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Lutte contre l'exclusion - Le Sénat passe au crible les indicateurs de la pauvreté

Le Sénat publie un très intéressant document de travail, consacré à "La mesure de la pauvreté et de l'exclusion sociale : quels indicateurs ?". Réalisé par le service des études économiques de la Chambre haute, il passe en revue les différents indicateurs utilisés pour mesurer ces deux éléments clés de toute politique sociale, autour de la notion centrale - désormais retenue par le gouvernement - de "pauvreté ancrée dans le temps".
L'étude montre la diversité des approches possibles - en lien direct avec l'aspect cumulatif de la pauvreté - au-delà de la définition générale établie au niveau européen (seuil de pauvreté fixé à 60% de la médiane des niveaux de vie). Le document fait le point sur les nombreux débats autour de la notion de pauvreté : approches monétaires ou non monétaires, seuil relatif ou absolu, taux de pauvreté ou intensité de la pauvreté... Chaque notion et chaque indicateur font l'objet d'une analyse critique détaillée et chiffrée, complétée par des focus sur quelques exemples étrangers. L'étude s'attarde plus particulièrement sur le nouveau modèle français, élaboré notamment par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) et fondé sur le rapprochement de onze indicateurs dits "centraux".
Au-delà des considérations techniques, le document rappelle aussi que le choix d'indicateurs chiffrés de la pauvreté "est le reflet des objectifs prioritaires assignés à une politique. Il induit par ailleurs des stratégies et une allocation des moyens susceptibles de faire évoluer le 'thermomètre' choisi dans le sens souhaité". Il reconnaît que l'approche par les aspects monétaires de la pauvreté, bien que retenue au niveau national et européen, "est nécessairement incomplète" et "comporte certains défauts de mesure, notamment une prise en compte lacunaire des revenus du patrimoine". Des rapprochements entre les bases de données fiscales et sociales apparaissent également nécessaires.
L'étude du Sénat souligne aussi la nécessité de renforcer un certain nombre de points. C'est le cas de l'approche qualitative de la pauvreté, notamment en ce qui concerne les conditions de vie. Le Sénat considère que "faisant l'objet de peu de communication, le taux de pauvreté par les conditions de vie semble négligé". De même, il rappelle que "la très grande pauvreté demeure un indéfini sur le plan statistique".
Sans aller jusqu'à formuler des recommandations formalisées, le document propose un certain nombre de pistes pour améliorer la mesure de la pauvreté. Parmi celles-ci figurent en particulier un enrichissement et un élargissement de l'enquête revenus fiscaux (ERF), une meilleure connaissance de l'impact des politiques locales sur la pauvreté, une amélioration de la connaissance des trajectoires menant à la pauvreté et à la persistance dans la pauvreté (suivi longitudinal) ou encore une meilleure prise en compte, au niveau européen, des dimensions qualitatives de la pauvreté.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : Les documents de travail du Sénat, série Etudes économiques, "La mesure de la pauvreté et de l'exclusion sociale : quels indicateurs ?" (juin 2008).