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Conférence des villes - Les maires de grandes villes mesurent l'impact de la crise

Face à des maires de grandes villes dépités par la situation sociale et l'ampleur de la crise, le ministre de la Ville, Maurice Leroy, a évoqué, mercredi, la reconduction des ZFU dans le budget 2012.

"Quand il est urgent, il est déjà trop tard." Citant Talleyrand, le ministre de la Ville, Maurice Leroy, était bien dans le ton de la onzième Conférence des villes, mercredi 28 septembre. Car pour leur rendez-vous annuel, les maires de grandes villes n'ont pas eu assez de mots pour décrire la situation économique et sociale en France, dans le contexte de la crise qui a atteint une "ampleur inédite", selon leur président, Michel Destot. Le maire de Grenoble a cité un sondage TNS Sofres selon lequel les trois quarts des Français estiment vivre moins bien qu'avant et les deux tiers d'entre eux craignent un risque de chômage. Histoire d'appuyer le trait, l'AMGVF (Association des maires de grandes villes de France) a eu recours au think tank proche du parti socialiste Terra Nova dont le président, Olivier Ferrand, s'est livré à un réquisitoire contre la politique de l'emploi des jeunes, premières victimes de la crise. Des jeunes en voie de "lumpenprolétarisation", selon lui, avec un taux de chômage qui atteint les 25%, mais surtout "50% chez les non qualifiés et 80% chez les jeunes issus de banlieue et de la diversité". Un dernier chiffre accueilli avec scepticisme par la présidente de l'Acsé, Salima Saa. Mais pour Olivier Ferrand, "cette situation n'est pas une fatalité du marché, nous l'avons décidé", s'est-il indigné.
Dans le même esprit, Claude Dilain, le maire de Clichy-sous-Bois, a évoqué une "territorialisation de la pauvreté", alertant sur une "épidémie de tuberculose sans précédent" dans sa ville. "Nous sommes passés à 300 cas pour 100.000 habitants", a-t-il déclaré.

Mobiliser les fonds d'épargne

Les maires, qui ont placé la jeunesse et la lutte contre la pauvreté parmi les cinq priorités de leur manifeste adopté à l'occasion, en ont profité pour demander une prolongation du programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD), alors que la Commission européenne a décidé de faire passer son budget de 480 à 113 millions d'euros l'an prochain.
Malgré ce sombre tableau, les édiles se disent prêts à faire montre "d'audace" (thème de leur rencontre), gonflés par un autre résultat de ce sondage : c'est à eux que 39% des Français font le plus confiance pour améliorer la situation. Les élus croient ainsi dans leurs "capacités d'innovation" pour retrouver le chemin de la croissance, malgré la raréfaction de leurs ressources financières. Rappelant que le bloc communal assurait 71 à 72% de l'investissement, le président de l'Association des maires de France, Jacques Pélissard a mis en garde contre "la tension sur les liquidités des banques" et la difficulté de se financer auprès d'elles. Dans leur manifeste, les maires de grandes villes demandent ainsi de "mobiliser sans délai, face à la crise de liquidité, les fonds d'épargne gérés par la Caisse des Dépôts". Sur le long terme, la solution passera selon eux par la création de l'agence de financement pour les collectivités locales. Une agence qui devrait voir le jour l'année prochaine.

Prorogation des ZFU

La politique de la ville figure aussi dans le manifeste de l'AMGVF qui souhaite en faire une "priorité nationale". Maurice Leroy a pu évoquer plusieurs mesures du projet de loi de finances 2012 adopté le jour même en Conseil des ministres. "J'ai obtenu, pour ne pas dire arraché, la mobilisation exceptionnelle de 15,9 millions d'euros pour financer cette année, et dans un contexte budgétaire très contraint, toutes les actions de terrain en faveur des habitants des quartiers", a-t-il déclaré. Mais surtout, il a confirmé la prorogation des zones franches urbaines (ZFU) dans ce même projet de budget, "tout en augmentant l'obligation d'emploi au profit des habitants des quartiers". Le dispositif sera renforcé : "Il faut faire attention aux effets boîtes aux lettres et aux effets d'aubaine", a-t-il déclaré. Une décision applaudie, cependant les élus attendent fermement la mise en oeuvre d'un PNRU 2, unanimes pour louer les efforts de l'actuel plan de rénovation urbaine qui arrive à échéance en 2013.
Ils entendent enfin "revisiter notre modèle d'intégration afin de mieux prendre en compte les traditions et les pratiques culturelles et religieuses dans leur diversité". Pour Xavier Lemoine, le maire de Montfermeil, qui a reconnu que le débat sur l'identité nationale avait été un "fiasco", le préalable au dialogue avec l'islam passe par le respect de trois conditions : "la laïcité, l'égale dignité de l'homme et de la femme et la liberté de conscience."