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Politique de la ville - François Lamy soumet son "plan banlieues" à Jean-Marc Ayrault

Dans son rapport publié ce mardi matin sur "La politique de la ville, une décennie de réformes", la Cour des comptes recommande au gouvernement d'engager "rapidement une réforme de la géographie prioritaire". Une recommandation suivie à la lettre par François Lamy. Le soir même, le ministre chargé de la ville devait soumettre à Jean-Marc Ayrault l'idée d'une grande concertation où serait notamment discutée l'idée d'un ou deux contrats uniques fusionnant les dispositifs actuels en faveur des quartiers.

François Lamy devait présenter, mardi en fin de journée, son "plan pour les quartiers" à Jean-Marc Ayrault. Le ministre en charge de la ville devait notamment proposer au Premier ministre et ancien maire de Nantes le lancement d'une concertation nationale mobilisant élus, associations, acteurs locaux et professionnels de la politique de la ville. Une concertation qui débuterait la deuxième quinzaine d'octobre pour s'achever fin décembre avec des dispositifs concrets à intégrer dans le projet de loi cadre sur le logement qui devrait être proposée au Parlement au premier trimestre 2013.
C'est dire si le rapport publié mardi matin par la Cour des comptes, intitulé "La politique de la ville, une décennie de réforme", tombe à pic. François Lamy dit en "partager les conclusions", notamment sur le "besoin d'une refonte de la politique de la ville pour concentrer les moyens dans les quartiers prioritaires". Il doit également approuver lorsque la Cour affirme : "Une géographie prioritaire trop complexe et, surtout, la dilution des interventions sur un nombre trop important de zones, ont dès le départ pénalisé l'ensemble du dispositif."

Fusion des contrats

Le ministère réfléchit à l'éventualité d'une fusion des multiples zonages et contrats "en deux contrats maximum" qui seraient signés avec un nombre réduit de territoires. Territoires qui seraient d'échelle intercommunale, "sauf en Ile-de-France où il faudra réfléchir à une échelle plus large", précise le ministère de la Ville. Plus précisément, les contrats porteraient sur des politiques transversales (habitat, déplacements, emploi, insertion, éducation...) élaborées à l'échelle intercommunale. S'en est finit, assure-t-on au ministère, des actions "au niveau d'une rue, d'un quartier ou même d'une ville". Toutefois, les maires demeureraient "les opérateurs". "Les maires ont la connaissance du terrain ; leur capacité à opérer est indéniable et nécessaire", explique le ministère de la Ville, avant d'ajouter : "Nous voulons laisser aux maires du pouvoir, par exemple en matière d'attribution de logements sociaux."
Deux types de contrats sont envisagés. Le premier pourrait s'appeler "contrat de rénovation urbaine et de cohésion sociale". Il intégrerait les engagements sur le bâti signés avec l'Anru assortis du volet social qui, de l'avis de tous les observateurs, manque depuis la création de l'agence. Ce "contrat unique" s'adressera à un nombre restreint de territoires intercommunaux. Le deuxième type de contrat envisagé serait destiné aux autres : ces territoires qui sortiraient des dispositifs d'aide à la rénovation urbaine mais qui auraient des besoins en matière de réussite-éducation, insertion, emploi des jeunes...
Une réponse à la critique de la Cour des comptes sur les Cucs (contrats urbains de cohésion sociale) censés, lors de leur création en 2006, "mettre en cohérence les nombreux dispositifs thématiques, urbains et sociaux prévus pour les quartiers prioritaires" et qui, cinq ans après, "ne constituent pas le cadre territorial cohérent de politique de la ville pour lequel ils avaient été créés".

"La possibilité d'un financement complet du PNRU reste très incertaine"

Question financement, "la possibilité d'un financement complet du PNRU reste très incertaine", confirme, s'il en était besoin, le rapport de la Cour des comptes. "A ce jour, plus de 40 milliards d'euros ont été mobilisés : 10 milliards d'euros apportés par les collectivités territoriales, 12 milliards d'euros par l'Etat [NDLR : l'Anru] et l'Union de l'économie sociale pour le logement, 18 milliards d'euros par les bailleurs sociaux", rappelle-t-elle.
"Les crédits, malgré leur importance, ne permettront pas l'achèvement de tous les projets programmés dans les conventions", anticipent les magistrats, notant un "décalage entre les objectifs et les finances disponibles". Si bien que "le financement du PNRU n'est pas assuré au-delà de 2013", calculent-ils. François Lamy a quant à lui assuré ce mardi à l'AFP que les crédits pour 2012 et 2013 étaient garantis. "Le problème se pose pour les années qui viennent", reconnaît-il toutefois.
Le recentrage sur les quartiers les plus prioritaires sera une réponse, l'appel à contribution auprès des partenaires (collectivités, bailleurs, Action Logement) sera aussi, certainement, une tentation... pas nouvelle. En dix ans, la Cour a observé : "Si la participation des collectivités territoriales s'est accrue, celle de l'Etat se réduit simultanément. Elle repose désormais sur l'implication croissante des partenaires sociaux, par le biais d'une mise à contribution de la participation des employeurs à l'effort de construction (le 1% logement), qui n'a été négociée que jusqu'en 2013." Incertitude supplémentaire : Action Logement a fait savoir qu'elle n'entendait pas se laisser faire (voir l'article sur Action Logement dans cette même édition).

Un rapport sans surprise

Le constat établi par la Cour des comptes n'est pas une surprise. Lorsqu'elle observe que "dix ans après la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, les écarts de développement entre les quartiers prioritaires et les villes environnantes ne sont pas réduits", elle ne fait que reprendre les résultats des rapports annuels successifs de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus).
Les débats soulevés ne sont pas non plus des plus originaux : politique spécifique ou politique de droit commun ? Largesse des zonages ou ciblage des territoires les plus difficiles ? Maires ou intercommunalités ?
Mais le rapport a le mérite d'y affirmer des positions et quelques propositions concrètes. Celle de "poursuivre le rééquilibrage territorial dans la répartition des crédits spécifiques de la politique de la ville au profit de six départements identifiés comme rencontrant les plus grandes difficultés (...) : Bouches-du-Rhône, Essonne, Nord, Rhône, Seine-Saint-Denis, Val-d'Oise" fait déjà polémique. L'article du 17 juillet de notre confrère Le Parisien, intitulé "Banlieues : et si on n'aidait que six départements ?", agace le ministère. "Ils ont confondu 'rééquilibrage des crédits' et 'concentration des crédits' !", commente-t-on à l'hôtel de Broglie. Effectivement, la concertation sera utile.