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Habitat - Le collectif "Rénovons !" doute de l'ambition gouvernementale en matière de lutte contre les passoires énergétiques

Le collectif "Rénovons !" s'impatiente. La feuille de route gouvernementale pour la rénovation énergétique, qu'il attend depuis juillet, tarde à venir et les moyens annoncés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, du Grand Plan d'investissements et de la Stratégie Logement ne seraient pas à la hauteur des ambitions affichées.

"Ou sont les 4 milliards annoncés par le candidat Macron et réitérés par le ministre Hulot ?" s'interrogent les membres de l'initiative "Rénovons", le collectif d'acteurs qui s'est fait connaître en février dernier en réclamant un plan ambitieux de rénovation des logements les plus énergétivores et qui réunit des associations sociales et environnementales - Fondation Abbé Pierre, Secours Catholique, CLER-Réseau pour la transition énergétique, Réseau Action Climat, Soliha - et la société Effy de conseil en efficacité énergétique, auxquels se sont joints depuis la Fondation pour la nature et l'homme, la Fondation Schneider Electric*...
Ils ont tenu une conférence de presse, jeudi 12 octobre à Paris, pour exprimer leur "impatience". "Il est temps de passer de la parole aux actes", martèlent-ils, car "le temps des promesses est révolu : ce dont nous avons besoin aujourd'hui, ce sont des investissements et des outils pour réaliser les travaux nécessaires à la rénovation des 7,4 millions de logements passoires d'ici 2025".

Une feuille de route gouvernementale dans les tuyaux

Le collectif met quelque espoir dans la feuille de route gouvernementale pour la rénovation des passoires énergétiques qui est annoncée. Peu consultés sur son contenu, ils expriment leurs doutes quant aux moyens qui seront mis sur la table. Car des objectifs ambitieux, il y en a déjà eu.
Ainsi, la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 fixe 500.000 rénovations par an à partir de 2017, dont la moitié pour les ménages modestes. "Nous en sommes loin", constate aujourd'hui le collectif "Rénovons", citant des chiffres de l'Ademe : les rénovations thermiques sont de l'ordre de 288.000 dans le parc privé, et parmi elles, 54.000 seulement concernent des passoires énergétiques, soit des logements de classe F ou G dans l’échelle du diagnostic de performance énergétique.
Le Plan Climat lancé par Nicolas Hulot le 6 juillet dernier a affirmé quant à lui la volonté de "faire disparaître les passoires thermiques en dix ans grâce à un plan d’investissements de quatre milliards d’euros", via des mesures "à la fois incitatives et coercitives" envers les propriétaires bailleurs.
Mais trois mois plus tard, "les différentes mesures présentées courant septembre revoient les objectifs initiaux à la baisse et n’offrent pas les moyens suffisants pour assurer le démarrage effectif des travaux", estime le collectif.

Le Grand plan d'investissements et le PLF 2018 "en dessous des investissements annoncés"

Le Plan Logement présenté le 20 septembre (voir notre article du 20 septembre 2017), qui ne fait que répéter les ambitions du Plan Climat, n'aurait "pas permis de dégager des propositions concrètes en faveur de la rénovation énergétique des passoires" . Le Grand plan d'investissements (GPI) dévoilé le 25 septembre et le Projet de Loi de Finances 2018 soumis en ce moment à l'examen du Parlement seraient "en dessous des investissements annoncés".
Si l'on reprend les 250.000 ménages modestes en situation de précarité énergétique visés tous les ans par la loi de transition énergétique, 130.000 sont logés dans le parc privé. Or le PLF 2018 ne prévoit que 75.000 rénovations dans le cadre du programme Habiter Mieux de l'Anah. "C'est plus qu'avant, mais on n'y est pas", calcule Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, qui se promet d'être attentif également sur les capacités financières effectivement données à l'Anah dans le PLF.

La baisse des recettes des bailleurs sociaux pourraient avoir des incidences sur la rénovation thermique de leur parc

Quant aux 120.000 ménages modestes en situation de précarité énergétique logés dans le parc social, la question est nouvelle pour le collectif. "Au départ, 'Rénovons' n'avait pas vocation à sensibiliser sur la nécessité d'agir sur le parc HLM parce que les organismes HLM étaient déjà engagés et que cela marchait bien", souligne Danyel Dubreuil, du réseau CLER (Réseau pour la transition énergétique) et coordinateur de l'initiative "Rénovons". Mais avec la mesure du PLF 2018 visant à obliger les bailleurs sociaux à baisser leurs loyers HLM pour compenser la baisse des APL, cela implique une réduction de leur capacité d'investissement, notamment dans les chantiers de rénovation thermique, s'inquiète le collectif.
Quant au chèque énergie, que le PLF prévoit d'étendre à l'ensemble du territoire (quatre millions de ménages en bénéficieraient), le collectif se félicite qu' "on va toucher plus de monde" mais au vu des montants (entre 48 et 227 euros en fonction des revenus et de la taille de la famille, soit en moyenne un chèque de 150 euros par an), cela ne sera pas suffisant. Il se réfère à l’Observatoire national de la précarité énergétique qui fixe à 600 euros le montant permettant aux familles les plus précaires de se chauffer convenablement.

Plus de cohérence avec le ministère de la Cohésion 

Bref, le collectif dénonce des "incohérences (durant) les premiers mois du quinquennat". Incohérences qui, selon lui, "remettent déjà en cause la promesse de campagne d’Emmanuel Macron de rénover la moitié des passoires énergétiques des propriétaires les plus modestes dès 2022". Il souligne également "un problème de pilotage au sein du gouvernement pour mener à bien cette mission-phare". "Le portage politique éclaté entre deux ministères (Ndlr : de la Transition écologique et solidaire et de la Cohésion des territoires) pose des problèmes de gouvernance", insiste Danyel Dubreuil qui souhaite davantage de "coordination de l'action gouvernementale".
Il ne s'agit pas tant de "faire du chiffre", car ce serait "renoncer à la complexité" qui est incontournable dans les démarches auprès des publics modestes, selon Christophe Robert. D'où la nécessité de renforcer les outils d'accompagnement des ménages, "car c'est l'accompagnement qui va faire que l'on va déboucher sur des travaux", souligne Danyel Dubreuil qui s'inquiète de ne voir aucune annonce gouvernementale sur le sujet.

Faire passer l'idée que louer des logements indécents n'est pas acceptable

Il souhaiterait aussi que le gouvernement mène, avec le collectif, la bataille idéologique : "faire passer l'idée que certaines catégories de logement ne sont pas acceptables pour une société, qu'il n'est pas acceptable de les louer". Or pour le moment, le décret sur le logement décent du 9 mars 2017 n'inciterait pas à rendre responsables les bailleurs (des membres du collectif sont d'ailleurs aussi impliqués dans le recours au conseil d'Etat, voir notre article du 11 octobre 2017).
"La transformation profonde de l'écosystème ne pourra se faire que par un portage politique fort venu d'en haut, dont tous les acteurs (administrations d'Etat, collectivités locales, associations, entreprises du BTP...) auront la certitude qu'il durera au moins dix ans", insiste Christophe Robert.

* Une trentaine de structures sont également partenaires, parmi lesquelles : France Nature environnement, Amorce, l'Association des Responsables de copropriétés, le réseau Eco-Habitat, Scop Energie verte...

7,4 millions de passoires énergétiques en France
Selon l’Observatoire national de la précarité énergétique, 5,8 millions de ménages sont en situation de précarité énergétique, parmi lesquels près de la moitié, 2,6 millions, sont des ménages modestes. 7,4 millions de passoires énergétiques existent dans le parc privé français. Selon le collectif "Rénovons", leur rénovation d'ici à 2025 auraient pour effets : la création de 126.000 emplois sur la période 2017-2025 (et 18.000 sur le long terme, une fois les passoires rénovées), 3,5 milliards d'euros d'économies annuelles sur la facture énergétique des ménages, soit 512 euros en moyenne par ménage et par an ; 758 millions d'euros d'économies annuelles pour le système de soin, tant il est vrai que "le logement peut nuire gravement à la santé" (voir aussi notre article du 28 janvier 2016) ; 1,03 milliard d'économies annuelles sur la facture énergétique de la France à partir de 2026 ; une réduction des émissions de GES de 6,13 millions de tonnes d'équivalent CO2 par an à partir de 2026 (soit l'équivalent de 12,5% des émissions actuelles du secteur résidentiel).
 

 

 

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