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Normes - Le Sénat relance la bataille contre l'excès de normes

Le président du Sénat a annoncé pour les semaines à venir un texte visant à endiguer le flux des normes et à simplifier leur mise en oeuvre par les collectivités, faisant écho aux déclarations du 5 octobre du chef de l'Etat. Les pouvoirs de la Commission consultative d'évaluation des normes pourraient être accrus. Des avancées devraient aussi venir de la proposition de loi Doligé, qui fera son retour en séance le 24 octobre après que la commission des lois l'a rendue plus consensuelle. A l'Assemblée nationale en revanche, la proposition Morel-A-L'Huissier visant une mise en oeuvre différenciée des normes en milieu rural a été retoquée.

Le président du Sénat est bien décidé à apporter un remède à la "maladie de la norme" dont souffrent incontestablement les collectivités locales - les témoignages des élus locaux lors des Etats généraux de la démocratie territoriale réunis par la Haute Assemblée l'ont une nouvelle fois montré.
"Les maires ont le sentiment de passer leur temps sur des textes administratifs, des normes", témoignait par exemple lors de ces Etats généraux la sénatrice Fabienne Keller au nom des élus du Bas-Rhin. "Entre les normes, les lois, les directives européennes… Cela a des répercussions financières exorbitantes. Et en plus, les choses changent tout le temps", s'est de même plaint le maire d'une commune de l'Ain de 2.000 habitants. "Le problème, ce sont souvent les réglementations contradictoires. Pour un même chantier par exemple, tandis que l'archéologie préventive impose un délai de deux ou trois ans, les règles du jeu des fonds structurels, elles, font courir le risque du dégagement d'office si le chantier n'est pas engagé assez vite", a encore illustré Valérie Létard, sénatrice du Nord.
Ce 10 octobre, lors du bureau du Sénat, Jean-Pierre Bel a souhaité que l'institution qu'il préside prenne une initiative dans ce domaine, sans attendre l'adoption en Conseil des ministres du projet de loi sur la décentralisation prévue en janvier. Avec l'amélioration du statut de l'élu local, Jean-Pierre Bel fait de la lutte contre l'inflation normative sa priorité. Il a, le même jour, donné mission à la commission des lois et à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de proposer avant la fin de la première semaine du mois de novembre un ou deux textes portant sur ces deux questions.
L'idée du président du Sénat n'est pas de relancer une proposition de loi de simplification sur le modèle des lois de simplification Warsmann. "Avec un inventaire de mesures, ces lois fourre-tout ont parfois entraîné des complications, en contradiction avec leur objet", critique-t-on au cabinet de Jean-Pierre Bel. "Il va falloir s'attaquer de manière plus structurelle à l'inflation des normes", ajoute-t-on. "Sans vouloir anticiper sur la réflexion de la commission des lois et de la délégation aux collectivités, on peut penser que la solution peut être de renforcer les pouvoirs de la Commission consultative d'évaluation des normes", avance encore un conseiller du président du Sénat. "On pourrait renforcer la commission, élargir sa saisine, filtrer davantage le flux de normes et s'attaquer au stock", conclut-il.
Des pistes qui font directement écho à "la méthode nouvelle" que le président de la République a proposée le 5 octobre, lors de la clôture des Etats généraux. "Aucune norme ne pourra être décidée sans l'avis favorable de la commission d'évaluation dont la composition sera elle-même renouvelée", avait déclaré le chef de l'Etat. Pour s'attaquer aux règles qui, parmi les 400.000 normes existantes, sont obsolètes, François Hollande a proposé que toute norme réglementaire devienne caduque si elle n'a pas été confirmée à une date fixée par la loi et qu'à toute nouvelle norme corresponde la suppression d'une autre.

Grands coups de rabot sur la proposition de loi Doligé

Le président du Sénat souhaite que la, ou les propositions de lois préparées sur les thèmes de la simplification normative et le statut de l'élu "rassemblent très largement les groupes politiques du Sénat". Son entourage indique qu'en matière de lutte contre l'excès de normes, il s'agit d'"aller encore plus loin que le contenu de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales" déposée par Eric Doligé en août 2011. Un texte dont le cheminement, stoppé en février dernier par la nouvelle majorité de gauche au Sénat (lire notre article du 16 février 2012), va reprendre, puisque les sénateurs l'examineront en séance le 24 octobre prochain. "La discussion limitée à quatre heures dans le cadre d'une niche réservée à l'UMP ne va pas permettre un examen approfondi de cette vaste question de la lutte contre l'excès de normes", estime-t-on au cabinet du président du Sénat. Où l'on qualifie pourtant la proposition de loi d'"initiative intéressante".
Il faut dire que, depuis son examen par la commission des lois, le 10 octobre dernier, le texte est désormais plus consensuel. Il est en effet expurgé de son très controversé article 1 qui instaurait le "principe de proportionnalité des normes". Concrètement, le préfet aurait eu la possibilité d'accorder en faveur des petites collectivités des dérogations aux mesures réglementaires.
De nombreuses autres mesures de la proposition de loi initiale disparaissent aussi, soit parce que, d'après les sénateurs, elles alourdissaient le droit plutôt qu'elles ne l'allégeaient, soit parce que la réflexion sur le sujet abordé n'est pas à ce jour assez avancée. Les sénateurs ont ainsi supprimé l'article 20, qui permettait d'instaurer des secteurs de projets dans les plans locaux d'urbanisme (PLU). Dans ces secteurs, les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) auraient été privilégiées par rapport au règlement, afin de donner de la souplesse. L'article 21, qui visait à moderniser la procédure des zones d'aménagement concerté (ZAC), a également été jugé non pertinent. Tout comme l'article 27, qui visait à simplifier les procédures administratives dans le domaine de l'archéologie préventive. Exit, également, l'article 29, qui proposait de transformer le service public administratif de gestion des eaux pluviales en service public industriel et commercial. Enfin, ont été retoquées les dispositions de l'article 32, qui ouvraient la possibilité à toutes les collectivités d'organiser des concours pour recruter des médecins, des infirmières ou des assistantes sociales. Les sénateurs ont jugé "raisonnable" de laisser les centres de gestion organiser les concours des collectivités de moins de 350 fonctionnaires. Les dispositions concernant les centres communaux d'action sociale (CCAS) ont fait l'objet d'un compromis : la commission des lois a souhaité que les centres aient un caractère facultatif seulement dans les communes de moins de 3.500 habitants (et non dans toutes les communes).

Plus de pouvoirs pour la CCEN

S'agissant du renforcement de la CCEN, le texte issu des travaux de la commission des lois va plus loin que celui qui avait été déposé. Les missions de l'instance sont élargies au stock de normes par la réalisation d'un rapport thématique annuel contenant des recommandations. De plus, si l'administration d'Etat s'écarte de l'avis de la commission, elle devra se justifier. La Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres) est, elle aussi, renforcée. Les représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements doivent y disposer de la moitié des sièges.
Dans l'esprit de tous ces recadrages, le texte est rebaptisé. La proposition de loi est désormais "relative au contrôle des normes applicables aux collectivités territoriales et à la simplification de leur fonctionnement".
C'est de la "maison des collectivités territoriales" qu'une solution législative contre l'inflation des normes va, donc, très certainement apparaître. D'autant plus que, le 11 octobre, l'Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi du député UMP de la Lozère Pierre Morel-A-L'Huissier qui prévoyait d'autoriser les collectivités locales en milieu rural à déroger à certaines normes réglementaires, lorsque celles-ci les obligent à mettre en oeuvre "des moyens disproportionnés". Insistant lui aussi sur le fait que les collectivités, en zone rurale, "croulent sous le poids de contraintes démesurées par rapport à leurs besoins" et "leurs capacités financières", Pierre Morel-A-L'Huissier proposait de leur permettre "de décider ponctuellement des mesures de substitution" à certaines normes. Mais donner une telle autorisation "poserait un problème de constitutionnalité", notamment au regard du principe d'égalité de tous devant la loi, a fait valoir la ministre déléguée à la Décentralisation, Anne-Marie Escoffier, suivie par la majorité socialiste qui a rejeté le texte. Tout en soulignant que le gouvernement entend bien "trouver des solutions" à "l'incontinence normative".

 

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