Le soutien public à la filière du livre jugé "efficace"

Un rapport sénatorial juge "efficace" l'aide économique de l'État au secteur du livre. Ce travail salue également la bonne gouvernance de l'action publique qui permet d'éviter des interventions dispersées entre État et collectivités territoriales.

Un secteur fragile qui bénéficie d'une gouvernance efficace de la part des acteurs publics, tout en demeurant peu aidé, telle est la conclusion du rapport de Jean-Raymond Hugonet, sénateur de l'Essonne,  consacré au soutien de l'État aux acteurs de la chaîne du livre. Alors que l'État a consacré 1,1 milliard d'euros au livre et à la lecture en 2024, seule une petite part de cette somme, soit 50,7 millions d'euros, était fléchée vers la politique économique en faveur du livre, nous apprend Jean-Raymond Hugonet

La filière du livre, outre les auteurs, traducteurs et éditeurs, ce sont notamment plus de trois mille librairies réparties sur le territoire. Si le nombre de librairies par habitant est élevé à Paris, il l'est aussi dans plusieurs départements ruraux : Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Lozère et Lot. Et alors que la moitié des librairies sont situées dans de grands centres urbains, après la crise sanitaire, des librairies généralistes ont continué à s'implanter dans des communes de moins de 15.000 habitants, souvent isolées.

Les librairies des petites villes plus aidées

Malgré ces créations et une rentabilité qui "reste stable", l'État vient cependant au soutien de la filière en raison d'une "fragilité" due à la baisse du nombre de lecteurs, à une production de livres toujours plus abondante (+21% en dix ans) et à une forte concurrence : 30% des achats de livres se font en grande surface spécialisée, 27% en librairie et 20% sur internet.

Le pilotage économique relève surtout du Centre national du livre (CNL), qui octroie 66% des aides d'État directes à la filière. Les quelque vingt-huit dispositifs différents du CNL ont déclenché en 2023 l'attribution de trois mille subventions pour un montant total de 22 millions d'euros. "Les modalités d'attribution des aides du CNL sont perfectibles mais globalement satisfaisantes", pointe le rapporteur. Il ajoute que "les aides sont bien ciblées sur les commerces les plus en difficulté", alors que 9% des librairies "structurellement moins rentables que les autres" ont perçu des aides du CNL en 2022. L'implantation dans une petite ville n'est d'ailleurs pas sans risque : 75% des librairies aidées le sont dans des communes de moins de 25.000 habitants.

Le Pass culture, une aide d'État "massive"

Ces aides directes sont loin de constituer l'essentiel du soutien de l'État au livre. Le rapport met en évidence deux autres dispositifs qui bénéficient largement à la filière. D'une part, le taux de TVA réduit à 5,5% sur les ventes de livres, soit un manque à gagner de 600 millions d'euros par an pour l'État. D'autre part, le Pass culture, qui a permis l'achat par les jeunes bénéficiaires de 28 millions de livres pour une valeur cumulée de 359 millions d'euros de 2019 à 2024. "L'impact économique du Pass culture sur la filière du livre peut donc s'apparenter à une aide d'État massive", écrit le rapporteur.

Ce panorama des aides au secteur du livre est complété par le rôle important joué par les collectivités territoriales. "La politique économique du livre est non seulement très déconcentrée, mais également très décentralisée", souligne le rapport. À ses yeux, les contrats de filière – conclus entre la région, la Drac (direction régionale des affaires culturelles) et le CNL pour définir des orientations stratégiques communes et mutualiser les moyens publics accordés à l'économie du livre – "constituent des outils précieux pour la lisibilité de l'action publique et permettent d'éviter des interventions dispersées entre l'État et les collectivités". Il déplore néanmoins que seules onze régions en soient dotées, à l'exclusion, notamment, de l'Île-de-France et des Pays de la Loire. Le rapporteur recommande d'ailleurs de "poursuivre le déploiement des contrats de filière tripartites dans les régions non encore signataires".

Les contrats de filière, un "important effet levier"

Ces contrats de filière reposant sur la logique de cofinancement des projets, ils sont financés par l'État (CNL et Drac) pour 56% et par les régions pour 44%. Les financements des collectivités bénéficient par ce biais d'un "important effet levier" par l'action du CNL et des Drac, commente le rapport. Et alors que les communes et EPCI peuvent soutenir les librairies depuis 2021, "ces interventions demeurent très limitées en volume", rappelle le rapport.

"S'il reste des aspects perfectibles, s'agissant de la coordination interministérielle ou de la contractualisation avec l'ensemble des territoires", le rapporteur considère que "la gouvernance de la politique du livre a pour vertu d'assurer une complémentarité des actions à destination de la chaîne du livre, ce qui doit être salué".

Enfin, eu égard au fait que les aides du CNL représentent entre 1% et 2% du chiffre d'affaires de l'édition et de la librairie indépendantes, le rapport juge que le livre, qui représente le premier secteur en termes de chiffres d'affaires parmi les industries culturelles, est "de très loin le secteur le moins directement aidé" et apparaît donc comme "relativement indépendant des financements publics".

 

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