L'ensemble des préfets se voient reconnaître un pouvoir de dérogation aux normes

Avec la publication ce jeudi d'un décret, les préfets disposent de marges de manœuvre supplémentaires pour adapter la réglementation nationale aux réalités locales. Mais ce nouveau droit, qui faisait jusque-là l'objet d'une expérimentation, est strictement encadré.

 

À partir de ce vendredi 10 avril, tous les préfets de région et de département pourront déroger à certaines normes réglementaires, lorsqu'ils prendront des décisions sur des demandes individuelles relevant de leur compétence. Le décret les y autorisant a été examiné mercredi en conseil des ministres et publié ce jeudi. Ce faisant, il généralise une expérimentation lancée en décembre 2017 (voir nos articles ci-dessous) dans deux régions (Pays de la Loire et Bourgogne-Franche-Comté), 17 départements (ceux des deux régions précédemment citées, ainsi que le Lot, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Creuse) et trois territoires ultramarins (Mayotte, Saint-Barthélemy et Saint-Martin). En deux ans et demi, les préfets concernés ont pris 183 arrêtés dérogatoires, a détaillé le ministre de l'Intérieur. Celui de l'Yonne a autorisé par exemple l'implantation d’une usine de méthanisation dans une zone de construction limitée, qui allait devenir constructible. Quant à son collègue de Mayenne, il a donné son feu vert à un allègement des démarches administratives pour accélérer l'installation de préfabriqués pour une école élémentaire sinistrée par des inondations. Cette expérimentation a "permis des avancées" et fait la preuve de son "utilité", convenaient ensemble à l'automne dernier les sénateurs et le gouvernement. Sa généralisation n'est donc pas une surprise.
L'extension du droit de dérogation des préfets à la réglementation à l'ensemble du territoire constitue certes un changement d'échelle notoire. Mais le champ d'application de cette possibilité n'est pas élargi. Il demeure strictement limité aux domaines qui avaient été définis pour l'expérimentation (subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales; aménagement du territoire et politique de la ville ; environnement, agriculture et forêts ; construction, logement et urbanisme ; emploi et activité économique ; protection et mise en valeur du patrimoine culturel ; enfin, activités sportives, socio-éducatives et associatives).

Circonstances locales

En outre, la mise en œuvre du droit de dérogation doit respecter exactement les mêmes conditions que celles qui avaient été fixées pour l'expérimentation. Ainsi, l'arrêté du préfet doit être justifié par "un motif d'intérêt général et l'existence de circonstances locales" et "avoir pour effet d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques." De plus, la dérogation doit être "compatible avec les engagements européens et internationaux de la France" et "ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé." Les sénateurs qui, en octobre 2019, avaient appelé le gouvernement, par une résolution, à desserrer ces contraintes, seront certainement déçus.
Mais l'éventualité d'un renforcement du pouvoir réglementaire dont disposent les exécutifs locaux - notamment après une expérimentation – que le gouvernement envisage dans le cadre de la préparation du projet de loi "3 D" est de nature à répondre en partie à leurs aspirations.

Référence : décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet.