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Fiscalité / Logement - Le Scellier ne sied pas aux expatriés

Il y a deux mois, Frédéric Lefebvre, député (UMP) des Français de l'étranger, se penchait, à travers deux propositions de loi, sur des dispositions jugées discriminatoires à l'encontre des Français résidant hors de France (voir notre article ci-contre du 8 avril 2014). La première concernait l'application de la taxe sur les logements vacants et l'obligation des 90 jours de résidence consécutifs. La seconde portait sur l'application de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) et - plus précisément - sur son article 16 relatif aux propriétaires désireux de pratiquer une location saisonnière de leur logement en France.

Une "double peine fiscale"

Dans les deux cas, les propositions de loi de Frédéric Lefebvre mettaient en évidence le caractère inadapté de certaines dispositions relatives au logement, au regard de la situation particulière des Français résidant à l'étranger. La question n'a rien d'anecdotique puisque l'on compte environ 1,56 million de Français vivant hors de France, dont l'immense majorité n'a rien d'exilés fiscaux.
Aujourd'hui, Frédéric Lefebvre revient à la charge avec une troisième proposition de loi visant à apprécier la condition de domiciliation fiscale du dispositif "Scellier" à la date d'acquisition du bien. Celle-ci entend mettre un terme à "une véritable double peine fiscale", dont seraient victimes les Français de l'étranger.
La proposition de loi vise en effet le cas des Français qui, avant leur expatriation, ont investi dans le cadre du dispositif Scellier (réduction d'impôt pour l'acquisition d'un logement neuf ou en état futur d'achèvement, en contrepartie d'un engagement de mise en location pour une durée minimale de neuf ans). Or, même s'ils continuent de respecter l'engagement de mise en location, les intéressés perdent le bénéfice de la déduction fiscale à compter de la date de leur départ à l'étranger (les réductions antérieures restant acquises). Durant leur séjour à l'étranger, les Français concernés ne sont plus considérés comme domiciliés fiscalement en France (même s'ils continuent d'y payer des impôts), ce qui explique que la réduction d'impôt ne peut être imputée.

Un coût final très différent du coût initial

Mais, si le contribuable rétablit son domicile fiscal en France après la fin de la période des neuf années d'engagement de location, l'impôt sur le revenu dû au titre des années postérieures à l'engagement ne pourra pas non plus être diminué des fractions de réduction d'impôt non imputées. La réduction ne peut s'imputer que lorsque le contribuable rétablit son domicile fiscal en France, à hauteur d'un neuvième de son montant sur l'impôt dû au titre des années d'imputation restant à courir à la date du rétablissement du domicile fiscal en France (donc avant la fin de l'engagement de location).
L'application de ces règles fiscales a pour effet de bouleverser les conditions économiques - et donc le coût final - de l'opération d'acquisition que l'intéressé avait envisagé avant son départ à l'étranger. En outre, l'exposé des motifs relève que "la perte de cette réduction se cumule, pour les Français qui ont décidé de s'établir hors de France après avoir investi, avec la soumission de leurs revenus locatifs à la CSG et à la CRDS à hauteur de 15,5%", d'où la "double peine fiscale" évoquée par Frédéric Lefebvre.

A quand une étude d'ensemble ?

Sur le plan juridique, la solution prévue par la proposition de loi est simple, puisqu'elle consiste à apprécier la condition de domiciliation fiscale uniquement à la date de l'acquisition du bien. Au regard du Scellier, il serait donc possible d'investir dans un bien immobilier locatif avant de partir à l'étranger, mais pas d'investir depuis l'étranger.
Cette proposition de loi - comme les deux précédentes du même auteur - a peu de chances d'aboutir dans un contexte peu propice aux "cadeaux" fiscaux sur le logement. Mais elle a le mérite de poser à nouveau la question des règles applicables, en matière de logement en France, aux personnes qui choisissent de passer une partie de leur vie professionnelle à l'étranger. Une question d'autant plus opportune que les parcours professionnels intégrant des séjours - parfois prolongés - à l'étranger sont de plus en plus la règle pour nombre de cadres de grandes entreprises. Et un sujet qui mériterait sans nul doute une étude globale portant sur l'ensemble des dispositifs...

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : proposition de loi visant à apprécier la condition de domiciliation fiscale du dispositif Scellier à la date d'acquisition du bien (enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 28 mai 2014).

 

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