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Tempête Xynthia - Le Sénat pointe de graves lacunes dans la gestion et l'anticipation du risque

Le 16 juin, la mission commune d'information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia a publié son pré-rapport. Structuré en trois parties, il fait suite à deux mois d'investigations. Sa version finale est attendue début juillet.
La première partie de ce rapport dresse le constat des défaillances en matière d'anticipation et de gestion du risque. Si la mission juge la prévision météorologique "partiellement satisfaisante", elle est pour le reste beaucoup plus sévère. Ainsi, la liste des lacunes qu'elle dresse a de quoi faire pâlir : trop faible nombre de communes littorales dotées de plans de prévention des risques d'inondations (PPRI), blocages observés en raison d'une lourdeur de procédure et d'"une absence de mémoire ou de conscience du risque naturel", PPRI existants plus avancés dans les zones fluviales que dans les zones littorales, plans communaux de sauvegarde au stade "embryonnaire" et quasi inexistants dans les zones les plus exposées, risque de submersion insuffisamment pris en compte dans les documents d'urbanisme malgré certaines initiatives dans ce sens (un atlas des zones submersibles en Vendée), manque de "porter à connaissance" devant être faits par les préfets auprès des communes, large tolérance des préfectures dans le maintien d'habitations construites sans permis (les trois quarts dans certains secteurs exposés), etc.
Bref, une "nébuleuse d'irresponsabilité collective" qu'Alain Anziani, sénateur de Gironde et rapporteur de cette mission, juge "typiquement française". A quoi s'ajoute "un manque d'intelligence collective dans la gestion de l'alerte, chacun disant avoir été parfait alors que c'est bien l'ensemble de la chaîne décisionnelle qui doit progresser et se professionnaliser". Quant au plan Digues prévu par l'Etat, c'est selon lui "une bonne chose à condition qu'il mette en avant la concertation avec les élus, qui connaissent parfaitement le sujet". "La question est aussi financière : l'Etat a prévu de financer la moitié de sa mise en oeuvre mais il faudra trouver le reste", ajoute le sénateur. "Surtout, on attend que l'Etat débloque au plus vite le financement pour déclencher les travaux de renforcement des digues promis avant l'arrivée des grandes marées d'équinoxe", a renchéri Bruno Retailleau, sénateur de Vendée et président de cette mission.

 

"Zones noires" ou "zones d'acquisition amiable" ?

L'ensemble de ces mesures d'urgence fait l'objet de la seconde partie du pré-rapport. La mission y marque son accord avec "le principe de la sanctuarisation des zones exposées à un risque avéré et extrême". Elle regrette toutefois le "manque de clarté", voire la "confusion" régnant autour des zones d'extrême d'urgence, laquelle "a contribué à entretenir des incertitudes sur le statut juridique de ces 'zones noires'". A ces zones noires, la mission préfère d'ailleurs la notion de "zones d'acquisition amiable" visant à garantir une indemnisation efficace des propriétaires sinistrés. Au sujet de ce zonage, dont la mission regrette qu'il évolue en "outil de répression", il est rapporté que les élus ont été trop peu associés à leur définition. De même, la mission demande que le statut de ces zones soit clarifié, car "elles n'ont pas vocation à devenir des déserts laissés à l'abandon". C'est d'autant plus urgent que dès cet été, leur statut évoluera en vue de rendre possible l'expropriation, pour laquelle les sénateurs recommandent le recours à la procédure adaptée dans le cas de risques naturels, telle qu'elle a été fixée dans le cadre de la loi Barnier. Ce qui signifie des expertises préalables (elles ont débuté en mai et se poursuivront cet été), une enquête publique et une procédure zone par zone, ainsi qu'un relogement à proximité.
Concernant l'indemnisation des particuliers, un réajustement du fonds Barnier est réclamé car "même en étalant les rachats sur plusieurs années", les sénateurs craignent qu'il ne puisse absorber le coût des indemnisations envisagées. Pour l'aide aux collectivités, les estimations sur les biens non assurés s'élèvent à 117 millions d'euros pour les quatre départements les plus touchés et les réparations devraient être subventionnées, comme l'a promis le gouvernement, à hauteur de 40% du montant engagé. La mission estime par ailleurs que la perte de recettes fiscales atteindra 1,8 million d'euros pour la disparition de 1.510 habitations. Pour compenser cette perte, un mécanisme à ce jour inexistant doit être imaginé, la mission recommandant de s'inspirer du mécanisme de la "compensation-relais" versée aux collectivités suite à une suppression de la taxe professionnelle.

 

Renforcer les liens entre PLU et PPR

Parmi les pistes que fournit la mission en troisième partie du rapport, on retiendra la nécessité d'une approche plus globale du risque de submersion marine (à distinguer d'une inondation) et, de fait, d'un PPRI spécifique à cette problématique. La mission suggère aussi que la gouvernance en matière de gestion de ces risques soit clarifiée, car un problème de coordination est posé lorsqu'un tel phénomène touche plusieurs régions et donc plusieurs pôles de décision préfectorale. Selon elle, plusieurs volets transposant dans le droit français la directive européenne dédiée aux risques d'inondations doivent être renforcés. Et les dispositifs d'alerte doivent être mieux intégrés (Météo France planche sur un nouveau système attendu d'ici 2011). Enfin, elle préconise un renforcement des liens entre les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les plans de prévention des risques (PPR), ce que le projet de loi Grenelle 2 prévoit, mais encore insuffisamment à ses yeux. La mission estime enfin qu'une nouvelle approche de l'aménagement du littoral tenant compte des conséquences des inondations doit être promue et que la protection des populations doit être mieux assurée grâce une gestion rénovée des digues.

 

Morgan Boëdec / Victoires-Editions