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Patrimoine - Le besoin de financement des travaux sur les monuments classés dépasse 10 milliards d'euros

Le ministère de la Culture rend public le rapport adressé au Parlement sur "L'état du parc monumental français". Ce rapport - une première en son genre - est le fruit de la polémique qui s'est instaurée depuis trois ans sur l'insuffisance des crédits affectés au patrimoine. Aussi les parlementaires avaient-ils inséré, à l'article 90 de la loi de finances pour 2007, une disposition demandant au ministre de la Culture de produire un rapport en vue d'évaluer "notamment le montant des investissements nécessaires à l'entretien et à la conservation des monuments classés ou inscrits" et de présenter également "la répartition régionale des besoins d'investissement".
Le constat dressé par le rapport apparaît à première vue particulièrement sombre et semble donner raison à ceux qui dénonçaient l'insuffisance des crédits du patrimoine. Les besoins en travaux de toute nature sur les seuls monuments historiques classés atteignaient ainsi en 2002 plus de 6 milliards d'euros courants (plus de 7 milliards en euros constants). En 2007, pour ces mêmes travaux, le besoin de financement s'élève à 10,73 milliards d'euros. Le rapport s'efforce toutefois de minimiser l'ampleur de l'écart creusé en cinq ans. Il faut en effet, selon lui, prendre en compte trois éléments explicatifs. Le premier est "une bien meilleure connaissance de l'ensemble du parc monumental, due à un important travail d'études et de regroupement de connaissances sur un certain nombre de monuments". En d'autres termes, les chiffres de 2002 seraient sous-évalués. Seconde explication : la prise en compte des départements d'outre-mer (342 monuments protégés), ce qui n'était pas le cas en 2002. Enfin, le nombre de monuments protégés est passé durant cette période de 40.227 à 43.233 (14.897 monuments historiques classés et 28.336 inscrits). Pour le ministère, "l'augmentation du besoin global ne signifie donc nullement une absence de prise en compte des besoins précédemment identifiés". Le rapport reconnaît toutefois que "du fait que l'ensemble des besoins n'a pas été couvert, la dégradation mécanique se poursuit". Il admet aussi que les à-coups budgétaires "sont particulièrement préjudiciables au lancement et au déroulement des travaux dans les délais prévus par les calendriers d'opération".
La survie même de certains éléments du patrimoine est menacée. Ainsi, sur les 14.897 monuments classés, 629 sont aujourd'hui en "situation de péril" (639 en 2002), dont 143 en "évolution accélérée" (66 en 2002). On peut y ajouter 2.805 monuments en "état sanitaire défectueux" (1.862 en 2002). Près des deux tiers (63%) des monuments en péril total ou partiel sont la propriété de collectivités territoriales et 65% d'entre eux appartiennent à des communes de moins de 2.000 habitants. Les seuls travaux sur les monuments classés en péril - à la fois les plus urgents et les plus coûteux compte tenu de l'état des bâtiments - représenteraient un coût de 5,24 milliards d'euros. On comprend mieux les ballons d'essai lancés il y a quelques jours par Christine Albanel afin de tester l'idée de dégager des ressources extra-budgétaires sous la forme de taxes affectées assises sur la Française des Jeux, le produit des casinos ou les hôtels de luxe...

 

Jean-Noël Escudié / PCA