Le projet "Pays de santé" des Ardennes, remède contre la désertification médicale

En cours d’expérimentation sur un territoire des Ardennes, le projet pilote "Pays de santé" a pour objectif de maintenir la qualité et l’offre de soins, en créant les conditions favorables à l’installation pérenne de professionnels de santé. La conseillère Pays de santé des Ardennes est la clé de voûte de tout le dispositif.

Situé entre Charleville-Mézières au nord et Rethel au sud, ce territoire de 22.000 habitants expérimente jusqu’à fin 2012 le projet pilote "Pays de santé" (voir encadré). Cette opération, élaborée par la Mutualité sociale agricole * (MSA) et Groupama, est mis en œuvre localement avec le soutien des élus. A l’origine un constat : "Sur le territoire, ils ne sont plus que douze médecins à exercer, dont la moitié a plus de 55 ans, explique Jean-Luc Prat, médecin conseil chef de service de MSA à Reims. Ce qui incite à anticiper pour éviter une situation encore plus difficile dans les années à venir."

L’occasion pour les élus de mieux cerner les besoins en santé

Des élus du territoire concerné par le projet Pays de santé participent au conseil Pays de santé (voir encadré) qui se réunit tous les trimestres. Les maires ont contribué à l’élaboration du questionnaire pour l’enquête d’évaluation sur les besoins de santé menée au cours du premier semestre 2010, puis ouvert les pages des bulletins municipaux pour le publier. Les collectivités fournissent, en outre, une aide logistique (prêts de salle, mise à disposition de lignes ADSL…), et une commune a même installé l’une des deux bornes d’élimination de déchets médicaux toxiques, entièrement automatisées, et permettant une traçabilité des déchets. Le maire de cette commune, Maurice Jeannelle, explique que le projet Pays de santé a permis une prise de conscience indispensable, notamment pour mieux comprendre les besoins des professionnels. "J’ai découvert, lors des réunions du conseil de santé, des besoins émanant des professionnels de santé que je ne soupçonnais pas et auxquels il faut répondre pour les attirer sur le territoire", précise-t-il. Au final, l’enquête a permis d’identifier les actions à conduire en priorité pour satisfaire à la fois la population et les professionnels de santé.

Des réponses originales pour des besoins très diversifiés

L’étude a ainsi révélé que le territoire comptait deux zones d’attractivité en termes d’offre de soins - Rethel et Charleville-Mézières - et que les médecins exercent très majoritairement en individuel. "Ces facteurs sont peu propices à la création d’une dynamique de groupe, indique Jean-Luc Prat, et rendent la tache plus difficile à la conseillère Pays de santé (voir encadré) chargée notamment de coordonner l’offre de soins et de décharger les médecins de taches administratives et d’éducation thérapeutique."
Ces difficultés n’ont cependant pas empêché l’optimisation de services de soins. Ainsi, l’utilisation du rétinographe mobile géré par l’association CaréDiab a pu être améliorée pour mieux répondre au manque d’ophtalmologistes. Cet appareil permet de photographier le fond de l’œil, un examen nécessaire notamment aux personnes diabétiques. Il est installé quelques semaines par an dans différents points du territoire et les patients concernés sont invités à se faire examiner. Les données sont ensuite transmises par voie électronique à un ophtalmologiste qui les interprète dans les deux jours. Bien sûr il faut que le territoire dispose de l’ADSL avec un débit suffisant, ce qui n’est pas encore le cas partout en France. Des actions de natures diverses ont été proposées pour décharger les médecins d’une partie des tâches administratives ou de prévention : sessions de formation pour mieux utiliser le logiciel de gestion de cabinet, projet de centrale d’achat de matériel médical, organisation de deux consultations gratuites auprès de diététiciennes pour les personnes ayant besoins d’un suivi alimentaire.

Objectif : pérenniser le projet Pays de santé

Lors d’un premier bilan de l’opération réalisé en novembre 2011, l’agence régionale de santé s’est déclarée intéressée par l’opération Pays de santé, souligne le médecin conseil chef de service de la MSA. "Reste que pour assurer sa pérennité, il faudra trouver les sources de financements et tirer tous les enseignements de cette expérience. La conseillère Pays de santé, par exemple, doit pouvoir exercer à plein temps et non à mi-temps comme c’est le cas actuellement, et disposer d’une expérience de cadre de santé", précise-t-il.

Victor Rainaldi, pour la rubrique Expériences des sites www.mairieconseils.net et www.localtis.info

(1) La MSA n'est pas une mutuelle d'assurance mais bien un organisme de protection sociale identique à l'assurance maladie du régime général.

Projet pilote Pays de santé 
Depuis 2009, la Mutualité sociale agricole (MSA) et Groupama mènent une expérimentation pour une durée de trois ans, intitulée Pays de santé, sur deux territoires pilotes, en zone rurale, l’un en Dordogne, l’autre dans les Ardennes. Objectif : maintenir l’accès à des soins de qualité en aidant les professionnels de santé, et particulièrement les médecins, à optimiser leur temps de travail en le consacrant à leur cœur d’activité.
A l’issue de ces trois ans d’expérimentation, l’objectif est de passer le relais aux collectivités locales qui doivent trouver les moyens de pérenniser le dispositif.

Conseill(er)ère Pays de santé
La  conseillère ou le conseiller Pays de santé est la clé de voûte de tout le dispositif. Le profil idéal de cette personne : une infirmière ou un infirmier cadre supérieure de santé, capable de dialoguer avec les médecins et tenue comme eux au secret professionnel. Son rôle correspond à celui de surveillant(e) dans un hôpital : il ou elle coordonne l’offre de soins sur le territoire, met en relation les généralistes, les spécialistes et les paramédicaux et les décharge d’une partie des tâches qui ne constituent pas leur cœur de métier mais sont nécessaires à la qualité des soins. Son rôle est aussi de représenter son territoire auprès de l’ARS (agence régionale de santé) et auprès du conseil général.

Conseil Pays de santé 
Le conseil est une instance consultative ouverte à tous qui se réunit une fois par trimestre. Les participants sont des élus des collectivités locales locaux et des réseaux mutualistes de la MSA et de Groupama ainsi que des professionnels de santé, les administrés y participent assez peu. Le conseil permet notamment de faire remonter les demandes, de débattre des questions de santé qui se posent sur le territoire, d’évoquer les solutions.

Mairie de Saulces-Monclin

Maurice Jeannelle

Maire

MSA de Reims

24 boulevard Louis Roederer
51077 Reims cedex

Jean-Luc Dr Prat,

Médecin conseil

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