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Culture - Le Grand Paris a - aussi - une dimension culturelle

Daniel Janicot - conseiller d'Etat qui a occupé plusieurs fonctions importantes dans le secteur de la culture - a remis son rapport sur "La dimension culturelle du Grand Paris". La commande lui en avait été passée par le chef de l'Etat il y a un an, le 17 janvier 2011. La remise de ce rapport était prévue pour septembre dernier, mais a pris quelque retard. Fort de ses 270 pages et 200 pages d'annexes, et après quelques centaines d'auditions, le document affiche une ambition certaine, dictée par sa lettre de mission : déterminer les stratégies et les moyens permettant "de faire du Grand Paris l'une des plus importantes métropoles culturelles du monde, avec une identité forte et une visibilité incontournable sur la scène européenne et internationale, de nature à renforcer son intérêt touristique et l'influence de notre pays dans le monde".

Une puissance fragile

Pour cela, le rapport commence par un état des lieux, que son auteur n'hésite pas à dramatiser. Certes, Paris conserve, en matière culturelle, des atouts majeurs : équipements artistiques et culturels exceptionnels et sans équivalent, "capitale festivalière mondiale", destination touristique mondiale de tout premier plan, attractivité "plutôt bonne" dans les classements internationaux... Mais, même si le rapport se montre très réservé sur la thèse en vogue du "déclin culturel" de la capitale, les nuages tendent à s'accumuler à l'horizon : succession d'échecs symboliques (trois échecs en vingt ans pour la candidature aux Jeux olympiques, départ pour Venise de la Fondation François Pinault, échec d'autres projets d'accueil de grandes donations comme Barbier Muller ou Thyssen-Bornemisza), intensification de la concurrence entre les grandes capitales, évolution des codes et des pratiques culturelles à laquelle Paris a du mal à s'adapter...
Pour rebondir, le Grand Paris constitue le vecteur idéal. D'abord parce qu'il est "une réponse opportune à la métropolisation du monde", en faisant passer la capitale au statut de mégalopole, figurant parmi les vingt premières mondiales. Ensuite, parce que, selon Pierre Janicot, le Grand Paris est en lui-même "un processus créateur de culture qui renouvelle nos approches", avec en particulier une nouvelle vision du rapport à l'espace et l'épanouissement du principe de la mixité des activités. Enfin, dans un mouvement dialectique attendu, le rapport soutient que "la culture est créatrice du Grand Paris et joue un rôle important dans la structuration du territoire métropolitain".
Ce troisième élément du triptyque conduit à remettre en cause la thèse du déclin, en passant en revue des nombreux atouts du territoire : diffusion des activités culturelles vers la petite puis la grande couronne, tissu très dense d'acteurs culturels, pôle de référence pour l'implantation des industries culturelles...

Une "ville monde", créative, numérique et partagée

Face à ces constats multiples, le rapport Janicot propose une stratégie reposant sur quatre grands axes, qui sont autant de positionnements pour le Grand Paris culturel. Ceux-ci sont d'autant plus ambitieux qu'ils ne sont pas vraiment dans l'air du temps, avec la montée du discours sur le protectionnisme, le rejet de la mondialisation, l'identité culturelle, le repli sur soi. Ainsi, le Grand Paris doit être l’incarnation de la "ville monde" et s’ouvrir davantage à la diversité culturelle, ce qui constituerait une sorte de retour à sa vocation historique. Il doit être l'incarnation de la ville créative, en combinant diverses stratégies au service de la créativité. Il doit aussi être un modèle de ville numérique. Il doit enfin être l'incarnation de la ville partagée, autour d'un certain nombre d'axes à la fois géographiques (l'axe Seine, l'axe Concorde-Défense...) et thématiques (comme le rapprochement entre culture et université).
Ces grands principes et ces orientations s'incarnent dans une - longue -série de propositions et de recommandations. On en retiendra, entre autres, la relance de la vie nocturne parisienne en améliorant les transports en commun de nuit, l'organisation d'un carnaval de toutes les cultures métissées (sur le modèle britannique de Notting Hill), une réforme du dispositif "compétences et talents" pour attirer les artistes étrangers, la création d'une cité internationale d'artistes (sur le modèle de la Cité universitaire) ou encore la création d'une chaîne de télévision du Grand Paris.