L'Élysée veut une régulation de l'intelligence artificielle favorable à l'innovation

À Vivatech, rendez-vous annuel consacré à l'innovation technologique et aux start-up qui se tient du 14 au 17 juin 2023 à Paris, le président de la République a annoncé une rallonge de 500 millions d'euros pour soutenir le secteur de l'intelligence artificielle. Il a aussi fait part de son souhait de doter l'Europe d'une régulation favorable à l'innovation au moment où le Parlement européen votait un encadrement renforcé de l'IA.

Le plan gouvernemental sur l'intelligence artificielle (doté en 2021 de 1,5 milliard d'euros) va être abondé de 500 millions d'euros pour faire émerger sur le territoire français "cinq à dix clusters" dont "deux ou trois pôles d'excellence de niveau mondial", a annoncé Emmanuel Macron à Vivatech le 14 juin 2023. Il s'est aussi donné pour objectif de "doubler" le nombre de formations en IA. Ce plan doit permettre à la France de contrer l'offensive des Big Tech américaines sur l'IA générative (Chat GPT, Bard, Midjourney…) et de combler le retard français sur les calculateurs géants, indispensables à l'entrainement des IA de nouvelle génération. Emmanuel Macron souhaite aussi que l'État tire mieux parti de l'IA, citant l'exemple de l'Estonie qui l'utilise pour accélérer le traitement "des petits contentieux civils" ou encore l'immigration, où l'IA permettrait de traiter "plus vite" les flux de données avec moins de personnel.

Trop tôt pour réguler

Le président de la République a aussi partagé sa vision de la régulation de l'IA. "Le pire scénario serait une Europe qui investit beaucoup moins que les Américains et les Chinois, et qui commencerait par créer de la régulation. Ce scénario est possible, ce ne serait pas celui que je soutiendrai", a-t-il déclaré. Car le 14 juin, le Parlement européen a adopté à une large majorité un texte sur l'IA plus contraignant que la version de la Commission. Le Parlement de Strasbourg, qui a repris à son compte les ajustements adoptés lors des travaux préparatoires (voir notre article du 22 mars 2023), souhaite ainsi interdire les systèmes automatiques de reconnaissance faciale dans l'espace public et intégrer les IA génératives au champ des IA à "risques", soumises à des obligations renforcées. L'Élysée a critiqué un rythme de régulation européen "inadapté", défavorable à l'innovation qui pourrait se traduire par des bâtons dans les roues des entreprises européennes sans pour autant véritablement affecter les Big Tech.

Créer un champion français de l'IA générative

À mille lieux de la pause souhaitée par certains sur l'IA, le président de la République veut qu'on "accélère" et développe des modèles d'IA générative européens, basé sur l'open source et des données françaises. BPI France a du reste lancé à l'occasion de Vivatech, via un fonds doté de 50 millions d'euros, une aide à l'amorçage destinée aux entreprises tricolores souhaitant se lancer sur l'IA générative. Quant au cadre européen, la France n'a pas dit son dernier mot puisque le texte est entré dans la phase de négociation tripartite durant laquelle le Parlement, la Commission et le Conseil de l'Union européenne doivent s'accorder sur la rédaction définitive.

  • Le Sénat valide le principe d'expérimentations sur la reconnaissance faciale

Le 13 juin 2023, le Sénat a adopté une proposition de loi sur la biométrie dans l'espace public. Le texte pose un principe général d'interdiction de "l'identification biométrique à distance" dans l'espace public, en temps réel ou a posteriori. Il ouvre cependant la voie à des "expérimentations" sur ce même dans le domaine de la biométrie. La reconnaissance faciale pourrait ainsi être utilisée pour "des motifs d'une exceptionnelle gravité" avec des finalités limitativement énumérées et sous le contrôle d'autorités indépendantes. Ce texte n'ayant pas le soutien du gouvernement, il est cependant peu probable qu'il aille au terme de son parcours législatif.