L'élevage des huîtres, une ressource économique implantée dans le Calvados par un travailleur social et adoptée par une intercommunalité

La recherche d'emplois adaptés aux travailleurs handicapés conduit à implanter une nouvelle technique d'élevage d'huîtres en pleine plage.

Au départ, une découverte : le travail au rythme des marées convient aux adultes souffrant d'un handicap mental léger. Nous sommes dans le Calvados, à Asnelles, l'une des plages de la Manche où débarquèrent les troupes alliées en 1944. Une de ces plages où la marée en se retirant dévoile une immense pente douce. Un tracteur emmène vers cette mer loin sur l'horizon une poignée de travailleurs en cirés de marins. D'autres travailleurs, déjà arrivés, installent de grands sacs sur des cadres de fers à béton arrimés dans le sol. Ces sacs nommés pochons contiennent des huîtres en cours d'élevage. Et les travailleurs en cirés constituent une partie du personnel de la société La Calvadosienne, atelier protégé dédié à la conchyliculture. Or, ici, l'élevage des huîtres, en train de se transformer en véritable ressource pour l'économie locale, est une invention récente dont l'origine est singulière.

 

Un éducateur spécialisé est à l'origine du projet

Antoine Davoust, éducateur spécialisé, avait reçu pour mission de veiller à la formation d'adultes handicapés souffrant d'un déficit mental léger. "Or, explique-t-il, la mécanisation de l'agriculture s'est faite en recourant à des calculs de plus en plus fins sur le coût de l'heure d'ouvrier. Et donc en excluant du marché de l'emploi tous ceux qui, souffrant d'un handicap ou d'autre chose, trouvaient de l'emploi auprès des agriculteurs, des artisans ou même dans les usines et qui désormais ne peuvent entrer en concurrence avec la rentabilité des machines." Il fallait donc inventer de toutes pièces une activité économique adaptée à cette main-d'oeuvre spécifique.
Sur l'autre rivage de la presqu'île du Cotentin, du côté de La Haye du Puits, s'était développée dans les années 60 une technique de production d'huîtres totalement nouvelle. "Les lieux où la culture de l'huître a pris naissance en France sont des bassins protégés des marées. Les bancs d'élevage sont situés au fond de l'eau et il faut y accéder en bateau. Tandis que notre procédé s'appuie au contraire sur le  phénomène des marées propres à nos côtes. A marée haute, les huîtres installées sur des tables à claire-voie sont baignées d'eau de mer. Tandis qu'à marée basse, ces tables sont accessibles en tracteur pour les différentes manipulations nécessitées par l'élevage. Du coup pour cultiver l'huître chez nous, il n'est plus besoin d'être marin", explique Antoine Davoust. D'autant plus que ce labeur de manutention effectué au rythme des marées s'est révélé approprié au type de handicap des travailleurs dont il avait la charge.

 

L'atelier protégé conchylicole entraîne le développement d'une filière économique

Aux limites entre les communes d'Asnelles et de Meuvaines, un marécage présentait l'avantage de filtrer et de purifier les eaux d'alluvions chargées d'engrais qui descendent des cultures céréalières vers la mer. Implanter ici le lieu d'élevage, c'était assurer au traitement des huîtres une alimentation en eau de mer et en eau douce non polluées. C'est donc sur cet espace à la frontière des deux communes que s'installe l'atelier protégé conchylicole dont l'appellation La Calvadosienne est la marque déposée. L'impulsion était donnée et des artisans locaux se sont lancés sur la voie de la conchyliculture. Avec les mêmes techniques de production et parfois les mêmes personnels. Car certains handicapés, après leur période de formation à La Calvadosienne, ont été embauchés par ces entrepreneurs. Une zone artisanale intercommunale dédiée à la conchyliculture, sur le territoire de Meuvaines, a été créée par les communes d'Asnelles et de Meuvaines. Des pratiques de solidarité entre entreprises se sont développées : prêt de gros matériel, coups de main lors des grosses commandes.

 

La conchyliculture, devenue ressource économique, nécessite une solidarité intercommunale

"Aujourd'hui, explique François André, conseiller municipal à Meuvaines en charge de ce dossier, l'extension de l'activité conchylicole est telle que nous avons dû abandonner l'approche artisanale du départ et procéder à de forts investissements. Les besoins en eau de mer pour le traitement des huîtres étaient devenus tels que certaines entreprises devaient faire traiter leur production sur d'autres bassins. D'où les frais qu'on imagine. C'est pourquoi nos deux municipalités ont pris le problème à bras le corps et ont crée le Sipazacam (syndicat intercommunal pour l'aménagement de la zone artisanale conchylicole Asnelles Meuvaines). Ce syndicat que je préside, une structure du type Sivu, a agi dans deux directions : d'une part, aménager la zone artisanale intercommunale de telle sorte que nouvelles entreprises puissent être accueillies. Ce qui a impliqué la création d'un nouveau parcellaire, d'une voirie et d'un nouveau réseau d'alimentation/évacuation des eaux. D'autre part, installer loin de la côte un système de pompage et d'alimentation en eau de mer pour approvisionner ces entreprises. L'aménagement de la zone a représenté un investissement d'un million d'euros et le pompage en mer cinq cents mille, soit un million et demi d'euros dont il fallait assurer le financement. Les communes ont fait appel à l'Union européenne, à l'Etat, à la région, au département qui ont tous contribué. Mais cela signifie que ces deux communes, dont les deux budgets cumulés avoisinent les cent quarante mille euros, se sont portées garantes pour un investissement dix fois supérieur. Or, cet investissement n'allait pas de soi car les entreprises de conchyliculture, du fait qu'elles relèvent du droit maritime, ne sont pas assujetties à la taxe professionnelle. Néanmoins nous attendons d'autres formes de retombées. Les nouveaux aménagements permettent d'accueillir 22 entreprises nouvelles. Si chacune d'elles embauche deux à trois personnes, nous aurons créé entre cinquante et cent emplois. Donc, de quoi vivre pour un nombre significatif de familles. D'autant plus qu'une telle concentration d'activités engendre des entreprises annexes : camionnage, comptabilité/gestion, sécurité... Enfin, du point de vue de la gestion, les professionnels de la conchyliculture ont constitué une coopérative agricole (une Cuma) qui a pour vocation de reprendre progressivement en charge la gestion des investissements mis à leur disposition : pompage, voierie, déchetterie."

 

François Poulle, pour la rubrique Expériences des sites Mairie-conseils et Localtis

Syndicat intercommunal pour l'aménagement de la zone artisanale conchylicole Asnelles Meuvaines

Mairie d'Asnelles
14960 Asnelles

François André

Président

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