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État d'urgence sanitaire : le Conseil d’État suspend l’autorisation préalable de manifester

Dans une ordonnance du 6 juillet, le juge des référés émet un "doute sérieux" quant à la proportionnalité de l'autorisation préalable de manifester contenue dans le décret du 14 juin. Il demande la suspension de cette autorisation tout en estimant que l'interdiction des rassemblements de plus de 5.000 personnes demeure justifiée au regard de la situation sanitaire du pays.

L’obligation d’obtenir une autorisation avant d’organiser une manifestation sur la voie publique est "excessive", a jugé le Conseil d’État, dans une ordonnance du 6 juillet.
Le juge des référés, saisi par plusieurs associations et syndicats, a ainsi décidé de suspendre l’autorisation de manifester contenue dans le décret 14 juin, considérant que ce texte inverse la logique prévalant en matière de manifestation. En temps normal (hors état d’urgence sanitaire), les manifestations sur la voie publique sont soumises à une obligation de déclaration auprès des autorités (article L. 211-2 du code de la sécurité intérieure) et non à une demande d’autorisation, rappelle-t-il. Le préfet peut néanmoins interdire les rassemblements qui risquent de troubler l’ordre public, par exemple s’il estime que les précautions sanitaires prévues sont insuffisantes.

Atteinte disproportionnée à la liberté de manifester

Dans une première version de ce décret, datant du 31 mai 2020, le gouvernement avait interdit les rassemblements de plus de dix personnes sur la voie publique. Saisie une première fois, le juge des référés avait suspendu, le 13 juin, cette disposition au motif qu’elle comportait une interdiction générale et absolue de manifester. À la suite de cette suspension, le Premier ministre Édouard Philippe avait donc modifié, dès le lendemain, l’article 3 visé, en prévoyant que l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes ne s’appliquerait pas aux manifestations autorisées par le préfet de département. L’autorisation en question étant soumise à la prise en compte de "mesures barrières". Dans le contexte actuel, toute manifestation demeure donc interdite "tant que le préfet ne l’a pas autorisée", constate le juge. Dans son nouveau référé, il considère cette fois qu’il existe "un doute sérieux" sur le fait que cette nouvelle procédure ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté de manifester.
En revanche, le Conseil d'État estime que l’interdiction des rassemblements de plus de 5.000 personnes demeure justifiée au regard de la situation sanitaire à ce jour. Ce qui "limite de fait drastiquement la liberté de manifester et ouvre la voie à une part importante d'arbitraire dans la décision de l'administration", a réagi la CGT qui faisait partie des requérants (aux côtés du SAF, FO, la FSU, Solidaires, le SM, l'Unef, le DAL et Attac).

 

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