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Grenelle 1 - Les députés votent l'"éco-redevance" sur les poids lourds

Les députés ont adopté le principe d'une "éco-redevance" sur les poids lourds lors de l'examen du projet de loi Grenelle 1, qui s'est poursuivi à l'Assemblée dans la nuit du 15 au 16 octobre.  Suite à un amendement gouvernemental défendu par le secrétaire d'Etat aux transports, Dominique Bussereau, c'est une nouvelle version de la taxe kilométrique sur les poids lourds inscrite dans le projet de loi initial qui a été votée. Le texte indique que l'"éco-redevance pourra être prélevée sur les poids lourds à compter de 2011 (au lieu de 2010 comme annoncé lors du Grenelle, NDLR) à raison du coût d'usage du réseau routier national métropolitain non concédé et des voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic".

Dominique Bussereau a précisé au cours de la discussion que les autoroutes concédées ne pourront être incluses qu'après l'adoption de la nouvelle directive Eurovignette prévue pour 2009. La taxation "aura notamment pour objet de financer les projets d'infrastructures de transport", ajoute l'amendement qui précise qu'à cet effet, son produit sera affecté chaque année à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) pour la part du réseau routier national.
La nouvelle taxe "sera répercutée par les transporteurs" sur leurs clients, a concédé le gouvernement aux professionnels routiers, qui voyaient d'un mauvais oeil cette nouvelle redevance. Par ailleurs, "l'Etat étudiera des mesures à destination des transporteurs permettant d'accompagner la mise en oeuvre de la taxe et de prendre en compte son impact sur les entreprises", ajoute l'amendement du gouvernement. Des "aménagements de la taxe, qu'ils soient tarifaires ou portant sur la définition du réseau taxable" sont aussi prévus en fonction de l'absence "de mode de transports alternatifs à la route" ou "aux fins d'éviter un impact économique excessif sur les différents territoires au regard des conditions d'éloignement de ces territoires de l'espace européen".
Les transporteurs bretons avaient par exemple dénoncé d'avance le coût de cette nouvelle taxe puisque la Bretagne n'a pas d'autoroutes, mais dispose d'un réseau gratuit de quatre voies, développé sur le tracé des anciennes routes nationales.
Le texte prévoit encore "des mesures afin d'améliorer les performances environnementales des poids lourds, notamment en termes de consommation de carburant".
Pour les écologistes, le principe de cette taxe a été passablement écorné en raison des aménagements et des exceptions apportés au texte. "Nous sommes déçus par ce recul sur un acquis essentiel du Grenelle de l'environnement, a déclaré Michel Bromel, responsable transports de France Nature Environnement (FNE). Dans sa rédaction actuelle, ce texte vide de son contenu la mesure sur la taxe poids lourds".
Les députés ont aussi adopté  l'article 9 du projet de loi qui fixe un objectif de réduction de 20% en 2020 des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des transports pour les ramener au niveau atteint en 1990. Un amendement prévoit d'établir avant la fin 2009 une cartographie des points de saturation actuels et prévisibles à l'horizon 2020 du réseau ferroviaire. Les députés ont aussi voté le principe d'une évaluation de la politique de réduction des pollutions et des nuisances dues au secteur des transports.
Ils ont également ajouté à l'article 9 les critères prioritaires à prendre en compte dans le cadre du schéma national des infrastructures de transport visé à l'article 15. Il prévoit de faire un bilan coûts-avantages du projet et émissions de GES évitées - "dans cette perspective, la rénovation des infrastructures existantes peut être privilégiée par rapport à la construction d'infrastructures nouvelles", précise le texte. Autres critères : l'avancement actuel des projets et la possibilité d'exploiter le réseau "eu égard à la saturation prévisible de sections déjà chargées ", les facteurs de développement durable, l'amélioration de la desserte des agglomérations enclavées, des zones rurales et du maillage du territoire et la réalisation des objectifs d'accessibilité des personnes à mobilité réduite prévus par la législation nationale. Le texte indique que pour faciliter la mise en œuvre de ces objectifs, "il pourra en outre être fait appel à la procédure de la collectivité chef de file prévue par le cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution".

 

Un fonds pour consolider les financements des transports


Autre nouveauté résultant d'un amendement du rapporteur du texte, le député UMP de Seine-et-Marne Christian Jacob : la mise à l'étude d'un fonds de capitalisation qui regrouperait "des actifs et des participations dans le capital des sociétés dont il est actionnaire" et qui pourrait être "ouvert à des investisseurs institutionnels et à des collectivités territoriales". Ce fonds, qui serait géré dans le cadre des missions de l'Afitf aurait pour objectif selon Christian Jacob de "créer des conditions de financement pérennes des infrastructures de transport".
En matière de transport de marchandises (article 10), les députés ont complété l'objectif du gouvernement "d'augmenter de 25% d'ici à 2012 la part de marché du fret non routier" en précisant que cette part devra "évoluer de 14% à 25% à l'échéance 2022". Ils ont aussi voté pour la mise à l'étude d'un dispositif d'avances remboursables sur crédits carbone "pour faciliter le démarrage des projets innovants et permettre aux opérateurs de les stabiliser économiquement".
Concernant la régénération du réseau ferroviaire, les députés ont retouché la rédaction du texte de façon à mettre en valeur les engagements de l'Etat qui "seront accrus régulièrement (...)".
"Les régions pourront contribuer à cet effort pour l'entretien et la régénération du réseau ferroviaire", ajoute le texte. "Les investissements de l'Etat seront concentrés sur certains axes prioritaires de circulation importante où le fret doit bénéficier de sillons de qualité, en prenant notamment en compte les intérêts des chargeurs", ont encore précisé les députés qui ont aussi voté en faveur d'un audit qui "étudiera le fonctionnement et les résultats des autoroutes ferroviaires existantes et fera des propositions en termes d'organisation et de dispositifs incitatifs". Suite à un amendement socialiste, ils ont également ajouté que "l'Etat étudiera la possibilité de mettre en place des prêts à long terme ou des garanties pour faciliter l'acquisition du matériel nécessaire par les opérateurs".
Un amendement du député UMP de Savoie Michel Bouvard, adopté malgré l'avis de Dominique Bussereau et de Christian Jacob, prévoit par ailleurs qu'"aucun train utilisant un mode de propulsion autre qu'électrique ne sera autorisé à circuler sur une ligne électrifiée dans la totalité du parcours qu'il emprunte à partir du 31 décembre 2015".
Les députés ont aussi voté en faveur d'une forte amélioration de la desserte ferroviaire entre les ports maritimes et leur hinterland par le développement de lignes dédiées au fret et dans le cadre de projets d'"amélioration du réseau de grandes lignes ou la réalisation de sections nouvelles". Ils ont également adopté un amendement de Philippe Duron, député PS du Calvados, demandant à l'Etat d'étudier " 'opportunité de donner à l'établissement public Voies Navigables de France (VNF) la pleine propriété du domaine public fluvial, attaché au réseau magistral". Ce réseau, et en particulier celui à grand gabarit, "fera l'objet d'un plan de restauration et de modernisation dont le montant financier devra être clairement établi", ont encore ajouté les députés qui ont introduit dans le texte la poursuite des études pour le projet d'une liaison fluviale à grand gabarit entre les bassins du Rhône et de la Moselle, avec organisation d'un débat public d'ici à 2012.

Anne Lenormand