Cinéma : le nouveau patron du CNC pointe le "risque de rupture" territorial
Lors d'une audition au Sénat, Gaëtan Bruel, nouveau président du Centre national du cinéma et de l'image animée, a mis en exergue les "ruptures" que connaît actuellement le cinéma français. Parmi elles, la question territoriale et le soutien des collectivités au secteur dans son ensemble, de la production aux salles.

© Capture vidéo Sénat/ Audition de Gaëtan Bruel
Un cinéma français qui se porte bien mais qui fait face à d'importantes "ruptures", c'est ainsi que Gaëtan Bruel, président du CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée), a présenté son secteur d'activité lors d'une récente audition devant la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat.
Si le cinéma français se porte bien, c'est grâce à "la meilleure reprise post-Covid de tous les pays comparables". En 2024, il a enregistré 181,3 millions d'entrées, soit un million de plus qu'en 2023, dont 44,4% de parts de marché occupées par les productions françaises. "Ces deux indicateurs combinés suffisent à montrer combien le cinéma en France est résilient, inventif, puissant. Combien la réussite de notre modèle est globale", a commenté Gaëtan Bruel, avant d'ajouter que le cinéma est "un facteur important de redynamisation de certains de nos territoires" et que cette réussite repose notamment "sur un parc de salles très dense et bien réparti sur le territoire".
Mais le tout nouveau patron du CNC – nommé en février 2025 – a aussi estimé que ce modèle était confronté à cinq évolutions rapides et fortes, cinq "ruptures", comme il les nomme. La première est la "bascule des audiences vers les plateformes sociales". La seconde est "l'onde de choc" de l'intelligence artificielle générative. La troisième est l'exemplarité que la société exige désormais du cinéma et de ses acteurs. Gaëtan Bruel a également pointé "une rupture géopolitique, avec les échos que nous avons d'une possible offensive américaine contre notre modèle".
Recul des aides régionales à la diffusion
Quant à la dernière rupture, ou plutôt "risque de rupture", décrite par le président du CNC, elle est d'ordre territorial. "Il n'y a sans doute pas de plus grande question pour nos politiques culturelles aujourd'hui que l'articulation entre l'État et les collectivités territoriales", a-t-il lancé.
À ce propos, Gaëtan Bruel s'est réjoui que "l'intégralité des régions aient souhaité maintenir les aides à la production, en écho à une production qui se territorialise de plus en plus". Une situation qui contraste fort, en revanche, avec celle des aides à la diffusion, que seules trois régions ont maintenues (Hauts-de-France, Bretagne et Réunion). Sur les aides à la diffusion, s'il a déploré "l'exception des Pays de la Loire, seule région à se désengager fortement", il a souligné que les régions qui replient leurs financements "le font d'une manière qui reste modérée". Il a donc appelé devant les sénateurs à ce qu'"il n'y ait pas de disparité territoriale dans cet effort", et a souhaité "que l'État et les collectivités s'engagent ensemble, y compris de manière renouvelée".
Concernant les aides des collectivités toujours, Gaëtan Bruel a encore estimé que "le désengagement de certaines collectivités, particulièrement au niveau départemental, fragilise" le dispositif "Ma classe au cinéma", qui fait par ailleurs face depuis deux ans à la réforme du remplacement de courte durée des enseignants au sein de l'Éducation nationale, ce qui conduit à avoir à faire avec des enseignants remplaçants qui "ne sont pas nécessairement formés à l'éducation artistique et culturelle (EAC)".
Le soutien des futurs maires en question
Enfin, Gaëtan Bruel a fait un point sur les salles de cinéma : la France compte actuellement plus de 2.000 cinémas pour plus de 6.300 écrans. Cet aménagement culturel du territoire permet à 92% de la population française de se trouver à moins de trente minutes d'une salle. De plus, la moitié de ces équipements sont des salles publiques ou faisant l'objet d'une délégation de service public.
Mais ces salles ne connaissent pas une évolution similaire. "Nous sommes actuellement dans une situation complexe post-Covid, a déclaré Gaëtan Bruel, particulièrement pour la moyenne et la grande exploitation." En effet, si la petite exploitation a quasiment retrouvé ses niveaux de fréquentation d'avant-Covid, la moyenne exploitation accuse une baisse de 15% et la grande exploitation connaît une chute de 25%. "Pour préserver la diversité de notre aménagement cinématographique et reconnaître la place de chaque type d'exploitation, il est crucial d'accompagner ces difficultés spécifiques", a renchéri le président du CNC, avant de conclure : "Dans le contexte des prochaines élections municipales, il sera important d'observer comment une nouvelle génération de maires continuera à soutenir ces équipements remarquables."