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Le Conseil constitutionnel censure l'interdiction des libéralités aux aides à domicile

Alors que la Cour de cassation vient d'élargir la possibilité d'assimilation d'un contrat d'assurance vie souscrit par une personne âgée à une libéralité (donation déguisée) permettant d'échapper à la récupération sur succession d'une aide sociale (voir notre article du 16 mars 2021), le Conseil constitutionnel rend une décision QPC (question prioritaire de constitutionalité) sur "l'interdiction de recevoir des libéralités pour les personnes assistant certaines personnes vulnérables". Dans sa décision, le Conseil juge contraire à la Constitution et annule les dispositions combinées du Code de l'action sociale et des familles et du Code du travail, aboutissant à une interdiction générale et absolue de ces libéralités. La déclaration d'inconstitutionnalité prend effet immédiatement.

Jusqu'à présent, il n'était pas possible en effet à une aide à domicile ou à une personne accompagnant une personne âgée ou handicapée dans le cadre d'un service d'aide à la personne d'accepter une libéralité (don, legs, cadeau significatif...). Cette interdiction ne vaut que pour les libéralités consenties pendant la période d'assistance du donateur. Elle ne s'applique pas "aux gratifications rémunératoires pour services rendus ni, en l'absence d'héritiers en ligne directe, à l'égard des parents jusqu'au quatrième degré". L'objectif du législateur était, bien entendu, de protéger les personnes vulnérables contre d'éventuelles prévarications, ce qui relève bien de l'intérêt général.

Mais le Conseil constitutionnel considère que cette interdiction générale limite la capacité de ces personnes à disposer librement de leur patrimoine. Or, "le droit de disposer librement de son patrimoine étant un attribut du droit de propriété, les dispositions contestées portent atteinte à ce droit". De plus, "il ne peut se déduire du seul fait que les personnes auxquelles une assistance est apportée sont âgées, handicapées ou dans une autre situation nécessitant cette assistance pour favoriser leur maintien à domicile, que leur capacité à consentir est altérée". Le fait que ces tâches soient accomplies au domicile des intéressées et contribuent à leur maintien à domicile ne suffit pas à caractériser, dans tous les cas, une situation de vulnérabilité des personnes assistées à l'égard de ceux qui leur apportent cette assistance. Enfin, le Conseil constitutionnel constate que "l'interdiction s'applique même dans le cas où pourrait être apportée la preuve de l'absence de vulnérabilité ou de dépendance du donateur à l'égard de la personne qui l'assiste". Conséquence : "l'interdiction générale contestée porte au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi. Elle doit donc être déclarée contraire à la Constitution".

Si le législateur veut néanmoins protéger les personnes vulnérables contre d'éventuels risques – ce que ne conteste évidemment pas le Conseil constitutionnel –, il devra donc donner une définition de la vulnérabilité justifiant les cas d'interdiction des libéralités. Pour les personnes âgées, cela pourrait être fait, par exemple, à travers une référence aux GIR (groupes iso-ressources) de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

Référence : Conseil constitutionnel, décision QPC n°2020-888 du 12 mars 2021.
 

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