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Accès aux soins - Le cumul emploi-retraite des médecins libéraux, solution aux déserts médicaux ?

Près de 10% des médecins libéraux ou ayant une activité mixte exercent dans le cadre du dispositif cumul emploi-retraite, soit 2,7 fois plus qu'il y a huit ans, souvent faute de trouver un remplaçant.

La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie une étude sur les médecins libéraux cumulant une activité et une retraite. Celle-ci montre qu'au 1er janvier 2018, près de 10% des médecins libéraux ou ayant une activité mixte exercent dans le cadre du dispositif cumul emploi-retraite. Ceci représente 12.100 médecins libéraux. Le chiffre total monte même à 19.140 médecins et 9% de l'effectif total si on inclut les médecins salariés (notamment hospitaliers).

Un nombre de cumulants multiplié par 2,7 en huit ans

Dans le cas de la médecine libérale, le cumul emploi-retraite et, plus largement, la poursuite de l'activité au-delà de l'âge de départ en retraite apparaissent comme un palliatif pour lutter contre les déserts médicaux dans certains territoires (même si le fait de continuer à travailler a toujours été présent chez les professions libérales). Nombre de généralistes choisissent ainsi de poursuivre leur activité quelques années, faute de trouver un remplaçant.

Ce dispositif de cumul emploi-retraite, prévu dès la création de la sécurité sociale en 1945, a été rendu nettement plus attractif par des lois de 2003 et 2009 (cette dernière ayant notamment supprimé le plafond de revenu autorisé dans le cadre du cumul). L'effet de ces réformes, combiné aux problèmes de démographie médicale, n'a pas manqué de se faire sentir : le nombre de médecins cumulant emploi et retraite a été multiplié par 2,7 depuis 2010...

Aujourd'hui, 87% des médecins âgés de 61 à 64 ans sont en activité (les médecins non retraités prédominant très nettement). Ce taux est de 43% pour ceux de 65 à 69 ans (pour la plupart en cumul emploi-retraite). Enfin, 20% des médecins âgés de 70 à 79 ans exercent encore (contre 14% en 2013). Au total, les praticiens hommes ou femmes ayant choisi de cumuler emploi et retraite cessent leur activité quatre ans plus tard que les non-cumulants. Les cumulants partent ainsi à la retraite à 69,5 ans en moyenne en 2016 - après avoir passé un peu moins de quatre ans en cumul emploi-retraite -, contre 65,1 ans pour les autres.

Les spécialistes plus que les généralistes, Paris plus que les zones rurales 

Le départ retardé à la retraite et le cumul emploi-retraite peuvent-ils, pour autant, constituer une solution durable pour lutter contre les déserts médicaux ? Plusieurs éléments, dans les chiffres présentés par la Drees, incitent plutôt à penser le contraire. Ainsi, les spécialistes sont plus nombreux que les généralistes à choisir le cumul emploi-retraite. Les omnipraticiens du secteur 1 représentent en effet 46% des cumulants, contre 54% pour les spécialistes (31% pour ceux du secteur 1 et 23% pour ceux du secteur 2). En outre, chez les spécialistes, les chiffres varient très fortement selon les disciplines. Par exemple, près d'un quart des psychiatres cumulent emploi et retraire contre seulement 6% des chirurgiens et des anesthésistes.

De même, l'âge de fin d'activité dépend aussi du lieu d'exercice du médecin : à spécialité, sexe et année de départ comparables, l'âge des spécialistes à la cessation est plus tardif dans les zones où les médecins sont pourtant nombreux à être installés. A l'inverse, l'étude de la Drees montre que "les généralistes reculent ou diffèrent [...] leur départ à la retraite dans les zones très peu denses, là où ils savent que leurs patients auront des difficultés à retrouver un médecin traitant". Conséquence : c'est à Paris - qui n'est pas le territoire le plus défavorisé en termes d'offre de soins - que les médecins cessent leur activité le plus tardivement (en raison notamment du nombre important de spécialistes dans la capitale). Un médecin libéral sur cinq cumule emploi et retraite à Paris, contre un sur dix ailleurs en France. Hors de Paris, la Drees estime en revanche que "le type de territoire (grande agglomération, zone rurale, région parisienne) auquel appartient la commune d'exercice du médecin influe peu" sur le taux de cumul emploi-retraite.

Enfin, les médecins hommes recourent davantage au cumul emploi-retraite que les femmes : au 1er janvier 2018, 32% des hommes médecins âgés de plus de 60 ans encore en activité sont cumulants, contre 24% des femmes. La féminisation progressive des professions médicales devrait donc ralentir - sans inverser pour autant la tendance - le développement du cumul emploi-retraite chez les médecins.

Médecins diplômés à l'étranger : le Parlement sécurise leur exercice, in extremis

Si rien n'avait été fait, quelques centaines de médecins titulaires de diplômes obtenus hors de l'Union européenne auraient dû cesser d'exercer en France au 1er janvier : le Parlement a "sécurisé" leur exercice en urgence, par un ultime vote du Sénat mardi 18 décembre.
La proposition de loi LaREM votée en première lecture la semaine dernière par l'Assemblée nationale, et adoptée conforme par le Sénat, prolonge de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2020, l'autorisation temporaire d'exercice accordée aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).
Il existe plusieurs procédures d'exercice pour les praticiens titulaires d'un diplôme obtenu dans un pays non membre de l'UE, dont un dispositif dérogatoire d'autorisation temporaire. C'est la troisième prolongation de ce dispositif dérogatoire mis en place en 2006. Les praticiens peuvent passer un examen pour être régularisés, mais tous ne l'ont pas passé ou obtenu. Le délai de deux ans proposé vise à gérer la période transitoire pendant laquelle devraient être prises les mesures destinées à améliorer leur intégration dans le système de santé français.
Selon des estimations de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), 300 à 350 praticiens seraient concernés. Le syndicat national des PADHUE (SNPadhue) évoque lui le chiffre de 500 praticiens. Il s'agit essentiellement de médecins, mais aussi dans une moindre mesure de pharmaciens, sages-femmes ou dentistes.
Cette proposition de loi "est nécessaire car elle répond à la fois à une urgence et à un impératif de santé publique", a déclaré la secrétaire d'Etat à la santé Christelle Dubos. Les sénateurs ont cependant regretté que la situation des Padhue n'ait "jamais été véritablement réglée par le législateur", comme l'a souligné la rapporteure de la commission des Affaires sociales Martine Berthet (LR), évoquant un "angle mort de la politique hospitalière". "Le texte ne se substitue nullement à l'engagement d'une réflexion plus globale", a assuré Christelle Dubos. Mais sans ce texte, "une cessation brutale (de ces médecins) aurait d'importantes conséquences en termes de santé publique car ces praticiens sont souvent indispensables dans les établissements de santé au sein desquels ils exercent", a-t-elle fait valoir. Plusieurs sénateurs ont déploré la situation de "précarité" dans laquelle exercent ces praticiens, qui comblent le déficit de médecins dans des domaines peu prisés, telle la gériatrie, ou dans des zones de "déserts médicaux". Le sénateur LaREM Martin Lévrier a demandé "de façon pressante au gouvernement que cette problématique soit intégrée dans le plan Ma santé 2022".

AFP