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Le quatrième plan national Santé Environnement enfin lancé

Le quatrième plan national Santé Environnement, qui était attendu en début d'année, a été finalement publié ce 7 mai. Principale nouveauté par rapport à la version mise en consultation à l'automne 2020 et conséquence directe de la crise Covid : l'intégration de mesures sur les zoonoses, ces maladies infectieuses transmissibles de l'animal à l'homme. Le document prévoit aussi une nouvelle campagne de mesures de la qualité de l’air des logements ou encore un renforcement de la recherche sur l’exposome, notion permettant d'intégrer sur la vie entière l’ensemble des expositions pouvant influencer la santé humaine. De nombreuses dispositions concernent directement les collectivités. L'un des quatre axes du plan vise d'ailleurs à démultiplier les actions concrètes qu'elles mènent.

Plus de deux ans après le lancement des travaux d’élaboration et cinq mois après la fin de la consultation publique (lire notre article du 27 octobre 2020), les ministères de la Transition écologique et de la Santé et des Solidarités ont publié ce 7 mai le quatrième plan national Santé Environnement (PNSE4). Un retard qu'ils expliquent par la volonté du gouvernement d’intégrer "le retour d’expérience" relatif à la pandémie de Covid-19, en ajoutant des mesures visant à mieux prévenir les zoonoses, ces maladies infectieuses transmissibles de l'animal à l'homme. À travers ce nouveau plan en quatre axes et 20 actions, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et le ministre de la Santé, Olivier Véran, affirment vouloir privilégier une "approche intégrée de la santé publique, animale et environnementale dans le respect de la démarche 'Une seule santé'".

Surveillance renforcée de la santé de la faune terrestre 

L'axe 4 du plan – "Mieux connaître les expositions et les effets de l’environnement sur la santé des populations et sur les écosystèmes" – englobe trois "mesures phares" à ce sujet. L’action 20 consiste ainsi à "surveiller la santé de la faune terrestre et prévenir les zoonoses" et prévoit d’établir une feuille de route "Une seule santé" de prévention des zoonoses animales et alimentaires. L’administration s’appuiera pour cela sur la plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale et sur de nouvelles "synergies interministérielles entre les différents réseaux de surveillance en santés humaine, animale et environnementale", "notamment concernant la mise en place d’une stratégie sanitaire pour les parcs et enclos de chasse et pour les espaces protégés". 50 millions d’euros seront consacrés à des projets de recherche via le quatrième Plan d'investissement d'avenir (PIA 4).
En outre, toujours via le PIA 4, 40 millions d’euros seront consacrés à des projets de recherche sur l’exposome (action 19). Ce concept vise à "tenir compte de l’ensemble des expositions environnementales tout au long de la vie de l’individu afin de renforcer la prévention en santé environnement aux étapes clés de la vie", indique le plan. Il prévoit aussi à l'axe 4 de développer un "Green Data for Health" (action 18), autrement dit un espace commun de partage des données environnementales en open data, pour alimenter la recherche et l’expertise indépendante et permettre des liens avec des données de santé.

Plus de formation et d'information de tous les publics 

Le plan veut aussi faire de la formation et de l’information des citoyens, des élus, des professionnels de santé et, plus largement, de chaque individu qui peut agir sur l’environnement et la santé "un axe majeur d’une politique efficace de prévention en santé environnement". A ce titre, l'action 1 vise à mettre à disposition de tous un service numérique public pour connaître la qualité de son environnement immédiat (qualité de l’air extérieur, risque allergique aux pollens, etc.) et les bons gestes à adopter.
Une application sur smartphone devrait aussi permettre à chacun d’identifier la présence de substances chimiques dangereuses dans des produits du quotidien (action 2) et pour améliorer la lisibilité de l’étiquetage des produits ménagers afin de réduire les risques liés à leur utilisation, un étiquetage de type toxiscore est envisagé en 2022 (action 4). "Cette action vise également à encourager la commercialisation de produits ménagers ayant moins d’impact sur notre environnement", souligne le plan. L'idée est de privilégier les détergents (liquide vaisselle, lessive, etc.) ayant moins d'impact sur l'environnement que les détergents pétrochimiques dont les molécules polluent les eaux et contribuent aux "phénomènes de mousses" parfois observés sur les plages françaises. Toujours sur cet axe 1 du plan, il est prévu de mieux informer les propriétaires d'animaux de compagnie, en partenariat avec la profession vétérinaire, sur les risques associés aux recours aux produits biocides (insecticides, désinfectants, répulsifs).

Réduction des nuisances lumineuses

Le deuxième axe du plan porte spécifiquement sur la réduction des expositions environnementales affectant la santé humaine et celle des écosystèmes – ondes électromagnétiques, lumière artificielle, pollution des sols, espèces nuisibles, légionellose, nanomatériaux, pollution de l'air intérieur, bruit. Le gouvernement souhaite ainsi interdire la lumière bleue, accusée de perturber l’horloge biologique et d’avoir des effets néfastes sur la vision, dans les jouets et les lampes frontales "sous réserve de compatibilité au droit européen" (action 9). La France portera au niveau européen une demande comparable pour les phares automobiles.
L'amélioration de la connaissance sur les parcs de luminaires publics est aussi citée dans le cadre de l'action 9. L’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses a imposé des prescriptions techniques et temporelles pour l’éclairage public, comme l’intensité d’éclairage, l’orientation de l’éclairage ou encore la température de couleur. Mais l’accès aux données techniques s’avère très inégal en fonction des territoires pour diverses raisons : inexistence, incomplétude et indisponibilité de données géo-référencées, sources diverses (constructeur, gestionnaire), bases de données hétérogènes, constatent les ministères. Pour améliorer la connaissance sur les parcs de luminaires publics, une action est donc prévue en deux temps : définir un standard de base de données d’éclairage public (homogénéiser les bases de données existantes et à venir et garantir la présence des informations nécessaires aux contrôles de conformité à la réglementation et aux études de l’impact des nuisances lumineuses de l’éclairage public sur l’environnement et la santé) puis centraliser au niveau national l’ensemble des données d’éclairage public en utilisant ce standard. Sous le pilotage de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), un groupe de travail multidisciplinaire définira ce standard de bases de données qui fera l’objet d’une large diffusion aux acteurs de l’éclairage public : collectivités, éclairagistes et gestionnaires, indique le document de présentation du plan. Ce dernier veut aussi encadrer les nuisances liées et aux enseignes lumineuses pour la santé et l'environnement. Actuellement, le code de l’environnement (article R. 581-35) prévoit une mesure d’extinction entre une heure et six heures du matin pour les unités urbaines de moins de 800.000 habitants et précise que pour celles de plus de 800.000 habitants, les obligations et modalités doivent être prévues dans un règlement local de publicité, règlement dont l’adoption n’est pas obligatoire. Le ministère de la transition écologique souhaite réviser ce texte pour que cette obligation d’extinction soit appliquée sur l’ensemble du territoire.
En matière de pollution des sols (action 10), le plan vise à favoriser le réemploi des friches industrielles en garantissant une réhabilitation compatible avec leur nouvel usage pour lutter contre l’artificialisation des sols tout en protégeant les populations concernées. Celles-ci seront informées sur les mesures à adopter pour réduire leur exposition et des recommandations seront proposées aux professionnels de santé pour le suivi si nécessaire.

Espèces nuisibles

L'action 11 prévoit notamment de prévenir les maladies vectorielles transmises par les moustiques, en misant entre autres sur la formation des différents professionnels, dans les administrations, les collectivités, les établissements de santé - le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) a d'ores et déjà mis en place un module d’autoformation destiné aux agents des collectivités territoriales, relève le document de présentation du plan. Autre objectif de l'action 11 : mieux prévenir, surveiller et gérer les impacts en santé humaine causés par les espèces exotiques envahissantes ou proliférantes (ambroisie, chenilles processionnaires, etc.). Dès 2021, les missions de l’Observatoire des ambroisies seront étendues à d’autres espèces afin de rechercher et diffuser la connaissance sur certaines espèces d’intérêt et notamment sur leurs effets sur la santé et les milieux et de valoriser et coordonner les actions de prévention, de lutte, de formation et d’information menées par l’ensemble des acteurs territoriaux (Agences régionales de santé, services de l’État, collectivités, Fédérations régionales de lutte contre les organismes nuisibles, profession vétérinaire, etc.). En 2022, une boîte à outils nationale sera mise à leur disposition (documents techniques, cartographies des espèces ciblées).

Qualité de l'air intérieur

Le sujet de la qualité de l’air extérieur n’est pas traité dans le PNSE4 (comme les perturbateurs endocriniens et les pesticides, le sujet fait l’objet de politiques spécifiques) mais celui de l’air intérieur est bien intégré, le gouvernement annonçant une nouvelle campagne de mesures des polluants dans les logements français après celle réalisée entre 2003 et 2005 (action 14). Sont également prévues une charte d’engagement avec les fédérations du bâtiment, la création d’une obligation, pour le maître d’ouvrage de bâtiments neufs, de vérification des installations de ventilation (les contrôles annuels réalisés par l’État montrent un taux de non-conformité de 40 à 50%) ou encore l’intégration d’une information sur les conditions d’aération et de ventilation à partir de l’été 2021 dans le diagnostic de performance énergétique. La surveillance de la qualité de l'air intérieur des établissements accueillant des personnes sensibles, qui concerne les crèches et les écoles depuis 2018, les collèges, lycées et accueils de loisirs depuis 2020, sera étendue en 2023 à certains autres établissements recevant du public. Il est en outre prévu d'améliorer les connaissances sur la pollution de l’air intérieur dans les enceintes ferroviaires souterraines (EFS). Sept agglomérations dotées de métros sont potentiellement concernées (Lille, Lyon, Marseille, Paris, Rennes, Rouen et Toulouse).

Lutte contre le bruit

L'action 15 du plan prévoit des mesures pour la réduction de l'exposition au bruit. Outre des actions de communication et de dépistage, le gouvernement veut "associer rénovations énergétique et acoustique dans le logement social autour des axes routiers et ferroviaires et dans les bâtiments autour des aéroports". En outre, "pour améliorer la tranquillité sonore des citoyens, les communes pourront mettre en place des espaces calmes dans les lieux publics ou partagés et disposer des sonomètres plus simples d’utilisation" et des radars sonores seront expérimentés pour constater automatiquement un dépassement sonore de véhicules motorisés.

Partage des retours d'expérience des collectivités

L'objet de l'axe 3 du plan est de "démultiplier les actions concrètes des collectivités dans les territoires". L’action 16 vise ainsi à mettre en place un espace de partage des démarches des collectivités territoriales en santé environnement complété d’un ensemble de ressources. L’espace de partage des retours d’expérience permettra d’accéder à une cartographie des actions et projets d’action de collectivités souhaitant mettre en visibilité leurs travaux. Le centre de ressources sera, lui, constitué d’une "boîte à outils" regroupant informations et documentations utiles à la compréhension et la conduite d’actions en santé environnement dans les territoires. Des cartographies des acteurs de la santé environnement et des initiatives locales d’animation (dont les plans régionaux santé environnement) seront également proposées. "Cet espace de partage permettra aussi d’inciter les collectivités à mener des "Diagnostics locaux santé environnement" recensant les facteurs de risques auxquels est exposée la population et les indicateurs sociaux et sanitaires du territoire ; puis passer à l’action afin d’inclure la santé dans la conciliation entre économie et écologie", indique le document de présentation du plan. L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) participera à la diffusion des outils et méthodes ainsi proposés auprès de l’ensemble de ses réseaux et de ses partenaires. Elle contribuera notamment à cette action dans le cadre de sa Fabrique Prospective "Petites villes et santé environnementale". Cette plateforme sera rendue publique sur le site internet territoire-environnement-sante.fr .
Il est aussi prévu de renforcer la formation des élus et des agents des collectivités pour lutter contre les inégalités territoriales en santé environnement. Cette action reposera sur les formations proposées par le CNFPT et sur les modules de la formation proposés par l’École des hautes études en santé publique (EHESP) "Formation des collectivités locales aux enjeux de santé environnement" et destinés aux élus et techniciens des collectivités territoriales.

Prise en compte des problématiques de santé environnementale dans l'aménagement

Quant à l'action 17, elle entend "renforcer la sensibilisation des urbanistes et aménageurs des territoires pour mieux prendre en compte la santé environnement". A travers les outils de planification, l’objectif principal de cette action est de poursuivre, valoriser et approfondir les travaux du précédent PNSE qui font le lien entre l’aménagement urbain, l’urbanisme, la mobilité et la santé, notamment dans le cadre des plans de déplacement urbains (PDU). Il s'agit aussi de développer, d'adapter ou de s’appuyer sur des outils et méthodes d’intégration de la santé dans les opérations d’aménagement tels que les démarches d’évaluation d’impact sur la santé (EIS) ou d’accompagnement UFS (urbanisme favorable à la santé) et de promouvoir le développement des solutions fondées sur la nature, notamment pour l’adaptation au changement climatique. Les échanges multi-acteurs (urbanistes, aménageurs, etc.) seront aussi encouragés en favorisant les rencontres notamment alimentées "par les retours d’expériences, les formations croisées et toutes formes de dispositifs multi-partenariaux pour faciliter l’acculturation aux principes de l’UFS et stimuler les initiatives UFS sur le territoire", ajoute encore le document.
Pour financer ce plan, les deux ministères évoquent un budget global qui dépassera 135 millions d’euros, dont les 90 millions d'euros pour les projets de recherche sur les zoonoses et l’exposome, 5 millions d'euros pour la campagne de mesure de la qualité de l’air dans les logements, 1 million d'euros pour la création de de l'espace de partage de données environnementales pour la santé ou encore 1 million d'euros pour la création d’outils numériques, dans le cadre d’une start-up d’État appelée "Recosanté".