Archives

Le CNNum veut orienter les "invisibles" vers les opportunités des métiers du numérique

Remis mi-septembre 2020, un rapport co-écrit par le Conseil national du numérique (CNNum) et l'association Diversidays préconise de renforcer l'insertion professionnelle des "invisibles", à savoir "les citoyens des territoires ruraux et des quartiers prioritaires de la ville".

Serait-ce à cause "d’une rencontre manquée" que 80.000 emplois sont demeurés non pourvus dans le numérique en 2018 (1)? Dans son éditorial, publié en préambule de l’avis du Conseil national du numérique (CNNum) du 8 septembre 2020, Anthony Babkine interroge sur le manque d'interactions entre "les entreprises et les talents qui peuplent nos quartiers prioritaires et nos zones rurales". Le président et cofondateur de l'association Diversidays, missionné par le gouvernement pour coproduire, avec le CNNum ce rapport, constate que "de trop nombreux potentiels issus des quartiers prioritaires et zones rurales ne savent pas que les métiers de la tech sont une voie d’avenir et qu’ils peuvent leur permettre de s’élever socialement". Pour "briser collectivement le plafond de verre", il souhaite que "l’entreprise mise davantage sur la compétence, le potentiel, plutôt que sur le CV traditionnel ou le diplôme de telle ou telle école". Le désintérêt pour les métiers du numérique est de 30% supérieur dans les quartiers prioritaires de la ville, confirment les chiffres de Pôle emploi. 

Fuite des cerveaux vers les métropoles 

Le CNNUm met en garde contre le risque que "l’attraction des jeunes talents vers le numérique ne s’accompagne d’une fuite des cerveaux vers les métropoles". "D’autres propositions doivent donc être engagées", prévient d'emblée la commission consultative, pour que ces jeunes "disposent du choix" de retourner et travailler dans leur région d’origine. 

Parmi les solutions proposées, la création d'un baccalauréat professionnel dédié au métier de développeur, une semaine de "sensibilisation nationale" autour des métiers du numérique à l'école ou encore le renforcement de l'accès à l'ensemble des étudiants à l'équipement numérique individuel. 
Dans son troisième et dernier axe, "Renforcer la politique de dynamisation des territoires", le CNNum suggère également de "créer et financer des projets expérimentaux incitant les associations d’égalité des chances et de médiation numérique à travailler entre elles pour accompagner les publics dits 'invisibles' vers les opportunités du numérique".

Conditionner les aides distribuées aux ZRR

Les auteurs du rapport attirent l’attention sur le fait qu’aujourd’hui, plus de 13.902 communes sont classées en zone de revitalisation rurale (ZRR), zonage supposé disparaître fin 2020 (2). "Il est essentiel de réfléchir au devenir de ces zones d’exonération et d’aides, notamment dans le secteur numérique." Trois scénarios sont envisagés pour ces territoires (3) : une rationalisation des ZRR, une déconcentration de leur attribution ou une suppression et transformation en crédits budgétaires gérés de manière décentralisée. Le rapport recommande que ces incitations soient étendues avec une condition particulière : il faut "conditionner les aides et exonérations fiscales à l’embauche des personnes issues des territoires d’implantation". Concernant les zones rurales, les auteurs estiment que "la mesure ne peut être efficace que si elle fonctionne en synergie avec le plan Très Haut Débit 2022". 

Les auteurs du rapport espèrent que ces propositions vont se concrétiser prochainement en "politiques publiques" face à un sujet "pour lequel la France n'a pas encore trouvé de solutions satisfaisantes". Les mesures en faveur du numérique, domaine considéré comme stratégique par l'exécutif, représentent "au minimum" sept des 100 milliards d'euros prévus par le plan de relance présenté début septembre (lire notre article du 4 septembre). 

 

(1) Selon une étude de la fondation Jean-Jaurès
(2) De nombreuses zones en France bénéficient d’une exonération d’impôt sur les bénéfices ou sur les impôts locaux (zones d'aides à finalité régionale (AFR), bassins d’emplois à redynamiser (BER), zones de revitalisation rurale (ZRR), zones franches urbaines (ZFU)…). La contrepartie de ces incitations fiscales repose sur le fait que les entreprises participent à dynamiser l’activité économique du territoire. 
(3) Selon un rapport sur les pistes d’évolution de la géographie prioritaire en préparation par la ministre déléguée à la ville, auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales