Le Beaufortain, acteur de son développement depuis une quarantaine d'années

En 1971, quatre communes de la moyenne montagne savoyarde s'associent pour faire face à une dépression de fin de chantier de construction hydroélectrique. Cette solidarité inédite, qui se traduit par la création d'un Sivom, est le fait de personnalités hors pair qui décident de s'appuyer sur la manne apportée par EDF pour impulser un nouveau type de développement et redonner sa vitalité au territoire. Pendant plusieurs décennies, volonté politique, innovation économique et éducation populaire sont conjuguées à un même niveau de priorité.

Le Beaufortain vit un choc, dans les années 1960, dont il aurait bien pu ne pas se remettre. Dans cette petite région de montagne du département de la Savoie, entre Mont-bBanc et Vanoise, la construction par Electricité de France de trois ouvrages hydroélectriques est à l'origine de profonds bouleversements socioéconomiques et culturels. Ce territoire de tradition pastorale voit en effet ses modes de vie transformés par l'arrivée de quelques milliers d'ouvriers et par la création de richesses nouvelles qui, tout en relevant le standing des ménages, ébranle les anciennes structures sociales. C'est à la fin du dernier chantier, celui du barrage de Roselend, que la crise est la plus douloureusement ressentie, lorsque disparaissent à la fois quelques-uns des meilleurs alpages et les emplois qui fournissaient aux éleveurs une deuxième source de revenu régulière. EDF ne recrute plus, la population locale est faiblement qualifiée, les femmes ne sont pas encore sorties du foyer...

 

Trois fortes personnalités organisent le sursaut après la crise

C'est de l'intérieur que viennent les solutions. Trois "figures" puis une quatrième jouent dès la fin des années 1960 un rôle de premier plan, tout d'abord dans la prise de conscience de la crise à la fois économique, sociale et culturelle que vit le territoire, puis dans les impulsions nouvelles qui lui sont données. Hubert Favre, ancien instituteur devenu conseiller technique à la direction régionale de la jeunesse et des sports, encouragé par sa hiérarchie à "expérimenter" de nouvelles actions, fonde en 1973 l'association d'animation du Beaufortain (AAB). Le docteur Lucien Avocat, maire de Beaufort et conseiller général, s'engage dans une démarche politique fondée sur la coopération intercommunale. Il joue également un rôle moteur dans l'ouverture du territoire à l'extérieur par le truchement de partenariats institutionnels et financiers et de voyages d'études. "Il y a eu une symbiose entre les élus politiques, qui avaient le pouvoir de décision, et les associations, qui représentaient la force de proposition", analyse aujourd'hui Hubert Favre. Enfin, Maxime Viallet, représentant syndical agricole, s'appuie sur l'héritage des générations précédentes pour créer une nouvelle coopérative laitière et fromagère à Beaufort au sein de laquelle il introduit des techniques modernes (prototype de la machine à traire). Quelques temps plus tard, ce dernier est rejoint par Elisabeth Viallet, une institutrice venue de la région parisienne qui devient son épouse et qui milite activement en faveur de la promotion du statut des femmes. Ils décident de marcher tous les quatre main dans la main pour "travailler et construire ensemble le Beaufortain moderne" (1).

 

Coopération politique, réorientation économique, accompagnement des transformations sociales

Le territoire du Beaufortain voit le jour en janvier 1971 à travers l'organisation en syndicat intercommunal des quatre communes de Beaufort, Hauteluce, Queige et Villard. Elu président du syndicat en 1973, Lucien Avocat cherche avec ses partenaires à susciter un sentiment d'appartenance au-delà des particularismes locaux. "La nécessité de travailler collectivement sur les questions scolaires avec le nouveau collège, ou bien sur d'autres problèmes comme l'assainissement ou le déneigement, a transformé l'identité de chaque commune", explique Hubert Favre. Les ressources fiscales en provenance d'EDF sont utilisées pour soutenir la création de la coopérative laitière et développer une activité de tourisme d'été et d'hiver. La coopérative, qui fait appel aux compétences scientifiques de l'Inra, développe une filière agroalimentaire de qualité et la création d'un produit de terroir, le fromage de Beaufort. Le tourisme d'hiver est lancé avec la construction de deux stations de ski à taille humaine, Arêches et Les Saisies, qui ne défigurent pas le paysage et qui, en 1992, bénéficieront de la proximité d'Albertville et des Jeux olympiques d'hiver. Le développement du tourisme saisonnier et des métiers des sports d'hiver permettent aux agriculteurs de conserver leur statut de "double actif". Dans ce contexte, la politique active de l'association d'animation du Beaufortain, notamment en termes de formation initiale et continue, d'animation culturelle et touristique et d'accompagnement des services publics (accueil de la petite enfance et des personnes âgées, "promotion" féminine), favorise la participation de tous au développement du territoire.

 

Une ouverture nécessaire sur l'extérieur

Cette volonté de bâtir le territoire en trouvant un équilibre entre le politique, l'économique et la culture est symbolisée par l'accueil dans un seul et même bâtiment, construit en 2002, regroupant Confluences (la communauté de communes), présidée par Léopold Viallet, l'association d'animation du Beaufortain et le groupement intercommunal de développement agricole. Les leaders actuels du Beaufortain veulent éviter les tentations de repli sur soi, assez caractéristiques de la vie à la montagne. C'est pourquoi ils n'hésitent pas à ouvrir le territoire aux chercheurs et aux étudiants, en relation en particulier avec les universités alpines et de manière générale à tous les passionnés du développement local. Ils participent activement aux structures du pays Albertville-Ugine (charte architecturale, charte forestière, école de musique, aide à l'implantation des entreprises, élimination des déchets, élaboration d'un schéma de cohérence territoriale...).
Se pose la question de l'avenir. La coopérative de Beaufort avait, selon Hubert Favre, "sauvé" le territoire sur le plan économique. Mais le fromage de Beaufort est devenu chez les distributeurs un véritable produit de luxe, avec un prix affiché parfois cinq fois plus élevé que le prix de vente à la coopérative. "Pour arriver à cette production, les agriculteurs doivent faire des efforts considérables. Continueront-ils à travailler dans vingt ans comme ils le font aujourd'hui ?", s'interroge encore Hubert Favre... D'autre part, la pression foncière due au développement touristique est un problème réellement préoccupant, les pionniers du Beaufortain moderne ont choisi de faire partager leur expérience en participant à l'élaboration d'un ouvrage sur le concept de développement local adapté au contexte qui était celui de leur territoire.

 

(1) La dynamique du développement local. Les choix du Beaufortain. Expériences et témoignages recueillis et mis en forme par Hugues de Varine. Paris, Ed. ASDIC, 2006 (avec de nombreuses fiches pratiques).

 

Sylvie Malsan, pour les rubriques Expériences des sites Mairie-conseils et Localtis

Association AAB

Place Roger Frison Roche- Le Confluent
73270 Beaufort sur Doron

Hubert Favre

Communauté de communes du Beaufortain (Confluences)

Nombre d'habitants :

4244

Nombre de communes :

4
Place Roger Frison-Roche
73270 Beaufort sur Doron
confluences@lebeaufortain.com

Léopold Viallet

Président

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