de services techniques intercommunaux.

Ce ne sera qu'une première étape. La dépénalisation du stationnement, introduite dans le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, qui a fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire le 17 décembre après avoir été voté par l'Assemblée nationale et le Sénat, va donner une "nouvelle assise" aux politiques de stationnement, applaudit discrètement le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) qui s'est substitué en avril dernier au Centre d'analyse stratégique (CAS). Dans un rapport publié le 17 décembre, cette institution rattachée au Premier ministre appelle à revoir ces politiques en profondeur pour sortir le stationnement d'une logique d'empilement de règles et tendre vers un réel service aux usagers. Rédigé par une poignée d'experts, auxquels de grandes villes comme Nantes ou Strasbourg ont apporté leurs contributions, ce rapport mijoté depuis un an reconnaît avant tout que, pour l'heure, "les collectivités ne disposent pas des leviers nécessaires pour organiser un stationnement adapté aux spécificités locales, fondé sur des recettes stables et prévisibles, et pour assurer un contrôle et des taux de recouvrement du stationnement payant permettant une organisation efficace".
L'outil en vue pour changer la donne, à travers la dépénalisation, que d'autres préfèrent dénommer "décentralisation" du stationnement, va permettre selon Olivier Paul-Dubois-Taine, à la tête du groupe de travail ayant produit ce rapport, "des progrès importants". Mais prudence, "le contrôle des règles du stationnement sur l'espace public n'est qu'une des difficultés". Prudence aussi sur la double catégorie de contrôle que cette mise en œuvre de la dépénalisation va entraîner, car en parallèle au nouveau système, fondé sur le passage d'une pénalité à une redevance d'occupation du domaine public, perdurera l'infraction pénale liée aux interdictions permanentes de stationner, elle-même peu contrôlée. D'où un risque de report du stationnement autorisé vers du stationnement gênant voire dangereux, qui fut palpable lorsqu'une ville comme Bruxelles dépénalisa il y a dix ans son stationnement. "Il y a donc nécessité de bien accompagner la mise en œuvre de la dépénalisation, en prenant soin d'éviter de tels écueils."

Des outils plus simples, mieux adaptés

La dépénalisation ne réglant pas tout, d'autres outils restent à trouver. Ainsi, ce rapport suggère vivement aux élus locaux de se réapproprier la question du stationnement résidentiel. Car la dérive du modèle actuel proviendrait de cette "pression du stationnement résidentiel". En effet, offrir comme c'est le cas dans de nombreuses villes des tarifs réduits aux résidents a débouché sur "une privatisation de l'espace public par les riverains". Partant du fait qu'on fait croire aux usagers que "garer son véhicule dans la rue gratuitement ou à un tarif très réduit fait partie des droits liés à l'habitation", et que cela est "considéré comme un dû", difficile de faire marche arrière et de reconquérir cet espace dont la saturation a des effets économiques. Bien que néfastes, ces derniers restent "ignorés ou sous-estimés". "Dire aux gens qu'ils ne pourront plus stationner en bas de chez eux mais un peu plus loin et à un tarif spécifique, c'est essentiel mais ce dialogue au niveau local est délicat et nécessite un lieu de concertation", poursuit Olivier Paul-Dubois-Taine. Le rapport préconise en ce sens d'expérimenter des dispositifs innovants, par exemple d'affecter exclusivement des rues au stationnement résidentiel et de toujours bien travailler à l'échelle d'un quartier, dans la proximité entre élus communaux et habitants.

Moduler selon les usages

Deuxième idée phare du rapport : alors que dans les centres-ville denses à fort niveau d'activité, instaurer un tarif horaire élevé paraît pertinent, il conseille pour le stationnement de courte durée de moduler le tarif selon les différents usages, notamment ceux "que les autorités locales entendent favoriser" (livraisons et professionnels mobiles, par exemple les infirmiers à domicile). Et que penser des dispositifs de stationnement gratuit limités, comme c'est le cas à Mulhouse, à trente minutes en hyper centre ? "C'est une réussite, le turnover y est cinq fois plus important que sur les autres places de la ville. Il y a là un meilleur usage du bien commun", prêche pour sa chapelle Didier Rambaud, adjoint au maire de cette ville en charge du stationnement et vice-président de Mulhouse Alsace Agglomération.

Créneau intercommunal

Le rapport préconise notamment de confier à l'autorité organisatrice des transports urbains la conception et le suivi des politiques de stationnement à l'échelle de l'agglomération. Pas question de déposséder les maires. "Car à l'opposé des transports publics ou de la collecte des déchets ménagers, dont le pilotage peut se jouer au niveau inter ou supracommunal, la gestion du stationnement se fait rue par rue et implique une forte proximité avec les habitants", explique Didier Rambaud. Entre l'autorité d'agglomération, qui définit la politique de stationnement (à travers les PDU), et la commune et le maire, qui "arrêtent les dispositions d'aménagement, d'emplacements de parkings et la réglementation du stationnement à l'échelle du quartier ou de l'îlot", il manque néanmoins un "lien organique". Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective propose donc qu'un service technique intercommunal soit créé pour garantir la cohérence d'action. A la collectivité de choisir quelle forme il prendrait. Par exemple : une régie rattachée aux services techniques de l'autorité communautaire ou un organisme privé via une délégation de service public. S'inspirant de ce qui se fait déjà ailleurs, le rapport identifie pour ce nouveau service à la fois des missions d'ingénierie (observer, étudier les besoins) et de gestion des parkings publics (pouvant être étendue à des actions de mutualisation de certains parkings privés sous-utilisés). "La réussite de cette politique dépendrait également des moyens techniques et juridiques déployés pour assurer le suivi permanent de l'utilisation de l'espace urbain par les véhicules et pour contrôler le respect des règles locales", conclut Olivier Paul-Dubois-Taine.