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Habitat - La Commission saisit la Cour de justice de l'UE sur les aides françaises à l'investissement locatif

Le contentieux entre la Commission européenne et la France sur le dispositif des aides fiscales à l'investissement locatif connaît un nouvel épisode. Mais, après les avis motivés et les injonctions restés sans réponse depuis février 2011, Bruxelles passe au stade supérieur en assignant la France devant la Cour de justice de l'Union européenne pour "discrimination dans le domaine de la fiscalité s'appliquant à des logements neufs". A l'origine de cette affaire, la plainte d'un investisseur français déposée en 2009, qui contestait la territorialité des aides françaises à l'investissement locatif.

Incompatibles avec la libre circulation des capitaux ?

La procédure ayant été lancée il y a quatre ans, la saisine de la Cour de justice de l'UE vise les dispositifs Périssol, Besson, Robien et Borloo. Ceux-ci présentent en effet la particularité de reposer sur un mécanisme d'amortissement fiscal accéléré, en contrepartie d'une période de mise en location du bien d'une durée minimale de neuf ans.
La Commission constate que "la réglementation française fait bénéficier les investissements dans des logements neufs situés en France de l'amortissement accéléré, mais n'étend pas cet avantage aux investissements similaires effectués dans un pays étranger". Autrement dit, un investisseur français qui souhaiterait investir dans un logement locatif dans un autre Etat de l'Union ne bénéficiera pas du dispositif de l'amortissement accéléré. Dans la pratique, la Commission estime que "cela implique que les contribuables qui investissent dans des biens immeubles à l'étranger seraient davantage imposés que ceux qui investissent le même montant dans des biens immeubles situés en France". Or Bruxelles juge que de telles "dispositions sont incompatibles avec la libre circulation des capitaux, principe fondamental du marché unique de l'UE".

Le Scellier et le Duflot visés ?

Les quatre dispositifs visés ne sont plus ouverts aujourd'hui aux investisseurs, même si certains sont toujours en vigueur jusqu'à la fin de la période d'amortissement. Ceci n'empêcherait d'ailleurs pas pour autant la France d'être condamnée par la Cour de justice de l'UE. Mais la principale question porte sur le sort du dispositif Scellier, créé en 2009, et du dispositif Duflot, qui reposent non pas sur l'amortissement fiscal, mais sur une réduction de l'impôt sur le revenu. Même s'ils ne sont pas explicitement visés par la Commission, la décision de la Cour de justice pourrait avoir un impact sur leur cas.
Lors de l'avis motivé transmis à la France en 2011 - dont les arguments sont repris dans la saisine de la Cour -, l'Assemblée nationale avait vivement réagi par le biais d'une résolution (voir nos articles ci-contre du 17 février et du 8 mars 2011). Celle-ci estimait notamment que la demande de la Commission européenne sur la révision du système français d'aide à l'investissement locatif était contraire au principe de subsidiarité et au principe de proportionnalité. Elle concluait "qu'aucun des arguments juridiques avancés par la Commission européenne n'est de nature à justifier une remise en cause des aides fiscales à l'investissement locatif".
Reste à savoir si la Cour de justice de l'UE sera sensible à ces arguments ou retiendra l'argument de l'entrave à la libre circulation des capitaux, qui pourrait valoir tout autant pour le Scellier et le Duflot.