Le ZAN pas encore dans toutes les têtes, encore moins dans les documents de planification, selon une étude

En dépit de trois ans de vifs débats, une étude de la Scet souligne que la prise de conscience des enjeux liés au zéro artificialisation nette (ZAN) reste encore partielle chez les acteurs de l’aménagement et de l’immobilier. Elle observe également que ces derniers restent insuffisamment outillés pour décliner sa mise en œuvre, laquelle se heurte encore à de nombreux freins. Aussi, sans surprise, elle constate que les objectifs du ZAN sont encore assez peu déclinés dans la stratégie et les documents de planification des collectivités.

C’est une nouvelle étude (la seconde, après celle publiée l’an passé – voir notre entretien du 17 janvier 2023) en demi-teinte qu’a récemment publiée la Scet sur l’appréhension du zéro artificialisation nette (ZAN) par 366 dirigeants de collectivités (49%), d’établissements publics locaux (21%) et du secteur de l’immobilier (18%), qui ont été interrogés entre juillet et septembre derniers. 

Prise de conscience des enjeux encore partielle 

Ses auteurs observent en effet qu’"un tiers des répondants […] juge que les acteurs de l’aménagement et de l’immobilier n’ont pas pris la mesure des enjeux liés au ZAN". Non sans raison semble-t-il, puisque 26% des sondés déclarent que leur organisation n’a pas encore engagé de réflexions ou de mesures concrètes pour décliner sa mise en œuvre (paradoxalement, on notera que 45% des sondés ont dans le même temps "l’impression que les actions mises en place par leur organisation seront suffisantes pour relever les enjeux du ZAN"…).

Des taux qui restent plus que conséquents si, comme le relève l’étude, l’on tient compte du fait que "cela fait maintenant presque 3 ans que les professionnels de l’aménagement sont bercés par le ZAN et plus de 18 mois que ce concept défraie la chronique". Sans compter que, comme elle le rappelle également, "la question de la réduction de la consommation d’espaces n’est pas nouvelle" et que "les territoires ont déjà fait des efforts considérables" en la matière. Peut-être faut-il y voir d’ailleurs l’une des explications à cette absence de "prise de conscience" de certains acteurs, qui ne verraient dans le ZAN que la simple poursuite, "dans un cadre réglementaire plus contraint", d’une action entreprise depuis plus de 20 ans déjà, avec la loi SRU. Un changement d’intensité, non de nature, en somme. 

Une nouvelle approche nécessaire

Or, "faire 'comme avant'" serait, pour les auteurs de l’étude, une erreur. "Le ZAN impose aux acteurs de l’aménagement et aux territoires de repenser les modèles de développement actuels (…). Il impose de construire un nouveau projet de société réinterrogeant la manière dont on vivra les territoires dans 15 à 20 ans", plaident-ils. Ils insistent sur le fait que "le ZAN ne doit pas faire rentrer les territoires dans une planification de la contrainte", mais "doit être vu et travaillé par les territoires comme une opportunité pour refaire projet de territoire, pour marquer ses atouts, pour se démarquer des territoires voisins", en délaissant les "projets reproductibles" pour privilégier le "sur-mesure". 

Reste qu’il faudra tout de même composer avec "des programmes d’aménagement à la fois plus longs, plus coûteux et plus complexes, dans un contexte de concurrence accrue entre opérateurs et de conditions économiques nouvelles". Et ce, alors que "la pénurie du foncier économique disponible constitue d’ores et déjà une réalité pour une majorité de territoires" – "sur les 2.200 actions des 183 derniers lauréats du programme Territoires d’industrie, plus de 20% concernent le foncier", observe Jean-Baptise Gueusquin, directeur du programme – et qu’"environ 7,8 millions de logements [sont] à mettre sur le marché entre 2020 et 2050". 

Risque de déséquilibres territoriaux

Cette approche différenciée semble d’autant plus nécessaire que "les espaces ne sont pas tous mis sous tension de la même manière". Les sondés en sont conscients. Si près de la moitié (48%) estiment que la mise en œuvre du ZAN ne va pas profondément bouleverser le développement et l’aménagement des métropoles et des grandes agglomérations, ils sont au contraire 90% à penser que tel sera le cas pour les territoires périurbains, les plus affectés selon eux, devant les villes moyennes (82%) et les territoires littoraux (70%). En tenant compte du fait que "les territoires sont inégalement préparés, en fonction de l’ingénierie disponible, de l’efficacité à mettre en œuvre une stratégie foncière, de l’ancienneté de cette dernière ou d’un projet de territoire", les auteurs alertent en conséquence sur le risque de "déséquilibres territoriaux" qui pourraient "émerger" (se renforcer ?) dans le sillon du ZAN. De la difficulté de rester "égaux" sans être "identiques". 

De nombreux freins à l’action

36% des sondés estiment d’ailleurs que "le renforcement des déséquilibres territoriaux" constitue l’un des principaux freins rencontrés sur le terrain dans la mise en œuvre du ZAN. Pour eux, les deux obstacles majeurs à cette dernière seraient d’une part "les tensions politiques entre territoires ou à l’intérieur des territoires" (59%) – ce qui n’est pas sans lien – et d’autre part "la difficile soutenabilité financière des opérations d’aménagement" (57%). Viennent ensuite "l’acceptabilité du ZAN par la population" (44%), "les difficultés techniques liées à la sobriété foncière" (42%), "le ralentissement ou blocage de la production immobilière" (41%) et/ou "des documents d’urbanisme" (37%).  Autant d’éléments qui expliquent sans doute que 62% des répondants pensent que les collectivités n’ont pas encore "décliné les objectifs du ZAN dans leur stratégie de développement territorial et leurs documents de planification". Au passage, on relèvera que les "difficultés règlementaires" ne semblaient pas une option de réponse proposée, alors qu’au moment du sondage les principaux textes d’application faisaient encore défaut. Ce qui pourrait justifier, au moins en partie, le fait que 73% des sondés considèrent que les acteurs de l’aménagement et de l’immobilier n’ont pas encore acquis "une solide expertise (règlementaire, technique, financière, etc.) de ces enjeux".

Des retombées positives

In fine, l’étude relève toutefois que la moitié des sondés considèrent que les débats sur le ZAN ont emporté des retombées positives. Parmi ces dernières, figurent le regain d’intérêt local sur la bonne utilisation du foncier (40%), le renouveau du débat sur l’aménagement du territoire (37%), le regain d’intérêt pour des secteurs friches/déqualifiés (34%), le développement de la capacité d’innovation des acteurs (18%), l’identification de nouveaux partenariats et synergies entre acteurs (14%) et le renouveau de la démocratie participative locale et la vigueur du débat public (5%). En l’espèce, on observera toutefois que parmi les "10 pistes de travail" proposées par les sondés pour "répondre collectivement aux enjeux du ZAN", aucune n’a trait aux relations avec la population.

 

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