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Concertation sur les quartiers - "Le trinôme de la politique de la ville doit rester le maire, le président de l'EPCI et le préfet", selon François Lamy

En lançant à Roubaix, jeudi 11 octobre, la concertation sur la réforme de la politique de la ville François Lamy a amené les 150 participants les plus actifs à renouer avec le droit commun, à favoriser les contrats locaux, à privilégier l'échelle intercommunale, à imaginer de nouvelles voies à la démocratie participative, à supprimer les zonages, à s'inscrire dans la prochaine étape de la décentralisation... Rien de nouveau par rapport aux précédentes déclarations, mais un discours fleuve qui devrait faire date.

Comme nous l'avions annoncé la semaine dernière, François Lamy a lancé jeudi 11 octobre à Roubaix la concertation nationale sur la politique de la ville sous l'intitulé "Quartiers, engageons le changement" (pour l'organisation de la concertation, voir notre article ci-contre du 3 octobre).
Aux 150 participants actifs de la démarche, le ministre en charge de la ville a d'abord fait monter la pression en déclarant : "Nous devons réaliser un vrai tournant dans l'histoire de la politique de la ville." "A mon arrivée au ministère, j'ai reçu en cadeau de bienvenue le rapport de la Cour des comptes sur la politique de la ville", s'est-il souvenu. "Ce rapport était sévère, peut-être trop", a-t-il ajouté, car selon lui "si la situation est dramatique dans nos quartiers, c'est moins à cause de l'échec de la politique de la ville que de l'échec du droit commun, qui a laissé les quartiers populaires de côté, en laissant seule la politique de la ville combler les gouffres qui ne cessaient de s'agrandir". Et d'appeler à "retrouver l'ambition originelle : la politique de la ville doit redevenir le levier pour une remobilisation des grands ministères et des agences de l'Etat". Voilà pour le retour au droit commun.
Au registre de la démocratie participative, François Lamy est persuadé qu' "entendre les habitants, c'est ce qui nous permettra de mieux agir à leurs côtés, en leur donnant un rôle, une place dans l'élaboration des dispositifs sociaux et culturels comme de la rénovation urbaine".

Graduer les aides en fonction des ressources des collectivités

"Il faut en finir avec les zonages actuels et l'empilement de dispositifs qui finissent par stigmatiser sans aider vraiment. Ils diluent notre action et accentuent encore les effets de frontière", a encore déclaré le ministre. "Il faut donc arrêter avec les 416 ZRU, les 751 ZUS, les 396 PRU, les 2.492 quartiers Cucs" et "trouver les critères les plus pertinents, les plus objectifs, les nouveaux indicateurs qui permettront aux crédits spécifiques de se concentrer sur les quartiers et les populations les plus en difficultés". "Nous devrons graduer et ne plus saupoudrer l'intervention de l'Etat, tout comme celle des collectivités, suivant les besoins du terrain, et en prenant en compte les moyens de chacun."
Au chapitre de l'échelon pertinent, "pour résoudre le problème des quartiers en difficulté, l'essentiel est de les réintégrer dans le système urbain, de les raccrocher à une dynamique d'agglomération", est convaincu François Lamy, ajoutant "ce que nous devons aujourd'hui inventer, ce sont des contrats uniques globaux qui entrainent tout un territoire dans un projet". Et aussi : "les sujets qui nous préoccupent, l'emploi, le logement, les transports, doivent être envisagés à une autre échelle, notamment intercommunale". "Le trinôme de la politique de la ville doit rester le maire, le président de l'EPCI et le préfet : le maire qui reste la cheville ouvrière essentielle, expert de son territoire dont la volonté politique est déterminante, le président de l'EPCI, garant de la solidarité et du développement harmonieux du territoire intercommunal, et le préfet dont le rôle de chef d'orchestre de l'Etat local doit être conforté en matière de politique de la ville." Mais ce devra aussi être l'affaire de "tous les niveaux de collectivités, les régions et les départements (aujourd'hui) inégalement engagés dans la politique de la ville".

Dans un contexte de décentralisation croissante

La territorialisation des politiques publiques, star des états généraux du Sénat et de tous les débats sur la décentralisation en général, donne, quand elle est appliquée à la politique de la ville : "Le succès passera par la construction de projets de territoire ambitieux, partagés et adaptés aux réalités locales : car quel est le point commun entre Clichy, les quartiers nord de Marseille, La Chapelle-Saint-Luc ou Val de Reuil ? Doit-on leur proposer la même logique, les mêmes réponses ?" Dès lors, "ce projet de territoire, ce sera à vous d'en définir le cadre, quel en sera le socle, et les formes de partenariat", lesquels devront engager (et on retrouve le principe de droit commun) l'Etat, les collectivités locales, les opérateurs nationaux (Anru et Acsé sont cités), institutionnels (bailleurs, CAF, Pôle emploi sont cités), les associations et les habitants. Bref, "nous devons rentrer dans une logique différente, celle de la coconstruction pour mieux articuler objectifs locaux et nationaux", a invité le ministre.
Dans ce cadre, il a rappelé avoir confié à François Pupponi une mission sur la solidarité intercommunale et financière, "car les réformes structurelles qui s'annoncent pourront avoir un impact décisif sur les marges de manœuvres que pourront avoir les territoires les plus pauvres".
Gageons que le "discours de Roubaix" prendra sa place dans l'histoire de la politique de la ville.