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Requalification des quartiers anciens dégradés - Les collectivités territoriales devront débourser 2,5 milliards d'euros

Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés s'attache, à l'image du programme de rénovation urbaine, à traiter toutes les composantes des quartiers : logement, économie, services publics... Pourtant, le Conseil économique et social qui vient de l'examiner s'interroge : le dispositif est-il réalisable ?

"Comment vont réagir les municipalités quand elles vont apprendre qu'elles doivent mettre la main à la poche, pour financer  50% des programmes de réhabilitation, d'autant plus qu'un certain nombre d'entre elles sont dans l'impossibilité de contracter des emprunts ?" Pour Henri Feltz du Conseil économique et social, le futur projet de loi sur le logement ou plus précisément l'article 12 relatif au  programme national de requalification des quartiers anciens dégradés est une nécessité mais il doit être précisé. Le rapporteur d'un projet d'avis a tenu à rappeler à la presse, le 8 juin, que ce programme était une demande expresse d'un avis précédent du CES de janvier 2008 (voir notre article : "La politique de la ville doit être élevée au rang de grande cause nationale", 8 janvier 2008). Avec le choix d'un guichet unique (l'Anru), la méthode est bonne mais reste à savoir si le  programme est réalisable.

 

100 à 150 quartiers arrêtés par le ministre

En janvier 2008, Christine Boutin annonçait un programme de rénovation des centres-ville et demandait à l'Agence nationale de rénovation urbaine de se saisir du dossier, l'idée étant qu'on ne change pas les recettes qui marchent (voir notre article : "Quartiers anciens dégradés : l'Anru va proposer son programme fin juin", 26 mai 2008). C'est l'objet de l'article 12 du projet de loi : "Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (le PNRQAD) vise à engager les actions nécessaires à la requalification des quartiers anciens les plus dégradés tout en développant la mixité des habitants et des activités de ces quartiers et en améliorant significativement la performance énergétique des bâtiments". La définition des quartiers dégradés est, pour Henri Feltz... "administrative". "Elle nécessite d'être complétée par des critères sociaux, économiques et professionnels objectifs." L'exposé des motifs de l'article 12 apporte une précision de taille qui laisse présager qu'une telle définition existe déjà : le programme ouvert sur la période 2009-2016 portera "sur 100 à 150 quartiers au maximum pour un maximum de 100 communes ou EPCI [de plus de 10.000 habitants] dont la liste sera arrêtée par le ministre en charge du logement et de la politique de la ville".


 

Effet levier et tour de table  

Sur la période 2009-2016, la ministre du Logement prévoit la réhabilitation de 60.000 logements privés avec les aides de l'Anah et la production de 50.000 logements locatifs sociaux (dont 5.000 places de logement d'hébergement ou de transition). Pour autant, la question du financement reste entière : comment sera prise en charge la part de l'Etat de 2,5 milliards d'euros ? Par l'Anah et par la participation des employeurs à l'effort de construction. "Les résultats de la concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux devraient aboutir, nous l'espérons par la négociation, le 9 juillet. Pour le moment, le niveau de participation des uns et des autres reste inconnu", estime le rapporteur de l'avis. Pour Henri Feltz, cette problématique financière est loin d'être anodine : "Le coût de la requalification des quartiers dégradés est particulièrement élevé et la somme annoncée, si elle est réunie, sera-telle suffisante ? Les opérations imposent du temps, la prise en compte des interventions d'acteurs multiples comme des architectes des Bâtiments de France, des regroupements de parcelles trop petites... ou encore des travaux pour faciliter l'accès aux logements qui peuvent augmenter le coût global de 20 à 40%." La méthode du tour de table des partenaires financiers initiée par l'Anru devrait permettre, selon Christine Boutin, de dégager une enveloppe globale de 11 milliards d'euros.
Comme pour le programme national de rénovation urbaine, les collectivités et EPCI se porteront candidats en présentant leur diagnostic social et urbain pour un projet global de requalification : l'article 12 liste les actions en faveur du logement mais aussi l'aménagement des espaces et équipements publics de proximité, la réorganisation ou la création des activités économiques et commerciale ou encore le relogement et l'accompagnement social des ménages. "Le programme national de requalification des quartiers anciens est ambitieux et le CES s'en réjouit, reste à savoir comment il va être financé", a conclu Henri Feltz.

 

Clémence Villedieu

 

Qui fait quoi ?

Le CES estime qu'il est aujourd'hui impossible d'analyser avec précision les modalités d'intervention de l'Anru et de l'Anah : "Pour que le programme soit mené à bien, cette question de la gouvernance doit être réglée. On sait que, clairement, l'Anah n'est pas au centre du dispositif piloté par l'Anru qui voit de fait son mandat prolongé de 2009 à 2013." La ministre du Logement a assuré qu'elle ne se priverait pas des compétences de l'Agence nationale de l'habitat mais il est clair que "l'Anah n'a pas les effectifs pour accompagner une telle opération", relate Henri Feltz. En janvier 2008, l'Agence nationale de l'habitat estimait à 150 à 200 les quartiers anciens rencontrant des difficultés à des degrés divers. En 2007, 92 Opah de renouvellement urbain étaient en cours de réalisation et une trentaine en préparation. Comptant donner un nouvel élan à ces opérations, elle proposait à Christine Boutin  de "s'appuyer sur des appels à projets en partenariat avec les collectivités, à l'instar des pôles de compétitivité" (voir notre article : "Anah : un risque de surchauffe ?", 29 janvier 2008). Le 27 mars, les Opah de nouvelle génération, les opérations de requalification des quartiers anciens dégradés (ORQAD) étaient créées. "Négociées localement, elles s'inscrivent dans un nouveau cadre contractuel et budgétaire", garantissant aux collectivités un engagement financier pluriannuel, un élargissement des modalités d'intervention urbaine et une adaptation des règles de subventions aux propriétaires privés. Le 3 juillet dernier, à l'issue de son conseil d'administration, l'Anah a annoncé une enveloppe supplémentaire de 30 millions d'euros dédiés à la lutte contre l'habitat dégradé. "Ces crédits, répartis sur 60 territoires les plus performants en matière de lutte contre l'habitat indigne sont conditionnés à l'engagement de programmes opérationnels."