Les Français encore peu conscients et peu sensibles aux risques environnementaux

Une étude du ministère de la Transition écologique montre que les Français interrogés restent faiblement conscients des risques environnementaux auxquels ils sont exposés, qui au-delà n’entravent guère leur installation dans une commune concernée. La culture du risque restant avant tout "ancrée dans les événements passés", le rapport aux risques se révèle fort différent d’une région à l’autre, a fortiori outre-mer. L’enquête relève notamment que si les ruraux comptent beaucoup sur les collectivités pour les informer, les urbains et les ultramarins attendent surtout des pouvoirs publics qu’ils les protègent.

Voir comment les Français appréhendent les risques environnementaux, tel est l’objet de "l’enquête sur le sentiment d’exposition aux risques environnementaux" réalisée, pour la troisième fois (après 2007 et 2013), par le service des données et études statistiques du ministère de la Transition écologique, et récemment publiée.

Un "sentiment d’exposition" très sensible à l’actualité

L’étude s’attarde d’abord sur le "sentiment d’exposition" des Français interrogés, "qui ne correspond pas forcément à la réalité des menaces estimées par les experts", rappellent les auteurs, mais qui semble en revanche très sensible à l’actualité. Conduite en mai 2022, l’enquête fait ainsi ressortir que les métropolitains jugeaient alors "très ou assez importants" les risques liés à la pollution de l’air (37%), aux nouvelles maladies (27%) et à la contamination de l’eau et des sols (21%), signe que le Covid restait encore dans les têtes. En revanche, seuls 5% des personnes interrogées jugeaient les risques de feux de forêts "très importants", chiffre qui aurait sans doute pu être tout autre si l’enquête avait eu lieu après un été particulièrement marqué par le phénomène ("une saison en enfer, selon le président de la République - voir notre article du 28 octobre 2022). Autre signe des temps, la perception des risques nucléaires connaît "un recul significatif" entre 2013 (deux ans après Fukushima) et 2022, alors qu’à l’inverse le sentiment d’exposition aux risques d’inondations grandit.

Une "conscience du risque" variable, mais qui n’entrave guère l’installation

Examinant la "conscience du risque" – en se concentrant cette fois sur les personnes réellement exposées à un risque –, l’enquête montre qu’arrivent largement en tête pour les métropolitains les risques nucléaires (60% sont conscients d’être "très ou assez" exposés), devant les risques sismiques (42%) et, à parts égales (24%), les risques d’inondation – prise de conscience en forte augmentation – et les risques industriels. Outre-mer, le tiercé est tout autre : risques sismiques (72%), cycloniques (67%) et volcaniques (20%). 
La plupart du temps, cette prise de conscience n’empêche pas pour autant l’installation dans une "commune à risque". Chez les métropolitains, d’abord parce qu’ils considèrent ces risques comme minimes (44% pour le risque nucléaire, 31% pour le risque industriel, 42% pour le risque inondation), ensuite parce qu’"ils ont toujours habité là" (26% pour les deux premiers cas, 18% pour les inondations), qu’ils n’avaient "pas le choix" (respectivement 15, 24 et 18%), ou encore par ignorance de ces risques (15, 19 et 22%). Outre-mer, face aux aléas sismiques forts ou aux cyclones, le fait "d’habiter là depuis très longtemps", puis de "n’avoir pas le choix" arrivent largement en tête, la méconnaissance des phénomènes étant en revanche très faible. Sans surprise, la "culture du risque" reste avant tout "ancrée dans les expériences passées", d’où notamment l’enjeu de "maintenir dans les mémoires le souvenir d’événements passés".

Les ruraux comptent sur les collectivités pour être informés…

Pour être informés sur ces risques, les Français d’outre-mer comptent d’abord sur les médias (51% en font leur choix n°1) et Internet (25%), avant les collectivités (7%) ou leurs proches (7%). En métropole, médias (26%) et collectivités (25%) sont les principaux vecteurs retenus. Dans tous les cas, loin devant l’État (15% en métropole, 3% outre-mer). L’étude relève toutefois que le rôle informatif des collectivités varie fortement en fonction des profils : si 36% des personnes âgées de 70 ans ou plus comptent sur leurs mairie, département ou région pour les informer, le taux n’est que de 8% chez les moins de 25 ans. L’importance des collectivités est également plus marquée chez les personnes interrogées exposées à des risques liés aux centrales nucléaires, chez les ruraux et chez les propriétaires.
Côté dispositifs de prévention mis en œuvre par les pouvoirs publics, leur connaissance reste également faible, en particulier en métropole : un enquêté sur deux les ignorent, 15% seulement affirmant en avoir une connaissance précise. Parmi les plus informés, on retrouve les moins de 35 ans, les habitants des petites agglomérations, les hommes, les propriétaires de maisons individuelles, les enquêtés les plus inquiets et ceux jugeant plus favorablement l’efficacité des normes relatives aux risques. De même, moins de la moitié des personnes interrogées exposées à des risques déclarent avoir connaissance des actions préconisées par les pouvoirs publics afin qu’ils se prémunissent eux-mêmes des risques qui les concernent – le niveau de connaissance étant néanmoins "assez élevé" chez les métropolitains vivant à proximité d’une centrale nucléaire ou chez les ultra-marins exposés à des risques naturels.

… et les urbains comptent sur elles pour agir 

En matière de prévention des risques, 51% des enquêtés métropolitains considèrent qu’elle relève plutôt des individus (et 49% des pouvoirs publics). Outre-mer, on compte davantage sur les pouvoirs publics (40%, contre 32% pour "le rôle de chacun", le solde visant "autant l’un que l’autre"), notamment en Guyane (respectivement 57 et 20%). De manière générale, l’étude relève que "les enquêtés les plus inquiets, les ruraux, les ouvriers et jeunes ont plutôt tendance à déclarer que c’est surtout aux individus d’agir", alors que "les retraités, les cadres supérieurs et les enquêtés résidant en immeubles dans de grandes agglomérations estiment qu’il incombe aux pouvoirs publics d’agir prioritairement pour éviter ou limiter les éventuels dégâts".
Les enquêtés ne sont qu’à peine plus d’un sur deux à déclarer avoir confiance dans les mesures prises par les pouvoirs publics face aux risques. Et la défiance est paradoxalement beaucoup plus forte chez les ultra-marins. Pour autant, l’étude relève que la part des personnes "plutôt" ou "tout à fait" confiantes a augmenté depuis 2013 dans les communes à risque. Ce niveau de confiance s’avère généralement plus élevé chez les hommes, les enquêtés âgés de 70 ans et plus et les ménages ayant les plus hauts revenus.

 

  • Territoires métropolitains : des risques variés, une appréhension variable

L’étude relève que le rapport aux risques "se révèle très différent d’une région métropolitaine à l’autre, du fait de la variété des types et niveaux d’exposition" (c’est encore plus vrai outre-mer), mais qu’"à quelques exceptions près, les métropolitains exposés ont un niveau de conscience assez limité des risques qui les concernent".
Fortement sensibles aux risques technologiques, les Normands semblent à la fois les plus inquiets et les plus au fait des dispositifs de prévention. Confrontés à plusieurs situations critiques, Provence-Alpes-Côte d'Azur et la Corse d’un côté (feux de forêts, inondations, séismes), Occitanie (inondations) de l’autre, ont également un sentiment d’exposition aux risques plus élevé que la moyenne. À l’opposé, peu exposées, la Bourgogne-Franche-Comté et la Bretagne se montrent peu inquiètes, même si tempêtes et marées noires hantent les Bretons. C’est également plutôt le cas en Nouvelle-Aquitaine, où l’on est toutefois souvent conscient d’habiter à proximité de centrales nucléaires, sans que cela n’inquiète outre-mesure – comme en Centre-Val de Loire – contrairement à la région Grand Est, où ces centrales suscitent un fort sentiment d’exposition. Une région où les enquêtés semblent par ailleurs ressentir le plus les conséquences du changement climatique. En région Centre, l’on redoute davantage les inondations, contrairement aux Hauts-de-France où la conscience de ce risque "y est [était ?] significativement plus faible". Dans cette région, on se montre davantage concerné par les risques technologiques. Ce qui n’est pas le cas en Auvergne-Rhône-Alpes, où si l’on est conscient d’être exposés aux risques industriels, on cultive "une relation assez distante avec les risques".