Le gouvernement veut favoriser l’accès des étrangers aux métiers en tension

Dans une circulaire, le ministre de l’Intérieur demande aux comités territoriaux de l'emploi d’inscrire dans leur feuille de route l’accès au travail des étrangers primo-arrivants (en situation régulière). Un arrêté établit par ailleurs région par région, la liste de quelque 80 "métiers en tension" qui pourront faire l’objet de régularisations de sans-papiers par les préfets.

L’intégration est le "complément indispensable" au contrôle renforcé des flux migratoires, soulignent le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et son bras droit François-Noël Buffet dans une circulaire du 30 avril, fixant les "priorités pour 2025 de la politique d’intégration des étrangers primo-arrivants, dont les personnes réfugiées".

Ils invitent ainsi les préfets et le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à mettre en application le volet "intégration" de la loi du 26 janvier 2024 "pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration" (CIAI). Ce texte, qui avait fait grand bruit lors des débats au Parlement, a en effet introduit de nouvelles dispositions applicables au 1er janvier 2026 en matière d’apprentissage du français (article 20) et d’accès au travail (article 23). Il substitue une "obligation de résultats" à "une obligation de moyen de connaître le français, notre histoire nationale et nos principes et valeurs", insistent les deux ministres. Les préfets et l’OFII vont donc devoir dès à présent concentrer leurs actions sur la "maîtrise du français et des principes et valeurs de la République". En effet, à compter du 1er janvier, pour obtenir une première carte de séjour, les étrangers devront justifier d’un niveau A1 écrit et oral (niveau basique) et d’un niveau B1 écrit et oral (intermédiaire) pour une carte de résident. En complément de l’offre de formation de l’OFII dont les modalités seront "fortement revues" au 1er juillet, les préfets et l’office devront consolider les partenariats avec les associations locales, les collectivités et le réseau pour l’emploi. 

Métiers en tension

Le deuxième axe fort de cette politique d’intégration est l’accès au travail désigné comme "une priorité du gouvernement". Un sujet qui doit figurer dans la feuille de route des nouveaux comités locaux, départementaux et régionaux pour l’emploi. "Vous animerez les initiatives locales, en lien avec les clubs d’entreprises et les partenaires économiques de votre territoire, en faveur de l’emploi des étrangers primo-arrivants, en particulier vers les métiers en tension, avec un accent spécifique sur l’emploi des réfugiés et en veillant à leur diffusion", est-il mentionné dans la circulaire. 

La liste de ces métiers en manque de main d’oeuvre vient justement d’être publiée ce jeudi 22 mai. Transmise aux partenaires sociaux en février, elle vient remplacer une précédente version de 2021 actualisée en mars 2024. L’arrêté en question énumère quelque 80 métiers pour lesquels les étrangers sans-papiers peuvent prétendre à un titre de séjour spécifique, à condition de justifier de douze mois de bulletins de salaire au cours des 24 derniers mois et trois ans de résidence en France, comme le prévoit l’article 27 de la loi de 2024. Ironie de l'histoire, Bruno Retailleau, alors chef de file des sénateurs LR avait à l'époque accusé son prédécesseur de "lâcheté" (voir notre article du 3 novembre 2022).

Cette liste poursuit "deux objectifs", indique le ministère du Travail, dans un communiqué : les entreprises des secteurs mentionnés "pourront recruter des travailleurs étrangers hors UE sur des métiers en tension sans avoir l’obligation de déposer préalablement une offre d’emploi" et cette liste "devient également un outil d’application du nouveau motif d’admission exceptionnelle au séjour (AES) permettant la délivrance préfectorale d’un titre de séjour temporaire pour les personnes en situation irrégulière". "Les salariés concernés pourront désormais demander une régularisation à titre personnel sans l’accord de leur employeur", est-il précisé. Mais la décision est laissée à l’appréciation du préfet. Ces modalités de régularisation avaient déjà été précisées dans une instruction du 5 février 2024 (voir notre article du 21 février 2024).

Une liste déclinée région par région

La publication de la liste et son utilisation "vont de pair avec la poursuite de nos efforts pour lutter contre le chômage des étrangers en France et le remplissage des postes non pourvus par une immigration de travail régulière, sélective, régulée et conforme à nos intérêts nationaux", tient à préciser la ministre chargée du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, dans le communiqué.

Dans cette liste déclinée région par région, figurent, en fonction des spécificités locales, les "agriculteurs salariés" et "maraîchers, horticulteurs salariés", les "aides à domicile et aides ménagères", les "aides de cuisine, apprentis de cuisine et employés polyvalents de la restauration", les "cuisiniers", "chefs cuisiniers", "employés de l’hôtellerie" et "serveurs", les "soudeurs" et toutes sortes d’ouvriers qualifiés ou non (bâtiment, métallurgie, emballages et manutentionnaires…). Alors que la saison estivale approche à grands pas, la publication est accueillie avec "soulagement" par l’hôtellerie-restauration qui repose beaucoup sur les emplois saisonniers. La dernière enquête sur les besoins de main d’œuvre de France Travail faisait ainsi apparaître des difficultés de recrutement pour 62% des 51.454 postes de cuisiniers et 50% des 98.978 postes de serveurs, la plupart étant saisonniers (voir notre article du 14 avril). A noter toutefois que la tendance générale est à la baisse des intentions d'embauche. "Enfin ! Ca faisait des mois et même des années qu'on l'attendait. Je pense à tous ces employeurs et ces salariés sous alias qui attendaient cette liste pour déposer leur dossier de demande de régularisation. C'est un soulagement pour eux", a ainsi réagi Franck Trouet, délégué général du Groupement des hôtelleries et restaurations (GHR) auprès de l'AFP.

Insertion professionnelle des réfugiés

La circulaire du 30 avril demande aussi aux préfets de proposer des solutions aux "difficultés périphériques" que rencontreraient les étrangers en situation régulière dans leur insertion professionnelle : accès aux droits, accès à la santé physique et mentale, à la mobilité, aux dispositifs de soutien à la parentalité. Ils devront "amplifier" les actions engagées en 2024 pour les accompagner vers l’emploi (repérage, remobilisation, mentorat…) "en s’appuyant sur les initiative des collectivités locales", en particulier lorsqu’elles sont signataires d’un contrat territorial d’accueil et d’intégration (CTAI). Les ministres demandent d’ailleurs la généralisation de ces contrats créés en 2019 pour améliorer l’accueil des réfugiés. Ils souhaitent développer le programme Agir (Accompagnement global et individualisé des réfugiés) visant à favoriser le logement et l’emploi des personnes réfugiées. Ils confirment l’objectif pour 2025 d’une file active de 25.000 bénéficiaires du programme.

Références : circulaire n° INTV2513131J du 30 avril 2025 fixant les "priorités pour 2025 de la politique d’intégration des étrangers primo-arrivants, dont les personnes réfugiées" ; arrêté du 21 mai 2025 fixant la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement en application de l'article L. 414-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, JO du 22 mai 2025, loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis