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Insertion - Le RSA a sorti 70.000 personnes de la pauvreté

Le nouveau rapport du comité d'évaluation du RSA dresse un bilan intermédiaire plutôt positif de la prestation, tant sur la courbe des bénéficiaires - malgré des interrogations sur la courbe du RSA-activité - que sur l'amélioration des revenus des ménages concernés. Restent les réelles faiblesses sur le pilotage du dispositif et sur les droits connexes.

Un an après sa première évaluation (voir notre article ci-contre du 8 janvier 2010), le comité d'évaluation du revenu de solidarité active (RSA) publie un nouveau rapport intermédiaire. Le comité prend bien soin de préciser que "les résultats qu'il délivre ne constituent pas des conclusions définitives sur le dispositif, mais plutôt de premiers enseignements visant à affiner certaines hypothèses, identifier des points de vigilance et préciser les investigations complémentaires à mener au cours des prochains mois".
Le bilan définitif interviendra lors de la conférence nationale prévue par l'article 32 de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA. Cette conférence rassemblera notamment des représentants des collectivités, des organisations syndicales et patronales, des organisations de lutte contre l'exclusion et des bénéficiaires. Elle se tiendra trois ans après la publication de la loi, autrement dit en décembre prochain.

Une transition sans encombre

En attendant, c'est plutôt un satisfecit que délivre le comité d'évaluation. En termes de montée en charge, le rapport constate que "le RSA-socle a pris sans difficulté le relais du RMI et de l'API [allocation de parent isolé, ndlr] pour les foyers concernés". Il n'y a donc eu ni rupture ni saut quantitatif lors de la bascule.
La mise en place du RSA-activité a en revanche été plus laborieuse, comme le soulignait d'ailleurs déjà le rapport de janvier 2010. Ainsi, le comité d'évaluation constate que "le nombre de bénéficiaires du RSA-activité seul a augmenté depuis juin 2009, mais son rythme de progression est faible depuis le début de 2010 et le nombre de foyers bénéficiaires un mois donné reste très inférieur aux prévisions qui avaient été réalisées en amont". Le comité s'interroge sur ce résultat : s'agit-il d'un phénomène classique de montée en charge d'une nouvelle prestation ou est-ce la conséquence d'un réel problème de non-recours au RSA-activité ? Même s'il reconnaît qu'il semble bien exister un problème de non-recours (des personnes qui ont droit à la prestation mais ne la demandent pas), le comité ne pourra émettre une réponse définitive qu'au vu des résultats de l'enquête quantitative en cours.
Les chiffres du RSA-activité sont toutefois en partie biaisés par le raisonnement en stock plutôt qu'en flux. En effet, si l'on ne comptait que 430.000 foyers bénéficiaires du RSA-activité seul en mai 2010, ce sont 850.000 foyers - soit le double - qui ont perçu au moins une fois cette prestation au cours de sa première année de mise en oeuvre, entre juin 2009 et mai 2010. Cet écart entre le stock et le flux s'explique par une forte mobilité au sein du RSA-activité et par un nombre important de passages entre les différentes formes de RSA (socle, socle et activité, activité seul). La mobilité est d'ailleurs l'une des caractéristiques principales du RSA. Le comité constate en effet que le taux de renouvellement (entrants et sortants) est de l'ordre de 5 % chaque mois, auxquels il faut ajouter les changements de catégorie.
Au final, la combinaison de ces différents phénomènes a conduit à une augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA de 19,6 % entre juin 2009 et septembre 2010, l'essentiel de la progression (+14,8 %) se situant entre juin et décembre 2009, autrement dit dans les six mois suivant la mise en place de la prestation. La composante la plus dynamique dans cet ensemble est celle des bénéficiaires du RSA-socle et activité (correspondant plus ou moins aux anciens systèmes d'intéressement), qui progresse de 45,9 % entre juin 2009 et septembre 2010. En termes de profils, le comité d'évaluation confirme que les bénéficiaires du RSA-socle sont très proches de ceux du RMI et de l'API, avec une surreprésentation des personnes seules et des familles monoparentales. Plus surprenant, le profil des bénéficiaires du RSA-activité est assez proche de celui des bénéficiaires du RSA-socle, avec toutefois davantage de personnes entre 35 et 49 ans.

Un impact effectif sur la pauvreté et à venir sur l'emploi

Reste bien sûr le bilan qualitatif du RSA. La prestation était particulièrement attendue sur deux aspects essentiels : la sortie de la pauvreté et le retour à l'emploi. Sur ce dernier point, le comité d'évaluation se montre plus prudent que l'Insee, qui estimait récemment que "l'efficacité du RSA apparaît spectaculaire" (voir notre article ci-contre du 1er septembre 2010). Il juge en effet que "l'impact du RSA sur le marché du travail ne peut encore à ce stade être bien apprécié", dans la mesure où les outils d'évaluation mis en place par le comité ne produiront leurs résultats que dans le courant de 2011. Seul signe tangible d'un impact positif sur le retour à l'emploi : la nette augmentation du taux d'inscription des bénéficiaires du RSA-socle sur les listes de Pôle emploi, mais sans qu'il soit possible de faire la part entre l'effet de l'amélioration de la conjoncture et les nouvelles obligations mises en place dans le cadre du RSA. A l'inverse, on peut relever que 75 % des bénéficiaires du RSA ont une ancienneté dans le dispositif supérieure à un an, dont 33 % supérieure à trois ans et 28 % supérieure à quatre ans.
En revanche, le comité d'évaluation est beaucoup plus catégorique sur l'impact du RSA-activité sur l'amélioration des revenus. Ainsi, le revenu médian des ménages percevant cette prestation serait, à la fin de 2009, supérieur de 18 % à ce qu'il aurait été sans elle. Par ailleurs, à la même date, environ 70.000 ménages auraient dépassé le seuil de pauvreté grâce au RSA-activité. Le comité estime en outre que "l'effet du RSA-activité sur le taux de pauvreté devrait s'accroître à l'avenir, à mesure que le dispositif poursuivra sa montée en charge". Compte tenu de sa dégressivité avec les revenus d'activité, le montant moyen du RSA-socle seul est de 430 euros mensuels, contre 400 euros pour le RSA-socle et activité et 170 euros pour le RSA-activité seul. A noter également : les bénéficiaires du RSA-activité ne sont pas seulement des salariés à revenus modestes, puisque l'on compte aussi 76.000 allocataires ayant le statut d'entrepreneurs et travailleurs indépendants (ETI), soit un doublement en douze mois.

Des faiblesses institutionnelles

Les principaux points faibles du RSA résident ailleurs. Ils se situent d'abord dans la méconnaissance des innovations apportées par le RSA - en matière d'orientation, d'accompagnement ou de gouvernance - qui "sont encore imparfaitement connues ou comprises". Les choses ne semblent donc guère avoir changé sur ce point depuis la mise en place du RSA (voir notre article ci-contre du 3 juillet 2009).
La seconde faiblesse concerne le pilotage et la mise en oeuvre du dispositif, en particulier pour ce qui concerne le volet partenarial. Ainsi, les travaux d'élaboration des pactes territoriaux d'insertion ont démarré tardivement et sont parfois loin d'être finalisés. De même, "la mise en place des instruments de gouvernance locale du RSA a [...] été compliquée par les difficultés rencontrées par les départements dans les modalités techniques d'échanges d'informations entre institutions", allusion aux soucis rencontrés avec les caisses d'allocations familiales (CAF).
Enfin, le comité d'évaluation pointe la "refonte partielle" des droits connexes. Le rapport observe en effet que l'évolution vers la prise en compte de la situation réelle plutôt que du statut "est limitée par le maintien, dans un certain nombre de cas, de la condition de perception du RSA. Par ailleurs, l'atténuation des effets de seuil est limitée par le fait que, pour de nombreuses aides, la condition de ressources 'mime' la condition antérieure de statut". Le rapport cite notamment, à ce titre, le cas de la réduction sociale téléphonique ou de l'aide juridictionnelle.
Enfin, en termes de dépenses, les montants versés par les CAF et les caisses de MSA (mutualité sociale agricole) au titre du RMI et de l'API, puis du RSA, ont été de 7,48 milliards d'euros en 2008 et de 9,13 milliards d'euros en 2009, soit une progression de 22 %.