L'encadrement des loyers progresse, sauf à Paris
Plus d'un quart des annonces locatives dépassent le plafond de loyer autorisé mais la situation s'améliore en France, sauf à Paris, selon le 4e baromètre de l'encadrement des loyers publié ce 12 septembre par la fondation Abbé Pierre.
L'encadrement des loyers "fait de plus en plus preuve de son efficacité", se réjouissent les auteurs de cette étude reposant sur l'analyse de 23.500 annonces recensées entre août 2023 et août 2024. À l'échelle nationale, 28% des annonces ne respectent pas l'encadrement des loyers, contre 30% en 2023 et 32% en 2022. "Ce dispositif progresse en région, mais stagne à Paris", soulignent-ils.
Dans la capitale, première ville à encadrer les loyers depuis mi-2019, 30% des logements proposés à la location sur la période dépassaient les plafonds de loyer, soit cinq points de moins qu'en 2021 mais deux points de plus que l'an passé. Et ce, note la fondation, "malgré le volontarisme affiché de la part de la Ville de Paris pour sanctionner les bailleurs récalcitrants". En se demandant si les Jeux olympiques ont pu "inciter davantage de bailleurs à tenter des hausses de loyer au-dessus de la norme". Le loyer des annonces parisiennes non conformes dépasse les plafonds de loyer de 251 euros par mois en moyenne (contre 237 euros un an plus tôt). Avec, sans surprise, "de grandes disparités entre les quartiers parisiens", le taux de non-conformité montant en flèche dans les arrondissements du centre et de l'Ouest (pas moins de 49% dans le 6e, contre 17% dans le 13e).
Si les "tendances sont plutôt à l'amélioration" dans les autres villes, "le respect de l'encadrement est assez inégal", relève le baromètre. Lyon-Villeurbanne compte ainsi désormais 29% d'annonces non conformes (contre 36% en 2022), Lille 32% (contre 43% en 2022), Bordeaux 26% (contre 37% en 2023) et Montpellier 14% (contre 37% en 2022 – une jolie baisse, donc). Les dépassements de loyers sont moins élevés qu'à Paris mais loin d'être négligeables (133 euros à Lille, 210 euros à Bordeaux).
À l'inverse, en Seine-Saint-Denis, il n'y a aucun progrès voire une détérioration de la situation. L'intercommunalité Plaine Commune affiche désormais 44% d'annonces non-conformes contre 41% en 2023 et 33% en 2022, et Est Ensemble 25%, comme en 2023, contre 14% en 2022.
Assez logiquement, dans à peu près toutes les villes concernées par l'encadrement, plus le logement est petit, moins cet encadrement est respecté : 95% des logements de 10 m² dépassent les plafonds (contre seulement 17 % au-delà de 75 m²). "Cela signifie qu’une application plus efficace de l’encadrement profiterait avant tout aux occupants de petits logements, qui sont principalement des jeunes, des étudiants, des célibataires et des ménages modestes", souligne la fondation. Idem pour les locations meublées : celles-ci sont bien plus souvent hors des clous que les locations nues.
"Alors que le pouvoir d’achat des ménages est fragilisé par l’inflation, et que la pénurie de logements locatifs abordables s’aggrave, l’encadrement des loyers du parc privé dans certaines grandes villes représente une solution prometteuse", peut-on lire en préambule de ce 4e baromètre réalisé en s'appuyant sur l’extension informatique "encadrement", qui permet de déterminer, pour chaque annonce de logement locatif mise en ligne, si celle-ci dépasse les plafonds de loyer en vigueur.
Face à un "bilan plutôt positif", la fondation Abbé Pierre réclame la pérennisation du dispositif et son élargissement à d'autres villes, en plus de Marseille, Grenoble et 24 communes du Pays basque français, dont Bayonne et Biarritz, qui ont été récemment autorisées à l'appliquer. Elle souhaiterait même que l'encadrement s'applique à toutes les zones tendues, comme le prévoyait la loi Alur.
Rendu possible à titre expérimental par la loi Elan de 2018, l'encadrement des loyers est censé prendre fin en 2026. D'ici là, "on espère avoir une action de l'État pour faire appliquer la loi", a réaffirmé auprès de l'AFP Manuel Domergue, directeur des études de la fondation. "Il faut des campagnes de communication, des actions de terrain, qu'on sensibilise, voire qu'on menace un peu. Et puis qu'on change aussi la loi, peut-être pour avoir des sanctions financières plus importantes. Il faut que la peur change de camp", a-t-il ajouté.
"Depuis 2021, à la demande de la Ville de Paris, les autorités locales peuvent se charger du respect de l’encadrement. C’est l’occasion pour elles de mettre en place des équipes dédiées et de communiquer largement auprès de la population", écrit de même la fondation, en précisant qu'à Paris, "2.335 signalements ont été enregistrés en dix-huit mois, des sommations ont été envoyées par courrier et les premières amendes sont adressées aux propriétaires récalcitrants depuis le mois de septembre 2023". Ailleurs aussi, des dispositifs se mettent en place : site dédié au signalement à Lille, contrôles aléatoires sur les sites d'annonces et "brigade associative inter-locataires" à Lyon… Et la fondation de conclure en demandant aux "nouveaux députés de soutenir, ouvrir et prolonger cette politique sociale efficace et quasiment gratuite pour les finances publiques".