Affichage électoral sauvage - Les afficheurs seront-ils les payeurs ?
Alors que les électeurs vont pouvoir souffler un peu après une année 2016-2017 riche en péripéties électorales, une proposition de loi déposée au Sénat entend renforcer le dispositif de lutte contre l'affichage électoral sauvage. Déposée par une vingtaine de sénateurs Les Républicains - groupe majoritaire au Sénat -, elle s'appuie sur le fait que "l'affichage électoral sauvage entraîne une inégalité entre les candidats, nuit à la qualité du paysage et de l'environnement et s'avère extrêmement coûteux pour les communes en charge de la propreté des espaces publics".
Un nettoyage aux frais des candidats
Les auteurs de la proposition de loi constatent, dans leur exposé des motifs, que les dispositifs actuels ne suffisent pas à contenir cette pratique. Ils considèrent que "cette course à l'affichage électoral sauvage est d'autant plus intolérable que les dépenses de propagande électorale des candidats liées à l'impression des bulletins de vote, des affiches et des professions de foi officielles ainsi que les frais d'affichage peuvent faire l'objet d'un remboursement par l'Etat". Par ailleurs, aux yeux des auteurs de la proposition de loi, la pratique d'affiche électoral sauvage "semble de plus en plus archaïque" à l'heure du numérique.
A défaut de pouvoir réellement empêcher la pratique à la source, l'article unique propose d'instaurer un principe d'afficheur/payeur, selon une démarche qui a fait ses preuves dans d'autres secteurs. Il prévoit qu'"en cas d'affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article [article L.51 du code électoral, ndlr], le maire, ou à défaut le représentant de l'Etat dans le département, peut, après une mise en demeure, procéder à la dépose d'office des affiches. Si le candidat ou les candidats en cause ne parviennent pas à apporter la preuve de leur absence de responsabilité, le coût du nettoyage de cet affichage est imputé sur le remboursement des dépenses de propagande électorale prévu au deuxième alinéa de l'article L.167. Un décret fixe les modalités de mise en demeure, de calcul et de remboursement".
Contourner un cadre juridique inappliqué
Si la question de l'affichage électoral sauvage est un débat récurrent, on peut s'étonner de la nécessité d'un nouveau dispositif pour contrer ses excès. En effet, l'article L.51 du code électoral, que la proposition de loi entend compléter, prévoit déjà que "pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe".
Cette interdiction est assortie de sanctions financières supposées dissuasives. Il est ainsi prévu 9.000 euros d'amende pour toute infraction à cette interdiction. Peuvent s'y ajouter une amende de 3.750 euros et un emprisonnement d'un an - ou l'une de ces deux peines seulement - pour tout candidat qui "aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, d'affichages ou de publicité commerciale ne respectant pas les dispositions des articles L.51 et L.52-1".
Enfin, l'affichage électoral sauvage peut être sanctionné au titre de pollution. Le maire peut alors saisir le préfet en vue de prononcer l'amende forfaitaire de 1.500 euros par dispositif publicitaire illégal, prévue par l'article L.581-26 du code de l'environnement.
Le problème est qu'on peine à imaginer un candidat emprisonné, ni même affligé d'une forte amende, parce que ses partisans ont procédé à un affichage électoral sauvage. Les auteurs de la proposition de loi privilégient donc une autre approche, fondée sur l'attrition des remboursements versés aux candidats. Une solution qui n'est pas sans rappeler celle utilisée - avec des résultats positifs - pour inciter les partis politiques à s'ouvrir davantage aux femmes dans les élections locales et nationales.
Référence : proposition de loi tendant à renforcer le dispositif de lutte contre l'affichage électoral sauvage (enregistrée à la présidence du Sénat le 28 septembre 2017).